Investir dans le vin… voilà qui peut faire rêver – et déboucher (!) sur de belles opportunités. A condition de bien choisir sa forme d’investissement !
Les fêtes de fin d’année sont l’occasion de mettre sur la table quelques belles bouteilles, parfois sorties de derrière les fagots. Des flacons que l’on a amoureusement veillés en vue de festivités. Il arrive aussi que le Père Noël dépose au pied du sapin quelques cadeaux viniques.
Certains vont même jusqu’à ouvrir ou offrir leur propre vin, alors qu’ils ne sont nullement vignerons. Non vignerons, mais investisseurs. En effet, le vin peut aussi être un placement. Tour d’horizon des possibilités.
Acheter des vignes
La vigne fait rêver. De nombreuses banques et assurances possèdent leurs vignobles, pour diversifier leurs actifs certes, mais aussi parfois pour satisfaire aux désirs de leurs dirigeants. – la danseuse du patron, en quelque sorte.
AG2R La Mondiale, Axa, Crédit Agricole sont des acteurs majeurs. Mais on trouve aussi, plus modestement, Allianz, Crédit Mutuel Arkéa, MACSF, SMABTP, etc. Sans parler des Rothschild, présents dans la vigne depuis plusieurs générations.
On sait aussi que de grands noms du luxe, tels Arnault et Pinault, se battent à coups de grands crus bordelais ou bourguignons. D’ailleurs, ne pourrait-on pas les réunir pour une fois en un « Pinarnault » qui résume bien leur amour du vin ?
D’autres patrons mettent, ou ont mis, leur nom sur une étiquette, à l’exemple des Bolloré, Bouygues, Dassault, Gattaz, Leclerc, Perrin, etc. Certains se sont même reconvertis en vignerons après avoir quitté les affaires, à l’instar des Cathiard (Go Sport) au Château Smith Haut Lafitte dans le Bordelais, d’Olivier Decelle (Picard Surgelés) au Mas Amiel dans le Roussillon, ou de Paul Dubrule (Accor) au Domaine La Cavale dans le Luberon.
Vous l’aurez compris, l’achat d’un domaine vinicole n’est pas à la portée de toutes les bourses. Et l’achat ne fait pas tout. Si vous voulez tirer quelques revenus de cet investissement, mieux vaut s’entourer d’une équipe compétente.
Une alternative pourrait être l’achat de vignes que vous mettriez en fermage. Le prix moyen démarre à 3 000 € l’hectare pour le vignoble de Saint-Pourçain dans l’Allier, et peut atteindre, toujours en moyenne, 2,850 millions d’euros dans les grands crus de Bourgogne. La fourchette est donc large et chacun devrait pouvoir trouver chaussure à son pied.
Il faut savoir que c’est l’autorité préfectorale qui fixe le cadre de la location en publiant un arrêté avec des minima et maxima. Les marges de manœuvre sont donc étroites et il ne faut pas espérer gagner des fortunes par ce moyen : entre 1% et 4% l’an en moyenne.
En revanche, on peut faire de beaux gains en revendant ensuite les terres achetées. Mais il ne faut pas se tromper. Entre le début des années 1990 et aujourd’hui, le foncier a progressé de 489% à Pauillac, passant de 356 000 € l’hectare à plus de deux millions d’euros. Les autres vignobles sur le podium sont Crozes-Hermitage (+ 445%) et Cornas (+ 361%). On trouve dans le haut du classement nombre d’appellations bordelaises et quelques bourguignonnes. On peut être surpris de la présence de vignobles moins prestigieux comme ceux du Diois ou de Pic Saint-Loup qui progressent respectivement de 168% et 203%.
Mais le prix du foncier vinicole peut également chuter. Dans le bordelais, c’est le cas à Blaye (- 52,4 %), dans les Graves (- 52,9 %), à Fronsac (- 68,2 %) et surtout à Sauternes (- 86,4 %). L’hectare de vigne du sauternais ne vaut plus que 32 200 euros, alors qu’il y a moins de trente ans il cotait encore 237 300 euros en moyenne. Les vignes du Beaujolais (entre – 82 % et – 68 % selon l’appellation), du Muscadet (- 62 %) ou de Cahors (- 55,5 %) connaissent également une forte dépréciation.
Il fallait donc avoir le nez creux pour acheter des arpents de vigne au début de la décennie 1990 et espérer en sortir avec une plus-value. Ou alors bien diversifier ses investissements.
Adhérer à un groupement foncier viticole
La diversification, c’est ce que permet les groupements fonciers viticoles (GFV). Ce sont, en effet, des sociétés civiles, à l’image des SCPI, qui achètent des vignes pour les donner à bail à long terme (de 18 à 25 ans) à un vigneron qui les exploitera.
L’investisseur qui achète des parts (à partir de 3 000 €) dans un ou plusieurs GFV ne doit cependant pas faire une confiance aveugle à la société de gestion (parmi les plus connues : Amundi, Bacchus Conseil, La Française, Société Saint Vincent). En effet, tous les GFV ne se valent pas ; il revient à l’épargnant de s’assurer dans le détail que les terroirs et les appellations sélectionnés sont judicieux et que les vignes sont confiées à des vignerons reconnus qui sauront en tirer le meilleur parti. Il convient également d’apprécier le montant des frais facturés par la société de gestion : frais d’entrée et de sortie, et frais de gestion peuvent amoindrir la rentabilité.
Contre sa mise de fonds, l’investisseur perçoit une part des loyers. Ces dividendes peuvent être, pour tout ou partie, convertis en bouteilles. C’est souvent ce qui fait tout l’attrait de l’opération pour des amateurs de vin. Par ailleurs, ces derniers peuvent souvent acheter des bouteilles à un tarif préférentiel. Des bouteilles à boire, ou à garder pour revendre plus tard si elles peuvent s’apprécier.
