Les spéculateurs du marché obligataire, les bond vigilantes, était traditionnellement vendeurs. La baisse des taux durant depuis plus de 35 années, ils se sont mués en acheteurs. Mais la hausse des rendements obligataires les refera passer vendeurs et Trump ne pourra jamais appliquer son programme.
Oui, les bond vigilantes, les vigies du marché obligataire, sont de retour et je m’en réjouis – pas uniquement parce qu’ils sont la seule force qui puisse stopper la course folle vers un bain de sang fiscal lancée par le programme économique de Trump.
Ce retour marque également la fin des importantes falsifications du prix des actifs financiers organisées par les banques centrales du monde entier depuis le milieu des années 1990.
Les bond vigilantes d’autrefois s’étaient transformés ces dernières années en précurseurs des banques centrales. C’est-à-dire que les traders du marché obligataire, qui d’habitude vendaient leurs titres d’Etat lorsqu’ils sentaient une prodigalité budgétaire, passaient du côté « achat » du marché à mesure qu’on s’enfonçait dans l’ère de l’expansion massive des bilans des banques centrales et des frénésies d’achats d’obligations avec l’assouplissement quantitatif.
Ce n’était pas un grand mystère — c’était simplement la loi de l’offre et de la demande. Les banques centrales soulageaient les marchés de milliers de milliards de dette publique, entraînant ainsi une hausse du prix des obligations et une chute des rendements vers la valeur plancher des taux d’intérêt.
Dans ce contexte, il va sans dire que les traders achetaient ce qui montait et ce qu’ils s’attendaient à voir monter encore plus. En même temps, les banques centrales laissaient clairement entendre qu’on pouvait compter sur elles du fait de leur engagement annoncé de quotas d’achats mensuels massifs.
Des acheteurs pour près de 20 000 milliards qui passeraient vendeurs
Cela signifiait en pratique que l’augmentation de 20 000 milliards de dollars enregistrée dans les bilans des banques centrales au cours des deux dernières décennies se trouvait amplifiée par les anciens bond vigilantes vendeurs qui s’étaient transformés en acheteurs précoces.
L’achat d’obligations basé sur les quotas par les banques centrales est fondamentalement différent de l’action des traders dans une économie de marché. En effet, les banques centrales ont l’autorisation légale de commettre une fraude financière, jour après jour, en finançant leurs achats d’obligations d’Etat sur le marché libre à l’aide de crédits créés à partir de rien. Lorsque ces crédits sont injectés dans le système bancaire en tant que paiements recevables par des vendeurs, le prix des titres de créances publiques remonte artificiellement.
Les avoirs totaux des banques centrales dans le monde s’élevaient à environ 2 000 milliards de dollars au milieu des années 1990 lorsqu’on entendit parler pour la dernière fois des bond vigilantes.
Après 2000, le soutien massif des banques centrales qui prévalut, et par conséquent la demande artificielle d’obligations d’Etat, les transforma en acheteurs précoces. Ils engrangèrent littéralement des centaines de milliards de bénéfices exceptionnels en achetant des titres à crédit et en poussant leurs prix à la hausse.
Les spéculateurs ont acheté en se finançant sur le marché où l’argent ne coûte rien avec quasiment aucun risque, faisant par là même fonctionner le marché obligataire comme un dispositif turbo de l’offre des banques centrales. Les traders en obligations n’ont jamais gagné autant en en faisant si peu : des quantités énormes de capital spéculatif ont été attirées sur les marchés des dettes publiques de façon artificielle et non viable.
L’ironie de la situation actuelle vaut la peine d’être soulignée : l’origine de toutes les bulles obligataires mondiales provient essentiellement du revirement des bond vigilantes.
Comme je l’ai déjà souligné, si Alan Greenspan – ce gold bug repenti et économiste de marché nommé par Ronald Reagan à la Fed – avait gardé ses principes et son intégrité, l’ère de l’expansion des dettes publiques aurait été stoppée net. Une récession économique douloureuse aurait montré clairement que la frénésie de déficits des 12 années de présidence Reagan/Bush — qui ont vu passer la dette publique de 1 000 milliards de dollars à 4 000 milliards de dollars — n’avait rien de gratuit.
En effet, il y avait un prix à payer en taux d’intérêt du marché beaucoup plus élevés. Cela aurait diminué l’investissement privé dans le capital d’entreprises et le logement et aurait entraîné un ajustement économique douloureux.
Au lieu de cela, Greenspan choisit d’invalider le verdict honnête des bond vigilantes et s’embarqua dans l’ère de l’expansion des bilans des banques centrales. Naturellement, ce choix a retardé le jour du jugement dernier parce qu’il a permis aux Etats de camoufler leurs dettes quasiment gratuitement dans les bilans des banques centrales.
Au moment où Greenspan a euthanasié les bond vigilantes en 1994, le bilan de la Fed s’élevait à près de 275 milliards de dollars et les totaux cumulés des bilans des principales banques centrales du monde étaient de 2 000 milliards de dollars.
Le choix de Greenspan a déclenché une explosion des dettes en dollar dans les bilans des banques centrales du monde. Si elles n’avaient pas déprécié leur propre monnaie en réaction aux manoeuvres de Greenspan, leurs devises auraient grimpé en flèche, sapant par conséquent les politiques mercantilistes.
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Quoi qu’il en soit, les bond vigilantes, enterrés sous les achats d’obligations par les banques centrales, se sont métamorphosés en acheteurs. Ils ont fini par engranger des bénéfices immenses, même pas été imaginables lorsqu’ils n’étaient encore que d’honnêtes gendarmes de gouvernements et de responsables politiques.
Toutefois, par une pure coïncidence historique, le régime keynésien des banquiers centraux est amené à connaître une fin abrupte —-et plus tôt qu’on ne le pense — avec la perspective des « Trumponomics » et de leur ajout à la montagne déjà immense des dettes de l’Oncle Sam. Pourquoi ? Parce que cela euthanasie les acheteurs du marché obligataire dans un processus inverse pratiquement semblable à celui que Greenspan a mis en branle en 1994.
Par conséquent, les bond vigilantes reviendront à présent en force. Sans les banques centrales, les bénéfices se feront en vendant les obligations qui plongent, et non en achetant celles qui montent.
Toute la dynamique du marché obligataire mondial et du système financier de ces vingt dernières années a été faussée par l’expansion massive du bilan des banques centrales.
Mais lorsque ce contexte aura disparu, les acheteurs redeviendront vendeurs.
Au milieu du bain de sang qui s’ensuivra certainement, les Trumponics seront déchirés morceau par morceau, comme ils méritent de l’être. Qu’un programme d’infrastructures de 1 000 milliards de dollars puisse aider les Etats-Unis à retrouver leur splendeur d’antan est tout simplement insensé.
Il ne peut que remplir le marigot de Washington avec encore plus de pots-de-vin et de racket de la part de groupes d’intérêt et encombrer l’économie américaine avec des dépenses électoralistes et des projets de secteur public inutiles et coûteux – comme les trains à grande vitesse – qu’elle ne peut payer et dont elle n’a pas besoin.
En résumé : une hausse des taux d’intérêt, une hausse des déficits et des bond vigilantes déchaînés qui reviennent dans la Cité Impériale pour la première fois depuis 25 ans. Le résultat sera une conflagration budgétaire comme on n’en avait plus vu depuis les batailles de Reagan en 1981.
Mais cette fois-ci, les Etats-Unis sont complètement fauchés.