Le projet de loi sur le « droit à l’erreur » est inepte. C’est la source de l’erreur – la complication inutile et stérile – qu’il faut supprimer.
Les marchés actions rebondissaient hier. Sauf en Chine, mais la Chine est loin et on ne parle plus de la Corée du Nord.
Du coup, mon oeil détaché des matières financières fut attiré par la première page des Echos :
« Droit à l’erreur : le projet de Macron pour changer l’Etat« .
Il s’agit d’un projet de loi. Encore un. Le « droit à l’erreur », c’est le nôtre, en tant qu’administré face à l’Etat.
Taxe foncière : trop d’erreurs !
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Nous aurions donc bientôt le « droit » de nous tromper. Et notre droit va être inscrit dans le marbre d’une loi intitulée « Projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance ».
Nous allons passer d’une société de méfiance à une société de confiance. Une larme d’émotion me vient à l’oeil à cette perspective.
Evidemment, face à un foisonnement de textes, réglementations, directives, nous autres pauvres bipèdes administrés sommes un peu embrouillés.
Voici un tableau de la situation fait par Cédric Parren :
« A ce jour, la législation française aligne plus de 11 millions de mots*, en augmentation de 7% par an. Le Journal officiel s’étale sur plus de 23 000 pages annuelles. Les Français vivent sous l’empire de près de 11 000 lois – dont certaines dépassent les 200 pages – et de 130 000 décrets.
Le code du travail comptait 14 pages en 1911, contre 2 500 en 2013. Le code général des impôts a crû de 147% au cours de la dernière décennie, et le code de l’urbanisme de 210%.
Cette hypertrophie législative et réglementaire se double d’une baisse de qualité permanente : les lois actuelles sont si mal pensées et exprimées qu’elles doivent être rapidement corrigées par d’autres lois, elles aussi rectifiées à la hâte pour les mêmes raisons.
Les incohérences, les contradictions et les ambiguïtés présentes dans les textes adoptés expliquent en partie leur variation constante : plus de 10% des articles des codes changent ainsi chaque année, au détriment de toute sécurité juridique.
Alors qu’il s’agissait à l’origine d’une procédure exceptionnelle, des lois successives n’ont eu de cesse d’élargir la portée de l’ordonnance, dans un souci de ‘simplification du droit’. Ce mécanisme est si pratique que, depuis 2002, le nombre annuel d’ordonnances dépasse celui des lois – l’exécutif est par conséquent le législateur effectif en France. Autant dire que l’idéal de la séparation des pouvoirs s’en trouve pour le moins malmené.
En outre, vraisemblablement saisi par la crainte de ne pas être assez performant, l’exécutif s’est adjoint une troupe d’acolytes : les ‘autorités administratives indépendantes’.
Frisant la cinquantaine, elles cumulent les fonctions législative, exécutive et judiciaire, puisqu’elles peuvent à la fois créer des réglementations, veiller à leur application et condamner les récalcitrants.
Révélatrices des fantasmes du gouvernement, ces autorités disposent d’un pouvoir discrétionnaire exorbitant, n’hésitant pas à interdire d’exercer une profession à vie, à infliger des amendes qui se chiffrent en centaines de milliers d’euros ou à défendre à une chaîne de télévision d’émettre.«
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Etait-il donc absolument urgent de rajouter à tout ça une loi de 48 articles pour nous donner le droit de nous tromper ?
« Ca va dans le bon sens », disent les cireurs de pompes de la Parasitocratie.
Eh bien non…
D’abord, on ne voit pas pourquoi il faudrait payer des députés et des sénateurs pour voter des lois pour réformer le comportement de bureaucrates qu’ils sont censés contrôler.
Ensuite, il vaut mieux supprimer la source de l’erreur que de donner le droit à l’erreur. Ca me paraît plus logique.
Simplifier et sabrer dans tout le fatras existant pour le réduire à quelque chose de simple, compréhensible, lisible afin que « nul ne puisse ignorer la loi ». C’est cela qui instaure la confiance.
C’est ce qui avait été fait il y a deux siècles avec le simplissime « Code Civil » qui avait dégraissé le corpus législatif incompréhensible hérité de la monarchie.
Enfin, il faudrait que nos bureaucrates et nos législateurs apprennent à s’exprimer simplement au lieu de jargonner. Pardon, j’invoque mon « droit à l’erreur » face à la Police de la Pensée et je rectifie : « nos bureaucrates (hommes, femmes, trans, bi et autres sexes indéterminés que vous choisirez ou pas) et nos législateurs-trices-teuses ».
Les lois sont truffées d’éléments incompréhensibles. La loi de finance 2018 n’échappe pas à la règle.
Extrait de la page 132 (sur 212) :
« L’assiette sociale des exploitants agricoles se déduisant de l’assiette fiscale, cette réforme a également eu une incidence sur le montant des prélèvements sociaux. Aussi, un fonds d’accompagnement exceptionnel et transitoire a été institué sur une durée de cinq ans (de 2017 à 2021) afin de compenser financièrement les agriculteurs concernés par une augmentation des cotisations sociales dues au titre des années 2017 à 2021. Le fonds est abondé à hauteur de 8 M€ pour les années 2017 à 2019, de 6 M€ pour l’année 2020 et de 3 M€ pour l’année 2021.
Les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 en faveur des indépendants pourraient avoir pour conséquence d’ôter au dispositif son intérêt financier pour ses bénéficiaires. L’évolution des circonstances ayant présidé à l’institution de ce dispositif en justifie l’extinction, sans préjudice des engagements dus au titre des cotisations sociales 2017 payés par les exploitants. Cette mesure de rationalisation et d’efficience se traduira par une économie de 25 M€ au titre de la période 2018-2021.«
Pauvres exploitants agricoles… On comprend qu’ils se suicident.
Même la flat tax réussit le prodige de rendre certaines déclarations encore plus compliquées qu’avant.
« L’homme devrait mettre autant d’ardeur à simplifier sa vie qu’il en met à la compliquer », écrivait Bergson à qui on ne tentait pas d’imposer l’écriture inclusive.
(*) Par comparaison, la traduction de la Bible par Louis Segond compte un peu plus de 450 000 mots, soit 24 fois moins.
2 commentaires
Excellent. J’ai bien ri!
Moi aussi j’ai bien rigolé…et je partage votre recommandation…cependant je maintien, quitte à passer pour un cireur de pompe de la parasitocratie, que le droit à l’erreur est préférable à la situation actuelle 😉