Le projet des cryptomonnaies est par essence un projet décentralisé. Pourtant, voici que les banques centrales s’en emparent… pour en faire quelque chose de nouveau, dont l’usage serait bien différent des monnaies existantes…
L’inflation est là, avec nous, de façon « durable », pour reprendre le jargon à la mode.
Elle n’est pas transitoire. Un des facteurs d’inflation est la transition énergétique, qui draine beaucoup d’argent vers des énergies coûteuses et dont la production n’est pas rentable. Ceci renchérit les prix de l’énergie, ce qui a pour effet de renchérir les transports et les coûts de production de multiples biens.
Le vrai processus d’innovation
Par le passé, les transitions énergétiques se sont faites naturellement, la vapeur (produite par le charbon) remplaçant l’homme (ou la force animale), puis l’électricité remplaçant la vapeur dans l’industrie, avant de perdre en vitesse face aux moteurs à combustion interne alimentés par les hydrocarbures.
Chaque énergie détrônait l’autre dans la mesure où la nouvelle s’avérait plus efficace et donc plus rentable que l’ancienne. Aujourd’hui, sous la pression des gouvernements, une énergie rentable est remplacée par des énergies lourdement subventionnées et à production intermittente.
D’ores et déjà, certains gouvernements confrontés à l’inflation se sont lancés dans les bonnes vieilles mesures démagogiques et inefficaces : contrôle des prix et distribution d’argent gratuit, directement dans la poche des consommateurs, en France comme aux États-Unis.
Mais une réelle lutte contre l’inflation se traduirait par la mise en difficulté des pays développés surendettés, qui se retrouveraient très vite incapables d’honorer les intérêts de leur dette. Dès lors, une fuite devant la monnaie des gens confrontés à un haut niveau d’inflation et à des autorités monétaires ineptes est envisageable.
Le meilleur moyen d’éviter cela, pour les autorités monétaires, consiste justement à empêcher toute fuite.
Plusieurs moyens sont possibles :
- pourrir la vie de ceux qui tentent de se réfugier dans les métaux monétaires que sont l’or et l’argent ;
- mettre progressivement le cash (les espèces) hors la loi et rendre obligatoire les systèmes de paiements numériques ;
- enfin : promouvoir une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), à tort appelée crypto-dollar ou crypto-euro, mais qui n’a en réalité rien à voir avec une cryptomonnaie.
Des cryptomonnaies, pour quoi faire ?
Rappelons rapidement ce qui a présidé au développement des cryptomonnaies. Le 31 octobre 2008, Satoshi Nakamoto, l’inventeur présumé (même si beaucoup pensent qu’il s’agit en réalité d’un collectif similaire à celui des inventeurs d’internet) de Bitcoin, publiait son white paper, le prélude aux premiers échanges de cette monnaie qui débutèrent en janvier 2009. Dans ce document, Nakamoto avançait notamment que l’enjeu de Bitcoin était la souveraineté monétaire des individus.
Depuis plusieurs générations, l’or et l’argent ne sont plus des monnaies, et un arsenal juridique et fiscal dissuade quiconque d’en détenir. La monnaie « ayant cours légal », selon l’expression, est par conséquent devenue la propriété de ses administrateurs. Nous, simples citoyens, n’en sommes que les usagers, les locataires, et non les propriétaires.
Comment notre monnaie peut-elle conserver son pouvoir d’achat si quelqu’un d’autre peut en diluer la valeur par l’inflation, c’est-à-dire par la création monétaire artificielle, demande Satoshi ? Seul un système monétaire « basé sur une preuve cryptographique plutôt que sur un tiers de confiance », détaillait-il en exposant son projet, peut résister à la censure et « échapper au risque d’inflation arbitraire des devises centralisées » (comme il l’expliquait en juillet 2010, lors de la mise à jour 0.3 du Bitcoin).
L’architecture du bitcoin et des cryptomonnaies est décentralisée, ouverte et anonyme. Elle est conçue pour s’affranchir de l’arbitraire des devises des banques centrales et techniquement, elle fonctionne.
L’architecture prévue par les banques centrales pour leurs monnaies numériques est centralisée, fermée et entend assurer une traçabilité totale. C’est donc l’exact opposé des cryptomonnaies.
MNBC : où en sont-elles ?
Nous les définissons comme des « monnaies sous réserve de permission ». Ce ne sont plus des instruments au porteur (qui peut en faire ce que bon lui semble) ou une unité d’échange utilisable par deux parties dans une transaction privée volontaire. La MNBC (ou monnaie du gouvernement) vient avec toutes sortes de petites chaînes de codes informatiques accrochées…
Par exemple, ces petites chaines de codes peuvent déterminer que vous ne seriez pas autorisé à acheter une caisse de vin à 23h00 un dimanche. Ou à faire le plein si vous avez déjà dépassé votre « empreinte carbone » mensuelle. Ou n’importe quoi d’autre qui passerait par la tête d’un législateur bien intentionné et pour qui votre vie privée est un ennemi à abattre.
La monnaie numérique envisagée par la Fed s’est alourdie d’encore plus de contrôles. Le passeport vaccinal a permis des expériences fonctionnelles. La technologie est la clé.
En parallèle, l’administration Biden est en train d’élaborer mémoire appelant à la réglementation du Bitcoin, des cryptomonnaies et des actifs numériques qui seraient devenues une question de « sûreté nationale », selon le journal Barron’s.
