Inutilement coûteux pour les entreprises et l’économie françaises, le prélèvement à la source dégrade notre capacité à exercer pleinement notre contrôle sur l’appareil d’Etat. Il s’agit d’une mesure anti-démocratique qui exonère davantage les hommes politiques et l’administration de rendre des comptes aux contribuables.
« L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris » disait Colbert à Louis XIV. Certaines traditions françaises sont multiséculaires. Le gouvernement a dévoilé son projet d’imposition à la source. A compter du 1er janvier 2018, la fonction de collecteurs d’impôts des entreprises – jusque-là limitée à la TVA et aux charges sociales – s’élargira à la collecte en amont de l’impôt sur le revenu de leurs employés.
Pour que l’impôt soit consenti, il doit être senti
Derrière le masque officiel de la simplicité se cache en réalité un tout autre objectif : rendre l’exercice du mythique consentement à l’impôt plus difficile.
Le prélèvement à la source est déjà à l’oeuvre pour le financement de la protection sociale puisque les « contributions » sont prélevées en amont en toute discrétion selon une distinction parfaitement artificielle entre les cotisations « salariales » et « patronales », alors que l’incidence fiscale de ces prélèvements est la même. Le résultat est catastrophique. Les travailleurs ne s’acquittant pas eux-mêmes du paiement de leur protection sociale, ils n’ont aucune idée du rapport qualité-prix des services rendus par notre chère (trop chère ?) social-démocratie. C’est par ce subterfuge que nous devenons perméables aux discours politiques qui vantent la fiction de la générosité de l’Etat–providence français.
De tels discours confortent les intérêts clientélistes des élites politiques tout en neutralisant notre capacité à contrôler l’appareil d’Etat. Ce prélèvement à la source dissimule par ailleurs l’inefficacité de la protection sociale publique. Il n’est en effet pas sûr que nous continuerions à plébisciter les monopoles sociaux français si nous avions une parfaite connaissance du rapport qualité-prix des services rendus par les administrations.
Les démocraties contemporaines sont pourtant supposées être fondées sur la notion de consentement à l’impôt. Mais pour que l’impôt soit consenti, il doit être senti. Autrement dit, il doit être le plus visible possible sans quoi la bureaucratie se trouve dans la capacité de croître insidieusement à notre détriment, sans que nous puissions réaliser l’amenuisement de nos espaces de liberté.
Violer le consentement et détruire toute dissidence fiscale
L’extension du prélèvement à la source à l’impôt sur le revenu favorise l’irresponsabilité politique et administrative. Il affaiblira notre capacité à évaluer correctement la qualité et l’efficacité des politiques publiques. Pour le défendre, les partisans de ce dispositif invoquent la lutte contre ce que la bureaucratie appelle la « fraude fiscale », c’est-à-dire le fait de soustraire ce qui nous appartient à la prédation des hommes politiques.
Pourtant, la dissidence fiscale n’est pas sans vertus politiques et économiques. Nous tendons injustement à associer fraude et économie informelle. Mais beaucoup de populations en Europe ne pourraient tout simplement pas survivre sans soustraire de temps à autres leurs transactions des radars des bureaucrates. C’est particulièrement vrai dans les pays gangrénés par de hauts taux de chômage comme l’Espagne et la Grèce. Notre économie serait donc beaucoup moins productive si les agents privés n’avaient pas recours à divers moyens pour réduire le montant de leur imposition.
La dissidence fiscale freine l’accroissement du gouvernement au détriment de la sphère civile, et constitue un contre-pouvoir plus efficace vis-à-vis des administrations que les Parlements, hélas devenus de vulgaires chambres d’enregistrement de l’action administrative. Elle force donc les administrations à se montrer plus économes et plus responsables dans la gestion des deniers publics. Elle promeut une forme d’égalité entre les industries publiques et les activités privées en soumettant davantage les premières au consentement qui fonde la loi du marché. Elle limite la préemption par l’Etat de notre pouvoir d’achat et de notre propriété. Elle freine l’expansion des activités improductives consubstantielles à l’administration. Elle sauvegarde l’épargne, l’investissement et l’entrepreneuriat. La dissidence fiscale favorise donc la bonne affectation des ressources, la production de richesses et l’élévation du niveau de vie.
Compliquer la vie des particuliers pour simplifier celle de l’administration
Les gains d’une telle réforme en matière de simplicité et de gestion pour les entreprises sont contestés. Le dernier baromètre KPGM-CGPME relaie les inquiétudes des chefs d’entreprise concernant la complexité de la procédure, le temps à y consacrer ainsi que le coût de sa mise en place. Le conseil des prélèvements obligatoires révélait en 2012 qu’une telle mesure pourrait coûter aux entreprises entre 1,3% et 3,5% des sommes prélevées. Le Conseil d’Etat a quant à lui fait valoir que cette mesure porterait atteinte à la vie privée des employés puisqu’elle impliquerait le dévoilement de données personnelles aux employeurs, tout ceci pour des sommes qui ne représentent finalement que 3,8% du PIB, soit moins de 10% des prélèvements obligatoires selon l’Institut économique Molinari.
Les relations employeurs – employés s’en trouveront compliquées. Il est heureusement encore possible pour ceux qui sont désireux de s’affranchir de ces contraintes bureaucratiques d’opter pour d’autres statuts juridiques plus respectueux de la liberté contractuelle. Il s’agit du travail indépendant, lequel peut se décliner en une multitude de formules juridiques (auto–entrepreneur, entreprise individuelle, entreprise unipersonnelle à responsabilité limité, société par actions simplifiée unipersonnelle…).
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L’inconvénient de ces formules réside néanmoins dans le fait qu’elles exposent les parties contractantes au risque de requalification en contrat de travail par les URSSAF et l’inspection du travail si ces organismes établissent l’existence d’un lien de subordination entre le client et le prestataire.
Mais ces formules demeurent cependant les rares espaces de liberté qui subsistent sur le marché de l’emploi, et valent le coup d’être explorées par tous ceux désireux d’alléger le poids de la bureaucratie dans leur vie professionnelle.
1 commentaire
Chez nous en Belgique, c’est le cas depuis des décennies…. mais bon ! on est de loin le pays le plus taxé au monde, largement au-dessus des chiffres officiels, c’est un excellent moyen pour que les gens ne se rendent pas compte de ce que leur employeur paye effectivement, nous avons même instruction de ne pas donner à l’employé le calcul de paye, destiné à la comptabilité….. les petites magouilles entre compères heureux ! Et pour vivre heureux, vivons cachés…..