Il semblerait qu’il existe déjà des tensions sur le marché de l’or physique en Grande-Bretagne, tensions qui pourraient grandir avec le Brexit.
Peu de sujets suscitent des réactions aussi fortes dans la communauté financière que celui de la manipulation des cours de l’or.
C’est une question sur laquelle les points de vue sont extrêmement polarisés, en particulier parmi les experts financiers.
Le prix de l’or représente en grande partie un indicateur inverse du niveau de confiance dans la monnaie papier ; il est donc facile d’imaginer que son prix puisse être manipulé à la hausse ou à la baisse (la seconde hypothèse semble la plus probable).
Cette théorie de la manipulation à la baisse repose généralement sur l’idée qu’il existe une quantité beaucoup plus importante d’or « papier » en circulation qu’il n’y a en réalité d’or physique (ou « phyzz ») disponible en contrepartie.
Ses partisans soutiennent qu’afin de manipuler les prix, les « pouvoirs financiers » vendent en masse de l’or papier sur le marché sans posséder d’or physique en contrepartie. La notion d’or « papier » correspond à des contrats à terme ou futures (soldés en numéraire plutôt qu’en or physique), à des certificats émis par les dépôts d’or (sans spécifier le numéro d’identification du lingot correspondant), ou à des parts d’ETF qui répliquent les cours de l’or.
Étant donné que les investisseurs ont confiance dans ces produits financiers, cet « or papier » s’échange sur le marché à la même valeur que de l’or physique et il est possible d’en vendre en quantité afin de faire baisser artificiellement les prix de l’or.
Il est important de souligner cet élément, car les partisans de cette théorie pensent que lorsque les acheteurs cesseront de faire confiance aux produits d’or papier et demanderont à la place de l’or physique, ce système frauduleux va s’effondrer et les prix de l’or vont exploser.
Comme l’a écrit sur Twitter Harald Malmgren, ancien conseiller économique de John F. Kennedy, Lyndon B. Johnson et Richard Nixon :
« Le moment est bientôt venu où le marché recherchera désespérément des actifs réels en collatéral et se rendra compte que les titres papier excèdent largement la quantité de métaux et autres ressources sous-jacentes réellement disponibles ».
Si c’est le cas, alors les choses ne se présentent pas très bien pour le Royaume-Uni…
La fuite de l’or physique
Nous avons déjà évoqué dans cette chronique l’étrange phénomène de la fuite de l’or britannique vers la Chine par l’intermédiaire de la Suisse. Depuis plusieurs années, les coffres londoniens se vident de leur or au profit d’acheteurs chinois, qui expédient le métal vers des fonderies suisses pour le faire purifier, avant de le réexpédier en Chine.
C’est le type de situation qui à court terme ne pose en apparence aucun problème, jusqu’à ce qu’elle vous explose à la figure…
Voici ce qu’a déclaré à ce sujet Sharps Pixley, un négociant en métaux précieux basé dans le quartier londonien de Mayfair :
« Nous constatons actuellement une raréfaction de la quantité de pièces et de lingots d’or disponibles sur le marché anglais.
La hausse récente des prix de l’or reflète non seulement le dynamisme de la demande, mais aussi le risque croissant de pénurie au regard de la rareté de l’offre en provenance des mineurs, des raffineries et des intermédiaires.
Cela reste spéculatif, mais d’après certaines rumeurs, la demande d’or physique de la part des banques centrales se situe à un plus haut depuis 1967, alors même que les ETF qui visent à répliquer les cours de l’or ont vendu entre le mois décembre et le mois de janvier plus de 145 tonnes d’or, un niveau jamais atteint auparavant. »
Cette pénurie est-elle la conséquence des achats massifs en provenance de la Chine ? Ou bien n’est-elle que le résultat d’une demande accrue d’or de la part des investisseurs inquiets par la perspective du Brexit ? J’ai tendance à pencher pour la seconde solution.
Ross Norman, PDG de Sharps Pixley, poursuit en décrivant à quel point la pénurie d’or physique pourrait causer un problème au Royaume-Uni :
« D’après nos estimations, il n’existe que deux tonnes d’or sous la forme de pièce et lingotins au Royaume-Uni. Étant donné que la population du Royaume-Uni atteint près de 66 millions d’habitants, cela représente l’équivalent d’à peine une livre-sterling d’or physique par habitant.
Si un ‘accident’ économique se produisait, on peut anticiper que la demande sera largement supérieure à l’offre disponible, actuellement très limitée, entrainant quasiment du jour au lendemain une situation de pénurie. Par exemple, en cas de “hard Brexit”, la demande d’or sur le marché national absorberait rapidement tout l’or disponible accessible au grand public sous la forme de pièces et lingotins ; nous négocions actuellement avec les principales raffineries suisses afin de nous procurer des stocks plus importants.
Afin de promouvoir notre initiative visant à reconstituer le stock d’or britannique, nous avons décidé de lancer une campagne médiatique pour proposer à chaque propriétaire de lingots et pièces d’or anciennes de nous les revendre. Étant l’un des principaux négociants en métaux précieux du Royaume-Uni, nous offrons de racheter ces pièces et lingots en échange de 99% de la valeur de l’or fin qu’ils contiennent ».
Bien qu’il s’agisse d’une offre qui semble généreuse, dans cette chronique nous vous déconseillons de céder votre or étant donné ce qui se profile à l’horizon.
[NDLR : Et si, au contraire, vous voulez acheter de l’or, ne vous trompez pas. Préférez ces pièces qui en France jouissent d’un statut fiscal bine particulier et se négocient partout dans le monde. Découvrez-les dans ce rapport.]
Une livre sterling d’or par citoyen anglais en moyenne. Mon Dieu… Dans le contexte actuel, vous n’avez certainement pas envie de vous situer dans la moyenne britannique.