Tout est détraqué par les banquiers centraux apprentis sorciers ; les marchés actions et obligataires envoient maintenant des signaux incompatibles.
TARP, quantitative easing, taux négatifs… nous naviguons depuis quelques années dans les eaux troubles de l’inconnue monétaire. Les banques centrales et les gouvernements ont décidé d’expérimenter puis de pérenniser des mesures non-conventionnelles pour nous aider à sortir de la crise des crédits subprime.
Vous savez notre méfiance face à ces bonnes intentions d’apprentis sorciers. Depuis près de 10 ans, nous constatons que les effets bénéfiques escomptés de ces politiques sont toujours difficilement mesurables tandis que le risque qu’elles font peser sur nos économies est de plus en plus conséquent.
Chaque mois, ce sont des milliards d’euros qui sont créés de toutes pièces et font augmenter le prix des actifs financiers.
Nous ne pouvons, bien sûr, que constater cet état de fait et tenter de nous protéger de ses conséquences sur nos investissements.
Nous savons que, partout, les bulles gonflent et qu’elles éclateront d’une manière ou d’une autre. Qu’il s’agisse d’un épisode d’hyperinflation généralisée ou de déflation des actifs financiers, il faudra bien que les valorisations des marchés rejoignent l’économie réelle.
Vous savez aussi que les taux négatifs sur les obligations sont une aberration qui n’aurait jamais dû se produire – et encore moins se prolonger dans le temps.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur une énième bizarrerie des marchés : les signaux incompatibles envoyés par les marchés actions et obligataires.
Les investisseurs ne font plus leur travail de sélection rendement-risque
Le premier devoir d’un investisseur, qu’il soit un simple particulier désireux de se constituer un petit pactole pour sa retraite ou un institutionnel chargé de valoriser un portefeuille pesant des milliards d’euros, est d’arbitrer entre le rendement et le risque.
Le rendement moyen du marché actions est, sur le dernier siècle, d’environ 10% par an. Le rendement d’un pari gagnant à la roulette au casino est de +200% si vous misez sur la bonne couleur, et de +3 600% si vous misez sur le bon chiffre. Le tout en quelques secondes ! Bien sûr, jouer au casino n’est pas considéré comme un bon investissement : le risque est bien trop important par rapport au gain espéré.
Ce travail de calcul du rendement en fonction du risque encouru est au coeur de la réflexion que doivent mener les investisseurs.
Généralement, les obligations d’Etat sont considérées comme des investissements présentant un risque zéro de défaut. Nous savons, bien sûr, que rien n’est moins vrai, mais toute comparaison nécessite un point de référence… et les obligations d’Etat jouent ce rôle.
Oublions donc un instant le fait que nos Etats sont insolvables, et concentrons-nous sur la sécurité offerte par les obligations souveraines.
Lorsqu’un emprunt du Trésor américain sur 10 ans (bons du Trésor) offre un rendement de 2,53% comme aujourd’hui, cela signifie que tous les investisseurs du monde peuvent espérer, en immobilisant leur argent durant 10 ans, bénéficier d’un tel taux sans risque de défaut.
A contrario, les actions sont des actifs beaucoup plus risqués. Leur rendement est calculé en divisant le dividende annuel par le cours de Bourse… mais les aléas de la vie d’une entreprise font qu’un dividende peut être suspendu et qu’une entreprise peut faire faillite.
Un investisseur en action prend donc le risque de voir les intérêts disparaître (fin du dividende), voire de perdre son principal (liquidation de l’entreprise). La contrepartie attendue par le marché est donc un potentiel d’appréciation des intérêts (augmentation du dividende) et du principal (hausse du prix de l’action au moment de la revente).
Lors des périodes de crainte, les investisseurs protègent leur capital et privilégient les obligations sûres.
Lors des périodes d’euphorie, les investisseurs espèrent une appréciation de leur patrimoine et se reportent sur les actions.
C’est pour cette raison qu’il existe, lors du fonctionnement normal des marchés, une corrélation inverse entre le prix des obligations et celui des actions.
Depuis plusieurs mois, obligations et actions ont suivi une course simultanée vers le haut. Course qui n’a, économiquement parlant, pas de sens.
Blanc ou noir ? Il faut choisir !
Plus encore que le prix moyen des obligations (un indicateur fourre-tout qui n’apporte qu’une information limitée), l’écart entre obligations de différentes maturités donne de précieux signaux.
Source : Bloomberg
Depuis la fin août 2017, les rendements des obligations à court et long terme n’ont eu de cesse de se rapprocher. Autrement dit, les investisseurs se protègent à horizon 30 ans en préférant sécuriser les taux actuels sur une longue période.
Cela signifie qu’ils anticipent des turbulences sur l’économie à court terme…
Dans le même temps, les indices (et plus particulièrement les valeurs technologiques) volent de record en record.
A ce jeu, tout le monde ne peut avoir raison.
Soit l’économie va croître d’ici dix ans (le court terme pour les investisseurs obligataires), soit elle va se contracter.
Si les investisseurs font « tapis » sur les actions en misant sur une explosion à la hausse de l’activité des pays développés et des pays émergents, ils n’ont aucune raison d’amasser des obligations arrivant à échéance dans 30 ans alors que, je vous le rappelle, les taux directeurs sont censés augmenter dans les prochains mois, ce qui devrait tirer le prix des obligations à la baisse.
Si, a contrario, ils anticipent l’arrivée d’une zone de turbulence, ils n’ont aucune raison de propulser le NASDAQ de sommet en sommet comme ils le font depuis l’été 2017 (et, plus généralement, depuis quatre ans).
Quoi que nous réserve l’avenir, le mouvement actuel de ruée sur les obligations à 30 ans avec une accumulation simultanée d’actions fera nécessairement des gagnants et des perdants.
Quel sera l’arbitre du match ?
La situation actuelle est, vous le voyez, en théorie intenable… mais nous disions la même chose des taux négatifs lorsqu’ils ont pointé le bout de leur nez. Nous pensions que les taux négatifs siffleraient la fin de l’impression monétaire généralisée et la révolte des épargnants. Cela n’a pas été le cas.
Il faut donc se rendre à l’évidence : tant que les banques centrales continueront à fausser le mécanisme de découverte des prix des marchés, des tendances pourtant sans queue ni tête pourront se manifester – et perdurer.
Je me garderai bien de tenter de prédire le moment où obligations et actions devront arrêter leur course simultanée.
Impossible également de dire quelle force l’emportera entre les anticipations de croissance, d’inflation, et d’assagissement des banques centrales.
Peut-être même verrons-nous, lors des prochaines secousses sur les marchés, un dégagement concomitant des obligations et des actions. Dans un tel cas, les deux catégories pourraient plonger simultanément. Les investisseurs en panique ne trouveront alors que les valeurs refuges comme les matières premières pour absorber les capitaux.
Vous n’êtes pas obligé de prendre part au combat de Titans des marchés financiers entre actions et obligations dont, au mieux, un seul se relèvera !
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