Deutsche Bank (DB) connaît un répit à la faveur d’un jour férié en Allemagne. La banque allemande est en réalité un gigantesque hedge fund. La fausse monnaie du « créditisme » suffira-t-elle cette fois à noyer le risque ?
Les Allemands fêtent leur réunification — et, vendredi, la pression sur Deutsche Bank est retombée avec l’annonce que l’amende américaine de 14 milliards de dollars pourrait être divisée par trois.
Mais dans le cas de Deutsche Bank, il ne s’agit pas d’un problème résolu avec 10 milliards de dollars (moins de deux kerviels).
Voici quelques chiffres extraits du New York Times, d’un article intitulé Deutsche Bank’s Appetite for Risk Throws Off Its Balance (« Le goût du risque de Deutsche Bank déséquilibre son bilan », ndrl).
- Risque systémique : 100 milliards de dollars
- Produits dérivés en notionnel : 42 000 milliards d’euros (le poids de l’économie allemande)
- Dérivés estimés au prix de marché : 18 milliards d’euros
- Capitaux propres : 67 milliards d’euros
- Engagements : 1 600 milliards d’euros
- Ratio de levier : 25
- Actifs risqués dits de niveau 3 (potentiellement illiquides et estimés selon des modèles internes) : 32 milliards d’euros
- Amendes : 14 milliards de dollars (12,47 milliards d’euros) dans le cadre de négociations de MBS dans la crise du crédit subprime.
- Employés de la banque d’investissement : 1 871
- Salaires de ces mêmes employés : deux milliards d’euros, soit 1,07 million d’euros en moyenne par personne)
- Capitalisation (au 30 septembre) : 16,2 milliards d’euros
Pour notre part, nous estimons que les capitaux propres ne sont que de 48,1 milliards d’euros (Tier 1 capital fully loaded) car nous excluons notamment les survaleurs, ou goodwill, et quelques autres fantaisies. Le véritable levier serait donc plutôt de 33, en retenant 1 600 milliards d’euros d’engagement.
En réalité, mieux vaudrait envisager DB comme un gros fonds spéculatif ayant une clientèle de hedge fund.
« Deutsche Bank est sur un toboggan, la question est de savoir s’il y a du sable en bas ». Les Echos rapporte cette phrase d’un banquier français.
Angela Merkel est pour le moment opposée à un sauvetage par les contribuables allemands. Politiquement ce serait délicat car le monstre est plutôt un parangon du vice que de la vertu. Six cadres ou ex-cadres de DB sont inculpés de fraude dans la falsification d’évaluation comptable et la transaction de produits dérivés de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena, elle-même en perdition.
Pendant ce temps-là, les manoeuvres continuent dans l’industrie bancaire européenne. Deux banques espagnoles déjà nationalisées – Bankia et Banco Mare Nostrum – sont furtivement fusionnées pour tenter de devenir plus présentables. L’opération reçoit la bénédiction de la Banque d’Espagne, du gouvernement espagnol, de la Banque centrale européenne et de l’agence de notation Standard & Poors, qui feindra de croire que la nouvelle entité sera plus robuste que les deux épaves.
Les « instances de régulation » et les gouvernements ne peuvent pas se résoudre à laisser mourir le créditisme, pas tout de suite, pas comme ça. Nous allons bientôt avoir droit à d’autres expériences désastreuses avant d’être confrontés à l’évidence : le créditisme, qui prétend créer de la richesse en émettant du crédit adossé à rien, détruit les rendements du futur. La croissance s’évapore car le futur a déjà été consommé. Lorsque cette idée aura cheminé, les surcapacités productives ne seront plus comptabilisées comme des richesses mais comme des boulets et les comptes s’apureront enfin, même en Allemagne.
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