** Lorsque nous vous avons laissé hier, nous nous inquiétions de voir tant de gens prédire des temps difficiles pour l’économie américaine. Pour sa part, le marché boursier ne dit rien ; les actions n’ont baissé que légèrement — pas assez pour signaler de sérieux problèmes économiques.
Silence radio aussi du côté des obligations. Certains jours, elles grimpent. Certains autres, elles baissent. Si des problèmes se préparaient vraiment, on pourrait penser que les obligations les verraient et donneraient l’alerte. Pour l’instant, elles sont muettes.
* Et qu’en est-il des ventes au détail ? Si les consommateurs étaient réellement mis à mal, ils devraient le sentir et commencer à dépenser moins d’argent. Mais les preuves sont mitigées. Certains chiffres montrent une chute sévère des dépenses de consommation… d’autres montrent qu’ils sont encore prêts à ouvrir leurs portefeuilles.
* Que faut-il en penser ? Nous n’en savons rien, mais comme d’habitude, l’ignorance ne nous empêche pas d’avoir une théorie… ou deux.
* L’une des conclusions évidentes, c’est que le futur ne sera pas aussi sombre que les analystes semblent le penser. Si l’économie était vraiment en train de couler, disent les optimistes, ces indicateurs nous le diraient.
* Une conclusion moins évidente : les choses seront pires qu’on le pense. M. le Marché est un vieux renard. Et s’il nous faisait croire que l’économie va rebondir… alors qu’en fait, elle se lance dans une baisse éternelle ? Le sommet semble avoir été atteint non seulement pour l’immobilier et les actions, mais pour les Etats-Unis eux-mêmes. Qui veut le croire ? Personne. Mais tout finit par retomber… et tous les empires, aussi vastes soient-ils, finissent par aller à leur perte. Il semble parfaitement plausible que les sommets historiques aient été dépassés par les Etats-Unis d’Amérique. Les Arabes, les Russes et les Asiatiques représentent une concurrence plus féroce que toutes celles que les USA ont eu à affronter auparavant. Et dans cette nouvelle course, les Américains n’ont pas une, mais bien les deux mains liées dans le dos.
* Ils n’ont plus assez d’énergie pour alimenter leur économie ; ils ne produisent plus assez de nourriture pour se suffire à eux-mêmes ; ils dépensent plus qu’ils ne gagnent, ils ont des dettes plus élevées que quiconque, des frais fixes plus importants, des équipements plus vieux, et une population vieillissante elle aussi. Ils ont également une culture des acquis qui ne peut pas s’adapter facilement à un environnement plus difficile. Au lieu d’avertir les Américains qu’ils doivent réduire leurs coûts, épargner de l’argent et faire concurrence au reste du monde… on dit aux électeurs qu’ils peuvent acheter encore plus de choses, et que, par une magie encore obscure, on les protégera non seulement d’une concurrence mondiale féroce mais également des conséquences de leurs propres erreurs.
* Mais si nos suppositions se révèlent correctes, il se peut que les prix de l’immobilier US — en termes réels — ne soient plus jamais aussi hauts qu’ils l’étaient en 2006. Jamais plus les cours des actions américaines ne seront aussi élevés qu’ils l’étaient en 2000. Et jamais plus les Etats-Unis ne profiteront d’un avantage si criant, en termes de pouvoir et de richesse, qu’à la fin du 20ème siècle. Bien entendu, il est beaucoup trop tôt pour le dire. Nous ne le saurons pas avant 20… 50… voire 100 ans.
** Mais si c’est vrai, pourquoi les marchés ne sont-ils pas de notre avis ?
* Nous avons une théorie, là aussi.
* Ce que nous voyons sur les marchés financiers, c’est une guerre. Une guerre comme celle qui a opposé l’Iran et l’Irak dans les années 80. Henry Kissinger a remarqué autrefois qu’il était "dommage que les deux côtés ne puissent pas perdre". En fait, les deux côtés ont perdu. Des millions de gens ont été tués — et les coûts ont été gigantesques. Aucune des deux parties n’a obtenu d’avantage significatif. Bien entendu, on pourrait dire la même chose de bon nombre de guerres… sinon de toutes. La Première guerre mondiale a laissé les principaux combattants dans un état pire que quand les choses ont commencé — à l’exception des Etats-Unis. Les autres pays étaient endommagés au point qu’on ne pouvait plus les reconnaître. Les nations étaient ruinées, les devises s’étaient effondrées, les empires avaient chuté, les familles régnantes — les Habsbourg, les Romanov, les Hohenzollern — avaient été éliminées, la carte d’Europe avait changé… mais peu de gens s’en trouvaient mieux.
* La guerre actuelle entre l’inflation et la déflation prend le même chemin. Un côté se fait battre. Ensuite, c’est au tour de l’autre côté de s’en prendre plein la figure. Même si l’un des camps prend l’avantage, cela lui coûte très cher.
* Pourquoi les marchés boursiers ne chutent-ils pas de manière plus décisive ? Ne peuvent-ils pas anticiper les choses ? Peut-être que c’est bien le cas. Et peut-être qu’ils voient la victoire des deux côtés. En d’autres termes, peut-être qu’ils ne voient ni croissance ni prospérité. Peut-être qu’ils voient une guerre sans vainqueur… un ralentissement… et aussi l’inflation des prix à la consommation.
* Le M3 est la mesure la plus complète de la masse monétaire. Et les prix tendent à être fixés en divisant les biens et services disponibles par la masse d’argent en circulation. Plus il y a d’argent, plus les prix grimpent. Idéalement, le M3 et le PIB (qui mesure les biens et les services) grimpent à peu près au même rythme, et les prix sont stables. Mais actuellement, le M3 augmente six à sept fois plus rapidement que le PIB. L’une des explications du chiffre des ventes au détail, c’est que ces dernières grimpent en majeure partie parce que les prix des produits augmentent. En d’autres termes, les consommateurs doivent toujours dépenser plus d’argent — simplement pour acheter les produits de base. Les prix du blé ont été multipliés par trois ces 12 derniers mois. Les consommateurs veulent toujours du pain… mais ils doivent désormais le payer bien plus cher.
* Ainsi, peut-être le marché boursier observe-t-il cette situation également. Peut-être considère-t-il les actions comme une protection contre l’inflation… peut-être pense-t-il qu’un investissement dans une entreprise faisant des profits est un meilleur endroit pour son argent qu’un compte bancaire. Peut-être qu’il veut grimper à cause de l’inflation… tout en voulant baisser à cause du ralentissement qui arrive. Et en fin de compte, il ne va nulle part.