Comme pour l’achat de foncier en direct, les rendements se situent entre 1% et 4%, parfois même en-deçà de cette fourchette. A la revente des parts, une plus-value peut être espérée mais elle n’est pas certaine comme nous l’avons vu ci-dessus.
Les revenus perçus peuvent profiter du régime micro-foncier si le total des revenus du contribuable ne dépasse pas les 15 000 € annuels. Au-delà, ils sont imposés comme tout revenu foncier.
Les assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) sont exonérés de 75% de la valeur des parts de GFV dans la limite de 101 897 €, et de 50% au-delà de ce montant, si toutefois les parts sont détenues depuis au moins deux ans.
En matière de transmission du patrimoine, les GFV sont aussi particulièrement intéressants puisque l’héritier bénéficie d’un abattement de 75% de la valeur des parts jusqu’à 300 000 € (et de 50% au-delà). Pour cela, il est nécessaire que les parts aient été détenues depuis plus de deux ans d’une part, et que le successeur les conserve au minimum cinq années.
Achat en direct ou par l’intermédiaire d’un GFV, la vigne reste un placement incertain qui peut subir des maladies et les caprices de la météo. Certains vignobles ont essuyé des orages de grêle plusieurs années de suite, mettant en péril plusieurs domaines.
Adopter des ceps
Des domaines proposent des pieds de vigne à la location. Par exemple, le Château Fougas loue ses vignes pour une année. Le locataire reçoit, en échange du loyer, un nombre de bouteilles fixé à l’avance, quels que soient les aléas climatiques.
Pendant l’année de location, l’heureux locataire est le bienvenu au domaine où il peut visiter ses vignes et même faire une dégustation avec ses amis. Régulièrement, il est informé de l’évolution du millésime jusqu’à la mise à disposition de ses bouteilles qui seront marquées à son nom. Il participe également à la journée de vendanges avec tous les autres locataires et au repas qui réunit tous les locataires de pieds de vigne.
Des sociétés spécialisées – par exemple Gourmet Odissey – commercialisent des concepts similaires, la différence étant que le client a alors le choix entre plusieurs domaines pour adopter des ceps.
Acheter des bouteilles
Enfin, moyen plus classique d’investir dans le vin : acheter des bouteilles, tout simplement. Ainsi, des amateurs achètent des grands crus au moment des ventes en primeur. Le système des primeurs a été inventé pour permettre au producteur de faire rentrer très vite l’argent.
Dès le printemps, en effet, il vend la récolte de l’automne précédent alors que le vin a encore besoin de plusieurs mois (parfois jusqu’à 12 ou 18 mois) d’élevage. En contrepartie, l’acheteur achetait les bouteilles avec une décote de 20 à 30% sur le prix de la commercialisation du vin en bouteille. A la livraison, voire quelques années plus tard, il pouvait revendre tout ou partie de son vin en réalisant une plus-value.
Certains amateurs achetaient ainsi plusieurs caisses d’un vin qu’ils revendaient ensuite, sauf une qu’ils gardaient pour eux. S’ils se débrouillaient bien, cette caisse ne leur coûtait rien.
Par exemple, le Château Latour, un premier grand cru classé de Pauillac, était proposé en primeur en 2008 à 150 € HT la bouteille, soit 180 € TTC. En 2011, il s’échangeait à 800 €. Depuis, sa cote est quelque peu retombée à 450 € environ. L’opération s’avère néanmoins payante.
Malheureusement le système des primeurs n’est plus aussi attrayant qu’autrefois, les prix de sortie n’ayant cessé de croître depuis le mitan des années 2000. Réaliser des affaires dans ces conditions devient de plus en plus hasardeux. Il reste que l’on peut, la plupart du temps, encore acquérir par là des crus moins chers que chez le caviste. Pour ne pas être victime de margoulins, mieux vaut s’adresser à des négociants qui ont pignon sur rue (Millésima, Duclot, Lavinia, etc.).
Il existe toutefois une autre possibilité : celle de faire appel à un intermédiaire qui gère l’investissement à votre place. L’Autorité des marchés financiers (AMF) publie une liste des sociétés agréées (Cavissima, U’Wine…).
Cavissima, par exemple, demande un investissement initial de 20 000 € minimal. La société propose une sélection de grands crus à l’investisseur, mais c’est ce dernier qui fait le choix définitif. Les vins sont achetés en franchise de TVA et conservés aux ports francs de Genève.
Si le client souhaite revendre sa cave, Cavissima l’aide à estimer le prix de mise en vente de ses bouteilles et transmet ensuite l’offre à son réseau d’acheteurs professionnels. La transaction est organisée par Cavissima Grands Crus qui agit comme tiers de confiance. Une fois la revente réalisée, le montant est crédité sur le compte du client. Il peut ensuite le réutiliser pour acheter à nouveau du vin ou demander le retrait via un virement bancaire.
L’investisseur peut aussi faire livrer ses achats chez lui, le moment venu pour les boire. Bien évidemment, tout cela a un coût : frais de stockage des bouteilles, assurances, frais de gestion, frais de revente, et éventuels frais de livraison.
Quel que soit votre choix, n’oubliez jamais que le vin est un placement de diversification. Surtout, il est fait pour être bu (avec modération, bien entendu !). Alors, à Noël comme au Nouvel An, faites-vous plaisir.
Personnellement, c’est ce que je ferai en trinquant à la santé de tous les lecteurs de La Chronique Agora !