L’immobilier représente une grande partie de notre patrimoine mais son prix est artificiellement gonflé, ce qui fait bien les affaires des banques et des gouvernements.
Aucun actif ne domine autant notre vie que notre maison.
Nous consacrons souvent des décennies à la payer. Puis, souvent, elle devient notre patrimoine le plus important.
Au Royaume-Uni, le patrimoine immobilier ne vient qu’en seconde place après le patrimoine retraite dans le total des actifs des ménages. Pour ceux appartenant à la classe moyenne, l’immobilier représente entre un tiers et un quart de leur patrimoine.
Le pouvoir des prix immobiliers est immense. Ils sont sources d’importantes disparités de richesses. Je me propose de comparer dans ce domaine les pays auxquels je suis personnellement lié.
En Australie, où j’ai attrapé mon accent, plus d’un quart des milliardaires du pays ont gagné leur fortune grâce à l’immobilier, le double par rapport à la catégorie suivante des plus riches. En outre, l’immobilier représente plus de la moitié du patrimoine total des ménages australiens.
Mais c’est la répartition qui est intéressante. Ceux qui possèdent leur propre logement possèdent 94% de la richesse totale des ménages australiens. Selon la société d’analyse financière Morningstar, « cela laisse ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement – 34,8% de la population — avec seulement 5,6% du total. »
A l’opposé de ce tableau, mon pays de naissance. L’Allemagne n’a pas connu de bulle immobilière mais elle a traditionnellement un faible taux d’accession à la propriété. Le résultat est extraordinaire. En 2012, les Allemands avaient le plus faible patrimoine net médian des ménages européens de l’Eurozone pour lesquels les données étaient disponibles lorsque l’Institut Peterson les a comparés :
« L’Allemagne, généralement considérée comme le pays le plus riche d’Europe et la plus importante source de fonds de renflouement provenant de l’argent des contribuables, a enregistré le plus faible patrimoine net médian des ménages parmi les 15 membres de la Zone euro pour lesquels les données sont disponibles, avec seulement 51 400 €. C’est moins que la moitié de la richesse moyenne médiane nette des ménages dans la Zone euro, à 109 200 € ». |
Ces données sont en train de changer aujourd’hui, vu qu’une bulle immobilière se forme en Allemagne en raison de la politique de taux bas de la Banque centrale européenne.
Mais en voyant où cela a mené l’Irlande et l’Espagne après l’explosion de leur bulle, les Allemands ne s’en réjouissent pas trop. Du fait d’un faible taux d’accession à la propriété, seuls certains bénéficient des hausses de prix.
Au Royaume-Uni, la société de conseil en immobilier Savills a calculé que les plus de 50 ans possèdent 80% du patrimoine immobilier du pays.
La proportion des propriétaires dans la population est en baisse, à 63%, et le pourcentage des locations a doublé à 20% depuis 2000.
Là encore, c’est la répartition qui est intéressante. Boris Johnson, qui est passé de la critique de la burka à celle des promoteurs immobiliers et de la politique immobilière de la Grande-Bretagne a écrit ceci :
« Il y a encore dix ans, la proportion des propriétaires parmi les 25-34 ans était encore de 64%. Aujourd’hui ce chiffre est tombé à 39% – plus de la moitié de cette génération est exclue du marché du logement ». |
Il semble qu’une grande partie de l’inégalité des richesses dans les pays occidentaux soit due aux prix de l’immobilier. Les gens deviennent riches parce qu’ils étaient là avant et parce qu’ils ont emprunté beaucoup d’argent. Deux façons pas très productives d’augmenter la richesse nationale.
Il ne faut pas oublier que toute cette richesse immobilière est théorique.
Le délabrement prévisible de l’immobilier
Apparemment, la vague de chaleur qui déferle sur le Royaume-Uni semble faire rétrécir le sol britannique. Les logements construits se délabrent. Selon le Telegraph, les assureurs attendent un quadruplement des réclamations pour affaissement des constructions.
C’est un peu une métaphore. Si on regarde de plus près le boom immobilier britannique, les risques sont immenses. Il suffit de se reporter à la crise des crédits subprime pour imaginer comment la situation pourrait dégénérer.
On pourrait citer pléthore d’autres exemples.
Au Japon, les prix des logements ont chuté de 64% par rapport à leur plus haut dans un marché baissier de 30 ans. Environ un tiers des logements japonais seront vides dans les années 2030…
La Grande-Bretagne et l’Europe suivent l’évolution démographique du Japon – mais c’est là une tendance sur le long terme.
Selon le Fonds monétaire international, les prix des logements dans les principales économies développées sont surévalués d’environ 12%. Cela représente 30 000 £ pour le logement moyen au Royaume-Uni.
Mais de tels chiffres sont très abstraits et il est facile d’ignorer ces chiffres au niveau national, l’immobilier étant un ensemble de marchés distincts, n’est-ce pas ?
L’addiction britannique aux bulles immobilières
La dépendance de la Grande-Bretagne au secteur financier est terrifiante. Et la dépendance du secteur financier au patrimoine immobilier est également inouïe. Ce qui m’amène à des prévisions choquantes sur ce qui arrivera lors de la prochaine crise financière.