Nous ne pensons pas que la mise hors la loi du cash ou l’avènement du dollar et de l’euro numérique soient des évènements imminents. Mais ils semblent inévitables. Ces deux dernières années nous ont appris qu’une urgence peut conduire à une accélération subite. Ce qui devait prendre des années de réflexion avant d’être mis en œuvre peut au final se produire en quelques mois voire semaines.
Une feuille de route expérimentale à la BCE
C’est le 14 juillet 2021 que le projet d’euro numérique a été officiellement lancé par la Banque centrale européenne. Avec une déclaration de principe de la présidente de la BCE, Christine Lagarde :
« Nous avons publié notre rapport sur l’euro numérique il y a neuf mois. Depuis lors, nous avons poursuivi nos analyses, demandé l’avis des particuliers et des professionnels et réalisé plusieurs tests, dont les résultats ont été encourageants.
Sur la base de ces travaux, nous avons décidé de passer à une étape ultérieure et de lancer le projet d’euro numérique. Le but de nos travaux est de veiller à ce que, à l’ère numérique, les ménages et les entreprises aient toujours accès à la forme de monnaie la plus sûre : la monnaie de banque centrale. »
Ici aussi, la BCE nous promet la monnaie la « plus sûre ».
La phase d’étude devrait durer deux ans et donc se terminer le 14 juillet 2023. Le communiqué poursuit : « Un euro numérique doit répondre aux besoins des Européens mais aussi contribuer à prévenir les activités illégales et éviter tout effet indésirable sur la stabilité financière et la politique monétaire. » Et il prend soin de rassurer : « Dans tous les cas, un euro numérique existerait parallèlement aux espèces, sans les remplacer. »
L’euro numérique disposera, comme son cousin le « e-dollar », toutes sortes de petits gadgets visant à encadrer son utilisation au mieux des intérêts des autorités. Et, peu importe le côté de l’Atlantique, les discours officiels donnent toutes les assurances que les espèces continueront à exister. Mais, après la crise sanitaire, on connaît la valeur de ce type de déclarations. Ce qui était inenvisageable la veille s’impose le lendemain…
Jusqu’à présent, la solution pour se prémunir d’un contrôle total des devises et d’une taxation arbitraire en cas de crise consiste à accumuler de l’or et des métaux précieux. Avec quelques précautions, le régime fiscal qui s’applique à l’or et à l’argent est d’ailleurs plus avantageux que celui qui s’applique aux cryptomonnaies. Bien sûr, il est toujours possible que les métaux monétaires puissent un jour être considérés comme « illégaux » et même confisqués. Mais il sera difficile de le faire simultanément dans tous les pays du monde.
Jusqu’ici, les banques centrales ne sont pas encore passées à l’action pour lutter contre l’inflation. Mais plus le temps passe, plus l’inflation s’installe, plus il sera difficile de reculer une tentative de resserrement monétaire. Celle-ci ébranlera une pyramide de dettes douteuses, pourrait causer de nombreuses faillites chez des entreprises zombies. Au premier signe de récession économique, les banques centrales feront machine arrière et la crise monétaire débutera vraiment.
C’est à ce moment-là que l’euro numérique – un changement de devise, en quelque sorte – pourrait être mis en place.
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3 commentaires
Pas rassurant, tout cela.
Nous allons devenir de bons petits esclaves bien dociles, le rêve de tout dirigeant ;
Que nous faut-il faire pour prévoir et anticiper cette mutation des moyens de paiements ultra contrôlés, et conforter son indépendance financière pour éviter cet étau ?
Sur quelles cryptos et quel support souple et simple d’utilisation pour payer ses achats nous faut-il utiliser pour déposer tout ou partie de notre épargne, de nos fonds ?
Merci de bien vouloir nous conseiller.
Bien cordialement,
Ph. Michel André
Il y a urgence pour ceux qui le peuvent à accumuler de l’or, de l’argent (physiques, pas sous forme papier) et du bitcoin, à l’exclusion de toute cryptomonnaie basée sur un protocole « Proof of Stake ».
Les efforts déployés pour dénigrer le Proof of Work du bitcoin (et accessoirement du Litecoin) et pour essayer de le faire passer en P.O.S. (qui est aussi l’acronyme de Piece Of Sh*t) sont à la mesure de la menace qu’il représente pour le système monétaire. Le Proof of Work en fait la blockchain la plus sûre de toutes (mettre son épargne en sécurité n’est-il pas ce que l’on souhaite en premier lieu ?) et la plus décentralisée.
La volatilité du bitcoin est un faux problème et ne concerne que les « weak hands », ces « investisseurs » la petite semaine qui espèrent faire des gains mirifiques en un temps record et s’en débarrassent avec pertes et fracas à la première baisse de cours un peu spectaculaire. Cette volatilité ne concerne jusqu’à présent aucun des investisseurs qui l’ont conservé au minimum trois ans puisque pratiquement aucun autre actif ne s’est apprécié dans les mêmes proportions.
Les MNBC et les discours mensongers des banques centrales, de la BRI ou du FMI sont une immense menace pour notre liberté. Christine Lagarde, Jérôme Powell, Agustin Carstens et consorts sont parmi les personnes les plus dangereuses actuellement en exercice. Sous couvert de protéger l’intérêt des petits épargnants, ils en planifient sournoisement le contrôle absolu.