Dans la famille « taux négatifs », le Japon est un exemple intéressant… mais inquiétant pour l’épargnant. Analyse de ce qui pourrait nous attendre à l’avenir.
Nous savons — comme nous l’avons vu hier — que les taux d’intérêt négatifs stimulent les prises de risques dangereuses. Lorsque les banques centrales forcent les taux à baisser en engloutissant des milliers de milliards de dollars dans les obligations d’Etat et d’entreprises, elles obligent les autres investisseurs – des banques aux fonds de pension en passant par des gens comme vous et moi – à prendre de plus grands risques pour trouver du rendement.
Mais quel sera le catalyseur du grand effondrement ? Après tout, Janet Yellen n’a clairement aucune envie d’élever les taux d’intérêt et les banques centrales européenne, japonaise et britannique sont encore bien loin derrière la Fed. Qu’est-ce qui alors ferait augmenter les taux d’intérêt, s’effondrer le prix des obligations et laisser libre cours à l’inflation ?
Le Japon. Depuis l’éclatement de sa bulle en 1989, le pays a toujours été à l’avant-garde des politiques économiques originales. D’abord, nous avons vu l’Etat dépenser pour des projets dont personne n’avait besoin (« la relance budgétaire »). Cela a permis d’élever le ratio dette/PIB de l’Etat japonais à plus de 200%. Il y eut également des efforts — timides au début- d’assouplissement quantitatif. Mais le Japon est tombé dans une folie monétaire à des niveaux jamais atteints depuis que Haruhiko Kuroda a pris la direction de la Banque du Japon (BoJ) en 2013, avec une stratégie à trois volets (à ne pas confondre avec les Abenomics et leurs « trois flèches »).
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Premier volet : acheter les obligations de l’Etat japonais (OEJ) pour faire baisser les taux et booster les prêts bancaires – la BoJ possède aujourd’hui un tiers du marché total des OEJ ; elle a acheté quasiment toutes les OEJ émises ces trois dernières années, selon le FT.
Deuxième volet : acheter des ETF (des actions, autrement dit) dans le cadre de son programme d’achat d’actifs.
Troisième volet : pousser le taux de dépôt en territoire négatif afin d’encourager le prêt.
Examinons de plus près ce troisième volet. Le Japon n’est pas la première banque centrale à agir ainsi mais c’est sans doute la plus ouverte aux politiques radicales, en particulier parce qu’elle s’efforce de s’approcher au plus près de son objectif d’inflation. Les taux négatifs ne concernent pour l’instant que les dépôts des banques commerciales auprès de la banque centrale. Mais la direction prise est on ne peut plus claire.
Supposons que le monde reste embourbé dans la stagnation, avec une croissance et une inflation faibles et apparemment sans issue. Les banques centrales ne resteront pas les bras croisés à attendre que ça passe. Elles deviendront encore plus radicales. Trois éléments sont ici à prendre en compte : l’helicopter money (imprimer de la monnaie et la distribuer aussi directement que possible), les taux de dépôt négatifs sur l’épargne (pas uniquement sur les réserves des banques commerciales) et la « monnaie estampillée » c’est-à-dire une monnaie qui perd de sa valeur au cours du temps. Examinons chacun de ces éléments plus en détail.
L’helicopter money et les bons
Dans le cas du Japon, l’helicopter money pourrait avoir lieu de deux manières en 2016. La première via la monétisation de la dette, c’est-à-dire lorsqu’une banque centrale imprime de la monnaie pour acheter directement les obligations d’Etat– il s’agit donc de politique budgétaire (dépenses publiques) financée par l’impression monétaire plutôt que par une augmentation des emprunts ou des impôts.
Le Japon a déjà fait cela auparavant, en 1932. Dans le cadre d’un plan pour soutenir son économie après le krach de 1929, le ministre des Finances japonais de l’époque, Korekiyo Takahashi, a ordonné à la BoJ d’imprimer de l’argent pour acheter des obligations d’Etat, ce qui a soutenu à la fois les dépenses d’infrastructure et le financement de la machine de guerre japonaise dans les années 1930.
En 1935, l’économie ayant repris, l’inflation augmentant rapidement, Takahashi décida de réduire les dépenses. Mais l’armée n’apprécia guère cette soudaine austérité et l’assassina en 1936. Ses successeurs, on le comprend, se montrèrent réticents à couper le financement, ce qui entraîna une forte hausse de l’inflation. Malgré les risques, le gouverneur actuel de la BoJ, Kuroda, pourrait être tenté par le succès apparent de Takahashi – avant son assassinat. Le gouvernement émettrait des « obligations perpétuelles » qui ne rapportent pas d’intérêt et sont financées en continu avec la BoJ comme acheteur en premier et unique ressort.