Cela touche également le commerce de proximité.
Une étude menée par le Consumer Intelligence révèle que les commerces de détails britanniques doivent faire face à la fermeture généralisée des agences bancaires. A présent que nous n’avons plus à passer à la banque pour gérer nos affaires financières, nous n’allons plus dans nos commerces de proximité non plus.
Selon l’Express :
« Aujourd’hui, 46% des commerçants affirment que la perte d’une agence bancaire locale au cours des trois dernières années a pesé sur leurs affaires, selon une étude menée par Consumer Intelligence.
Pratiquement un commerçant sur quatre a déclaré que les fermetures de banques ont contribué à la fermeture de leur commerce au cours des cinq dernières années ». |
Nous avons perdu 2 500 agences bancaires depuis 2015. Je me demande quel effet cela a eu sur la valeur des biens immobiliers dans les rues commerçantes…
Personnellement, je considère cela comme une excellente nouvelle. Les agences bancaires sont une très mauvaise idée.
En 2015 j’ai passé je ne sais combien d’heures dans diverses agences bancaires, dans le quartier londonien de Canary Wharf, à essayer d’ouvrir un compte bancaire. J’ai même un jour dormi sur place, une forme de protestation passive-agressive.
Finalement j’ai réussi à ouvrir un compte conçu pour les séjours vacances-travail avec mes pièces justificatives limitées. Ce qui est ironique, étant donné que j’ai la double nationalité, allemande et britannique. Il me fallait ouvrir ce compte uniquement pour obtenir un justificatif de domicile.
Une fois que la banque a imprimé le relevé bancaire de mon nouveau compte en banque, j’ai signifié à mon interlocuteur que je me rendais en face, à la Barclays, pour ouvrir un véritable compte, armé de mon justificatif de domicile tout neuf. On appela le directeur qui finalement céda. Mon compte vacances-travail fut fermé et on m’ouvrit un vrai compte en bonne et due forme.
Il me fallut plus d’un mois et plus de cinq déplacements à la banque pour obtenir l’ouverture de ce compte. En Australie, il faut environ dix minutes et une seule visite.
Mais revenons à l’immobilier.
Les prix immobiliers sources de divisions politiques
La nature clivante du marché immobilier est à l’origine d’un problème politique. Une partie de la population a besoin d’une hausse des prix immobiliers. L’autre ne peut se le permettre. Le gouvernement est coincé entre les deux.
L’accessibilité au logement par les jeunes exige une chute des prix de l’immobilier. Ce qui spolierait les propriétaires existants d’une richesse énorme.
La solution a été de rendre les normes de prêts plus souples. Et de soutenir les primo-accédants par non pas de l’argent mais des prêts publics.
Le hic est que les emprunteurs marginaux doivent faire face à de sérieux problèmes si les prix immobiliers cessent de monter. S’ils ne peuvent revendre leur logement dans un marché en hausse en cas de besoin, tout le marché immobilier s’effondre. C’est ce qui commence à se voir en Australie en ce moment.
Assez ironiquement, lorsque les prix finissent par chuter à des niveaux plus abordables, il devient plus difficile pour les primo-accédants d’entrer sur le marché du fait d’un resserrement des conditions de prêts. Ils n’en profitent donc pas.
Entre temps, ceux qui sont parvenus à attraper le premier barreau de l’échelle immobilière découvrent qu’ils ont misé sur le mauvais cheval. Les concepteurs qui vendent des logements sur plan exigent des prix largement surévalués juste au moment où les acheteurs ne peuvent plus obtenir de prêts. Leurs dépôts ont été utilisés pour financer la construction…
Les promoteurs sont les gardiens de l’équilibre. Selon l’article de Boris Johnson, on compte « un demi-million de permis de construire inutilisés. » Ils ne sont pas utilisés parce qu’il faut gérer l’offre pour faire en sorte que les prix continuent de grimper.
Ce qui me laisse perplexe à propos de l’euphorie des prix immobiliers est le degré de leur inutilité. Chaque dollar, livre ou euro de richesse immobilière n’est qu’un dollar, livre ou euro que quelqu’un d’autre devra emprunter au moment où le propriétaire convertira ce patrimoine.
Les prix immobiliers ne sont qu’un indicateur du niveau de dette que nous devrons contracter. Les banques sont les seules bénéficiaires nettes de la hausse des prix immobiliers, aux dépens du reste de l’économie. La bulle immobilière représente également une grande partie de l’assiette fiscale de l’Etat.
Au final, les baby-boomers devront vendre, pour financer leur retraite.
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1 commentaire
Tout cela est intéressant, mais vous oubliez quand même les différences démographiques importantes pour expliquer des situations de bulles bien différentes.
Le Japon est à ce titre un exemple très particulier car en plus de ne pas arriver à renouveler sa population, l’immigration y est très faible.
Par ailleurs, lier systématiquement « bien immobilier » avec « financement de retraite » (comme cela a déjà été fait dans un précédent article) est peut être très « britannique », mais difficilement transposable partout, y compris en Allemagne.