** Un nouveau jour, une nouvelle baisse des taux. La Fed a abaissé son taux directeur de 50 points de base, comme anticipé. Le Dow a chuté.
* Au dehors des salles de réunion de la Fed, la guerre entre l’inflation et la déflation se poursuit. Comme on pouvait s’y attendre, les gains de l’inflation sont jusqu’à présent plutôt concentrés — sur l’or et sur certaines matières premières mondiales comme le pétrole.
* La déflation, pendant ce temps, avance à grands pas.
* On apprenait hier que "les pertes, chez Countrywide, sont pires qu’on le craignait… la chute de l’immobilier ayant multiplié le nombre d’emprunteurs en retard sur leurs paiements". Selon Reuters, le prêteur hypothécaire a annoncé une perte de 421 millions de dollars pour le quatrième trimestre.
* Les prix des maisons continuent de chuter aux Etats-Unis, où ils viennent d’enregistrer une nouvelle baisse pour le 11ème mois consécutif. C’est "une crise historique", déclare Robert Shiller.
* Selon le PDG de Ryland Group, il s’agit du "pire marché immobilier de ces 30 dernières années". Ses concurrents chez Lennar ont déclaré la plus grande perte trimestrielle de leur histoire, perdant 201 millions de dollars au quatrième trimestre 2007.
** Ben Bernanke s’est permis un petit euphémisme cette semaine, déclarant que l’immobilier "pourrait peser sur la croissance pendant une bonne partie de cette année". Nous dirions que l’immobilier pèsera sans aucun doute sur la croissance — pas seulement cette année, mais pour le reste de la décennie, sinon plus longtemps encore. On peut corriger le marché actions… ou le marché du soja… en quelques jours. Mais l’immobilier prend du temps. Des maisons que l’on avait planifiées et financées avant l’explosion de la bulle immobilière arrivent encore sur le marché aujourd’hui. Elles viennent grossir des stocks déjà conséquents de maisons invendues ou saisies. Il va falloir des années pour écouler ces stockes… et des années pour ramener les prix à des niveaux abordables pour les acheteurs ordinaires.
* A ce sujet, l’ancien Secrétaire au Travail, Robert Reich, écrit que "les classes moyennes américaines ne tiennent plus le coup". Il note que les réparations proposées par Bernanke et Bush ne seront guère utiles, car les classes moyennes n’ont plus de "mécanismes pour tenir le coup". En bref, le citoyen américain moyen gagne moins, en termes réels, qu’il y a 37 ans de ça. "Le revenu d’un homme de 30 ans est désormais 12% inférieur à celui d’un homme de son âge il y a trois décennies". Les ménages ont lutté pour augmenter leur niveau de vie, d’abord en mettant les femmes au travail… puis en travaillant plus d’heures… enfin en recourant au crédit. Les lieux de travail débordent désormais de femmes surendettées qui travaillent jour et nuit.
* Et lorsque les Américains se sont trouvés à court de temps et d’argent, ils se sont mis à emprunter avec la même ardeur qu’ils mettaient à travailler.
* "Nous avons à commencer à emprunter des sommes considérables", déclare Reich. "Avec les prix des maisons grimpant nettement durant les années 90 — et encore plus nettement entre 2002 et 2006 –, nous avons transformé nos maisons en tirelires grâce aux emprunts hypothécaires. Les Américains ont récolté près de 250 milliards de valeur immobilière chaque trimestre par le biais de seconds prêts hypothécaires et de refinancements. Cela représente près de 10% des revenus disponibles. Les cartes de crédit pleuvaient littéralement, permettant d’acheter téléviseurs à écran plasma, nouveaux appareils ménages, vacances".
* "Et avec des dollars artificiellement élevés parce que les étrangers continuaient à les détenir alors même que le pays s’enfonçait dans la dette, nous avons fait venir des biens et des services bon marché du monde entier".
* Ce dernier mécanisme ne fonctionne plus. Les prix des maisons baissent. Les prêteurs se méfient des risques de crédit. Et les étrangers commencent eux aussi à regarder le dollar d’un mauvais œil.
* Que va-t-il se passer maintenant ? Il semble évident que la classe moyenne US doit renverser la vapeur. Arrêter de dépenser autant, arrêter de travailler tant d’heures, se concentrer sur la qualité de la production et la qualité de vie.
* Les gens ne voudront probablement pas le faire, pour commencer. Mais ils n’auront pas le choix. Ils doivent économiser pour les mauvais jours et pour leur retraite. Les Etats-Unis ont besoin d’épargne pour construire des usines… et pour aider les gens à apprendre de nouvelles techniques et de nouvelles connaissances. Oui, cher lecteur, les ampoules s’allument enfin dans l’Empire des Dettes : on ne peut pas vraiment s’enrichir en empruntant et en dépensant… ni même en travaillant nuit et jour à garer les voitures des gestionnaires de hedge funds. On s’enrichit en épargnant, en apprenant et en investissant. Il n’y a pas d’autre moyen.
* Tout cela signifie un déclin des dépenses… et un déclin du niveau de vie américain. Cela signifie également une récession — une récession qui sera probablement longue et profonde, et que les politiciens s’acharneront à combattre.
* Malheureusement, ils ne peuvent pas gagner cette bataille. Ils ne peuvent pas vraiment améliorer la situation en injectant du cash et du crédit bidon. C’est cela qui a causé le problème. Ils doivent eux aussi renverser la vapeur… et encourager l’épargne.
* Qui voudrait économiser quand le taux d’épargne n’est pas plus élevé que l’inflation ? Qui voudrait acheter un T-Bond avec un taux de rendement de 4,28%… alors que le niveau d’inflation des prix à la consommation grimpe de 4,4% par an ?
* Nous offrons donc un conseil gratuit à la Fed : arrêtez de baisser les taux ; augmentez-les. Laissez le marché boursier s’effondrer. Laissez l’économie ralentir. Laissez les banques faire faillite. Liquidez Wall Street. Liquidez le secteur de l’immobilier. Liquidez les mauvaises dettes un peu partout. Qu’on en finisse, et que la classe moyenne américaine puisse recommencer à construire… après 37 ans… sur des bases solides.
* On ne nous remerciera probablement pas pour ce conseil.