La volatilité même de Bitcoin signe sa parfaite incapacité à assumer le rôle qu’il prétend incarner : celui d’une forme supérieure de monnaie. Une idée à garder en tête avant d’investir en cryptomonnaies…
Nassim Taleb nous rappelle que le bitcoin n’a été d’aucune aide durant la panique de l’an dernier : il a chuté encore plus que le marché boursier.
Et lorsque le FBI a pu, récemment, retrouver le rançongiciel versé par Colonial Pipeline – d’un montant supposé de 4,4 Mds$ de bitcoins – il est devenu évident pour tout le monde que la confidentialité et la sécurité supposées des transactions en bitcoins revenaient surtout à prendre ses désirs pour des réalités.
Les cryptos conservent cependant leurs fans et leurs « hodlers » (des personnes engagées à conserver leurs positions quoi qu’il arrive). Nombre d’entre eux se sont lancés alors que le bitcoin était sous les 1 000 $. Même après avoir été divisé par deux récemment, il dépasse encore les 30 000 $ à l’heure où nous écrivons ces lignes.
« Vous voyez ! » nous écrit un crypto-enthousiaste. « Je vous avais dit qu’il avait de la valeur. Voilà qui le prouve. »
De l’utilité d’une monnaie
Voici ce qui a déclenché nos interrogations d’hier.
Pour faire une montagne d’une taupinière, nous remarquons que plus le prix d’une devise grimpe (ou baisse), moins elle a de valeur.
La monnaie – ou toute chose qui prétend servir de monnaie – n’a pas de valeur en elle-même. On ne peut pas la manger. Elle ne ressemble généralement pas à grand’chose. On ne peut pas s’en vêtir ou s’en servir pour se déplacer.
On peut utiliser un billet de banque pour allumer un feu. Un crypto-lapin peut être une bonne plaisanterie. Une pièce d’or peut être utilisée comme presse-papier.
Mais la seule véritable utilité d’une monnaie, c’est… d’être une monnaie, rien de plus.
Elle nous aide à mesurer ce que valent d’autres choses. Pour avoir de la valeur, elle doit dire la vérité.
Si elle nous donne de fausses données, en revanche, elle est aussi dangereuse qu’un agent double en temps de guerre, distribuant de fausses informations pour nous pousser à la faute.
Il y a un an, le bitcoin annonçait qu’il valait environ un tiers du coût d’une camionnette Ford F-150. Il y a deux mois, il affirmait qu’il valait deux camionnettes. Aujourd’hui, il déclare qu’il n’en vaut plus qu’une environ. Alors quoi ?
Et voilà le plus important : lorsque la monnaie n’arrive pas à maintenir une certaine stabilité, elle perd son rôle principal, celui d’informateur, et donc sa valeur.
Prenez le bitcoin, ethereum, dogecoin et tous les autres.
Les gens les achètent parce que – disent-ils – ce sont des formes supérieures de monnaies. Ensuite, si ces jetons baissent, ils les vendent… parce qu’ils se sont révélés ne pas être des formes supérieures de monnaie, en fin de compte.
En revanche, si les cryptos grimpent, elles ont prouvé qu’elles ne disent pas la vérité sur le prix des choses, et qu’elles ne sont donc pas fiables.
Une délicieuse confusion
Cela met le spéculateur avisé – s’il existe – dans une position délicate.
Il a tenté sa chance sur une nouvelle forme de monnaie… qui s’est révélée ne pas être utile du tout.
Pourtant, son prix a grimpé. Désormais, d’autres acheteurs se positionnent… parce que ce n’est PAS une bonne monnaie. C’est-à-dire qu’ils achètent parce qu’ils pensent que son prix va grimper plus encore.
Tout cela nous donne le vertige… mais quelle délicieuse confusion !
Si vous achetez des cryptos, rappelez-vous… Nassim Taleb pourrait avoir raison. Elles pourraient n’avoir aucune valeur. Zéro.
Et plus elles grimpent, moins elles auront de valeur.