La commissaire européenne de la concurrence, Margrethe Vestager, n’a rien trouvé à redire au cas Alstom, pourtant emblématique de l’ingérence étatique et du clientélisme électorale. Dans ces conditions, à quoi sert vraiment la bureaucratie européenne ?
A quoi sert vraiment la bureaucratie européenne ? La commissaire européenne de la concurrence, n’a rien trouvé à redire au cas Alstom !
Alstom est un cas typique de capitalisme de connivence à la française. Une entreprise dont l’un des principaux actionnaires, clients et – coïncidence – sauveteurs, se trouve être la même personne : l’Etat. Alstom connaît de nombreuses difficultés. L’entreprise a visiblement pris depuis quelques années la fâcheuse habitude de bénéficier des largesses d’une classe politique très généreuse. Il faut dire aussi que les contribuables sont réputés avoir des poches particulièrement profondes.
En 2003 se posait déjà la question d’un plan de sauvetage. Mais la Commission européenne oppose son refus au nom du droit de la concurrence. Néanmoins, après quelques négociations, la Commission cède et Nicolas Sarkozy obtient l’autorisation pour l’Etat français d’acquérir 21,4% des parts du groupe pour 720 millions d’euros afin d’épargner à Alstom le dépôt de bilan. Mais cela ne suffira pas.
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A l’approche des élections, les difficultés de l’usine de Belfort ont conduit le gouvernement à commettre un flagrant délit d’achats de voix en commandant des trains inutiles. L’Etat va ainsi acheter 15 TGV pour 450 millions d’euros. Ces trains à grande vitesse rouleront sur des lignes Intercités.
Quant à la très endettée SNCF – également subventionnée par l’Etat – elle commandera six TGV et 20 locomotives diesel. L’opération est tellement grotesque que même les plus fervents partisans de cet oxymore qu’est l’Etat stratège n’ont pas osé la cautionner. Face à ce clientélisme décomplexé, on aurait pu attendre de Bruxelles qu’elle siffle la fin de la récréation au nom de la concurrence et du respect de la législation sur les aides d’Etat.
Mais la Commissaire européenne chargée de la concurrence, Margrethe Vestager, a préféré cautionner la démarche électoraliste du gouvernement français en déclarant qu’elle ne voyait aucune incompatibilité avec la législation européenne. Acheter des voix avec l’argent du contribuable en commandant des produits inutiles dans le seul objectif de soutenir une industrie non compétitive ne contrevient pas au bon fonctionnement de la concurrence… Nous voilà perplexes.
La même autorité qui condamne l’Etat irlandais à fiscaliser davantage une entreprise comme Apple au nom de la concurrence se refuse à sanctionner une forme évidente de favoritisme à des fins politiques. Comment la Direction générale de la concurrence, l’une des plus importantes et des plus puissantes divisions administratives bruxelloises, peut-elle espérer garder une once de crédibilité après cela ?
Certains rétorqueront que les emplois sauvegardés méritent bien quelques assouplissements vis-à-vis du rigorisme juridique. Mais cette opération ne favorise pas l’emploi. L’argent arbitrairement injecté dans cette entreprise ne provient pas de nulle part. Il vient de nos poches. Ce qui veut dire que nous aurions pu le consommer, l’épargner et l’investir, en favorisant la création d’emplois véritablement utiles.
Le droit de la concurrence se veut pragmatique en sanctionnant uniquement les aides d’Etat qui contreviennent au bon fonctionnement du marché. Mais c’est précisément le cas de toutes les subventions. Elles impliquent toutes la capacité pour l’administration à se substituer à nos préférences de consommateurs. C’est pourtant au consommateur que se destine la production créatrice de richesses. C’est bien pourquoi les dépenses publiques qui nuisent au bon fonctionnement de la concurrence sapent la croissance.
L’Europe s’est officiellement dotée d’un gendarme de la concurrence pour lutter contre les clientélismes locaux. Si elle ne parvient pas à poursuivre cet objectif, alors autant faire des économies de bureaucratie.