Autre option : l’helicopter money au sens quasi-littéral du terme, que le Japon a déjà également testée. En 1999 et en 2009, l’Etat a distribué des « bons d’achat » aux consommateurs, dans l’espoir de booster les dépenses.
Cela n’a pas fonctionné, principalement par ce que ces bons ne pouvaient être utilisés que pour l’acquisition de certains biens et que la plupart avaient une date de péremption de six mois – ils n’étaient pas similaires à de l’argent. Au lieu de cela, le futur helicopter money devra être exactement comme du cash entre les mains des consommateurs, suite à quoi il faudra introduire un élément de “dévaluation dans le temps” pour qu’ils aient envie de le dépenser.
Imposer l’épargne
Ceci nous amène au taux de dépôt négatif. Une manière d’encourager Mme Watanabe (la proverbiale ménagère japonaise) à la dépense, c’est de taxer son épargne. Pour résumer, les taux négatifs signifient que plus vous laissez votre épargne longtemps en banque, plus elle diminue. L’idée est que cela vous incite à dépenser.
Le problème est que, au Japon, la simple menace de taux négatifs a entraîné une forte hausse des ventes de coffres forts. En Europe, où les banques commerciales ont été soumises à des taux négatifs, certaines ont préféré amasser du cash dans des coffres plutôt que de le laisser à la Banque centrale européenne. Cela n’inspire guère confiance.
Par conséquent, cette politique a des effets exactement contraires à ce pour quoi elle a été conçue. Cette mesure, visant à augmenter les dépenses, augmente en fait la thésaurisation, accélérant ainsi le moment où sonnera la fin du jeu monétaire. Mais les banques centrales ont un plan pour punir les thésauriseurs…
La monnaie estampillée est de l’argent qui nécessite une estampille du gouvernement pour pouvoir être considérée comme ayant un cours légal. Ce concept a été développé au 19ème siècle par l’anarchiste allemand Silvio Gesell. Ses idées ont même été brièvement mises en oeuvre en 1932 dans la ville autrichienne de Wörgl. L’idée est que la valeur de l’argent se dépréciant, il doit donc être dépensé avant de ne plus rien valoir.
Voici comment cela fonctionnerait. Vous devez payer le gouvernement pour l’estampille – imaginez par exemple que plus les coupures sont grosses, plus elles sont imposées. Ou imaginez que vous payez une taxe plus faible à mesure que vous apportez plus d’argent à estampiller. Ou bien imaginez que l’argent sans estampille est simplement de l’argent qui a expiré, sans valeur malgré sa valeur faciale. Aussi fou que cela semble, ceci est sans doute la façon dont le cash sera progressivement retiré lorsque le jeu monétaire prendra fin.
Une monnaie numérique alternative devra être introduite en parallèle du cash physique. On pénalisera l’usage des espèces pour inciter les gens à se diriger vers la monnaie numérique. Après quoi les taux d’intérêt négatifs pourront être imposés par simple pression sur une touche. Le cash expire s’il n’est pas utilisé avant une certaine date – il n’y a pas de meilleure motivation pour dépenser.
La mort de la banque
« Si vous souhaitez détruire une nation, vous devez d’abord corrompre sa monnaie, » écrivait Adam Fergusson dans son grand classique de 1975 sur l’inflation sous la république de Weimar, When Money Dies. « C’est pourquoi une monnaie forte doit être le premier bastion de la défense d’une société, » ajoute-t-il. C’était un sage conseil lors de la dernière période de notre histoire économique, lorsque l’inflation avait détruit l’épargne et les rêves de retraite de toute une génération. Aujourd’hui, les banquiers centraux modernes, dans leur désir de booster la croissance, ont fait de la destruction de la monnaie forte leur principal projet.
Nous sommes arrivés à un stade où il est difficile de voir comment éviter une crise monétaire à venir. Plus les taux baisseront, plus les efforts des banques centrales deviendront extrêmes pour éviter ou échapper à la déflation. Plus leurs politiques seront désespérées, plus grand sera le risque de voir apparaître des niveaux d’inflation destructeurs.
Les obligations d’Etat et même le cash lui-même pourraient n’offrir aucun refuge, même si tous deux fournissent de la liquidité en dernier recours lors d’une crise déflationniste. Vous pourriez posséder des biens réels hors du système financier (comme par exemple des métaux précieux). Mais quoi d’autre ? Sommes-nous impuissants face à la crise qui arrive ?
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