Dans la logique « eux » contre « nous », il faut choisir son parti. Au mépris de tout bon sens. Démocrate et républicains sont cependant unis par le même amour de la dette.
Nos lecteurs américains ont mal pris nos dernières chroniques. Ils nous ont accusé d’avoir « un parti-pris de gauche ».
Il se peut qu’ils aient raison, bien entendu. Nous pensions avoir un parti-pris conservateur tendance traditionnelle.
Nous avons passé des années à dénoncer Washington, le Deep State, Clinton, Bush, Obama… l’Empire… la fausse monnaie… le gaspillage… les déficits… les fourberies, les sottises et les mensonges qui aident « le système » — avec toutes ses distractions insipides et ses forfanteries creuses — à perdurer.
Mais un parti-pris ne s’achète pas en vente libre. Comme une mauvaise herbe dans un jardin caché, il prend racine sans votre consentement ni même sans que vous en ayez conscience.
C’est un « logiciel » que vous ne construisez pas, pas plus que vous ne l’installez ; il vous vient plutôt comme partie intégrante de votre culture et votre ADN.
Un élément de ce logiciel, profondément gravé, est l’idée même de « parti-pris » : nos lecteurs américains le prouvent.
Si nous critiquons M. Trump, affirmant que sa présidence est un ratage et une fraude, il est clair que nous n’avons pas de parti-pris en sa faveur. C’est donc que nous devons être contre lui.
Or qui est contre Trump ? La gauche ! Nous devons donc avoir un « parti-pris de gauche ».
Si l’on n’est pas « pour » on doit forcément être « contre »
Bien entendu, c’est exactement ce que nous essayons de démontrer depuis quelques jours : le logiciel « eux contre nous » limite nos réflexions.
Il n’y a que deux possibilités : pour ou contre. Si l’on pense que M. Trump est un crétin, c’est la preuve d’un parti-pris pour l’autre équipe.
Il y a plus. Selon nos lecteurs, nous ne critiquions pas M. Obama aussi durement. C’est tout à fait vrai. Nous ne voyions rien à critiquer chez Obama. Il n’a jamais prétendu qu’il affronterait le système, voire le renverserait ; et il n’a pas essayé.
Obama n’était qu’un costume vide ; le critiquer aurait été comme donner un coup de pied à un chien boiteux… ou se moquer d’un enfant handicapé. Où était le défi ? Qu’y avait-il à gagner ?
- Trump, en revanche… le Grand Perturbateur… voilà un homme qui affirmait discerner ce que d’autres ne voyaient pas… et que cela ne dérangeait pas de s’attaquer à l’élite en se moquant de ses précieux codes.
Lorsqu’il a fait irruption sur scène, une étoile lumineuse… que des millions pouvaient voir… a semblé luire au-dessus de l’Amérique profonde. Un messie nous est donné, se sont dit les gens.
Et de temps en temps, on aurait dit que M. Trump comprendrait effectivement comment les initiés avaient corrompu le système, et comment il fallait leur rabattre le caquet.
Il équilibrerait le budget, a-t-il dit. Il rembourserait la dette. Il ramènerait les soldats à la maison. Il ferait éclater la « grosse bulle bien moche » sur Wall Street.
Oui, il disait des choses scandaleuses et crétines aussi, mais il y avait de l’espoir : peut-être qu’il faisait seulement semblant d’être bête pour emporter le vote des idiots — toujours décisif en matière de politique américaine.
Une grande marche vers le gouffre budgétaire
Aujourd’hui… après deux ans… il est clair que M. Trump ne va pas « rendre sa grandeur à l’Amérique ».
Les initiés continuent de s’enrichir. Les autorités gagnent en puissance. Et les Etats-Unis s’endettent plus encore.
Alors que va-t-il faire ? C’est là que lui et la gauche — tant « eux » que « nous » — se rassembleront pour un acte majeur de stupidité nationale.
Devant les caméras, ils se chicaneront au sujet du mur, du shutdown, des guerres commerciales, de la politique énergétique — et autres inutilités. Mais c’est ensemble qu’ils marcheront bras dessus-bras dessous vers la falaise budgétaire… et au-delà.
Voici l’ancien président de la Fed Alan Greenspan, qui dit la même chose dans Bloomberg :
« Si les politiciens américains des deux partis sont restés majoritairement discrets alors que le déficit américain est en passe d’atteindre les 1 000 Mds$ et plus, l’ancien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan déclare que ce manque d’attention ne durera pas.
‘C’est une situation extrêmement déséquilibrée’, a déclaré Greenspan, qui a dirigé la Fed de 1987 à 2006, lors d’un entretien téléphonique. ‘Politiquement, les déficits budgétaires n’ont pas vraiment d’importance. Ce qui compte, ce sont les conséquences’. »
Les déficits n’ont pas d’importance pour Nancy Pelosi ou pour Alexandria Ocasio-Cortez. Ils n’ont pas d’importance pour M. Trump non plus. Après tout, c’est « un mec à taux bas » et « le Roi de la Dette » (pour reprendre ses propres termes).
Ils ont de l’importance pour M. et Mme Tout-le-Monde, en revanche, parce que c’est eux qui devront les payer, d’une manière ou d’une autre.
C’est là qu’est la division « eux contre nous » qui compte vraiment. La richesse, le pouvoir et le statut sont confisqués à « nous »… pour aller vers « eux » — les initiés, les élites, les riches qui ne le méritent pas… les démocrates, les républicains… tout l’appareil d’arnaqueurs, de profiteurs, de zombies et de compères qui vivent aux dépens des autres.
A gauche, on est toujours en faveur d’un accroissement des dépenses. Plus d’impôts pour les riches. Plus de dette. A présent, avec leur nouvelle Théorie monétaire moderne — une approche des finances publiques logiquement exacte mais entièrement idiote et, au final, désastreuse –, ils pensent avoir la justification nécessaire pour dépenser, dépenser, dépenser.
Jadis, on pouvait compter sur les « conservateurs » pour s’y opposer. Mais ce sont justement eux qui viennent d’approuver un déficit de 1 200 Mds$ — en pleine expansion économique.
A présent… tout ce qu’il leur faut à tous les deux, c’est une crise. A ce moment-là, s’il reste un fond de bon sens — dans quelque parti que ce soit — il s’évaporera rapidement.
La prochaine jambe de baisse du cycle du crédit va diviser les cours boursiers par deux et déclencher une récession. Voilà qui les rendra attentifs !
Et ni un parti-pris de gauche ni un parti-pris de droite ne vous y prépareront ou ne vous en protégeront. C’est pour cela que le « eux contre nous » est si dommageable.
En matière de politique étrangère, cela mène à la guerre.
En matière de politique intérieure, cela mène à l’aveuglement et à la faillite.
Dans les deux cas, la seule alternative — le bon sens qui reste aux gens ordinaires — disparaît. Les gens sont quasiment forcés de rejoindre l’un ou l’autre des deux camps bidon.
Gauche ou droite ?
Oubliez ça.