▪ Nous avons lu au moins trois articles expliquant pourquoi la Fed n’a pas augmenté les taux jeudi dernier.
Selon l’un, c’est parce que c’est Goldman Sachs qui commande, désormais.
Un autre dit que la Chine a la Fed à sa botte.
Un autre encore affirme que la Fed est victime de ses propres politiques et est désormais engagée dans « un cercle maudit ».
Les pouvoirs en place, y compris la Fed elle-même, veulent tous que la fête continue |
Tous ont raison. Les pouvoirs en place, y compris la Fed elle-même, veulent tous que la fête continue. Et tous savent que si la Fed commence à faire le tour en éteignant les lumières et la musique, c’est fini.
Comme nous avons essayé de le définir dans notre livre Hormegeddon, les politiques publiques créent leur propre structure de soutien. Lorsqu’elles sont assez imposantes, et qu’elles durent depuis assez longtemps, elles deviennent invincibles.
Les marchés ont certes repris du terrain suite à la décision de la Fed… mais si l’on observe l’ensemble du tableau, on réalise qu’on a affaire à un marché boursier isolé de la réalité, qui fait semblant de continuer à faire la fête tout en essayant désespérément d’ignorer le fait que le reste des fêtards sont rentrés chez eux.
Le Financial Times rapporte une conversation avec John Burbank, du Passport Fund :
« L’économie mondiale est prise dans une course menant à une crise des marchés émergents et un ralentissement renouvelé aux Etats-Unis, malgré la décision de la Réserve fédérale, la semaine dernière, de retarder une hausse des taux »…
La Chine, la deuxième économie au monde, a déjà vu son marché boursier perdre plus de 40% de sa valeur.
Le Japon, la troisième économie au monde, était censée quant à elle danser la samba actuellement, menée par Abe et toute une série d’économistes — y compris le conseiller américain Paul Krugman. Le Japon a fait « tout ce qu’il fallait » pour faire avancer l’économie. Cela n’a pas suffi. Au lieu de prendre le mors aux dents, le Japon semble être coincé dans son propre « cercle maudit ».
Prises ensemble, les nations européennes ont un plus gros poids économique que les Etats-Unis |
▪ Platanes et nouveaux emplois
Et l’Europe ? Prises ensemble, les nations européennes ont un plus gros poids économique que les Etats-Unis. Mais pour l’instant, l’Europe semble elle aussi être en plein ralentissement. C’est du moins ce que nous avons compris en écoutant une conversation lors d’un dîner. Epier ses voisins dans un restaurant ordinaire n’est pas une méthode approuvée, en matière de recherches économiques… mais parfois, ça révèle des choses que les statistiques ne disent pas.
L’automne a officiellement commencé. Les platanes, le long de la rivière, commencent à se déplumer. Les premières feuilles brunes et craquantes de Paris sont comme les premiers cheveux blancs chez une femme : ils la rendent plus attirante que jamais. Il pleut, aujourd’hui. Le parfum de l’automne flotte dans les airs. La Ville Lumière peut être sombre et triste, en septembre — mais cela ne fait que rendre plus séduisante la chaleur des intérieurs.
« Oh, Anne a fait Polytechnique », disait la femme à la table voisine, tandis que nous mangions notre filet mignon. Le restaurant fait partie de nos préférés — le Beaujolais, dans le 16ème. Ce n’est pas la nourriture, que nous apprécions, mais le style : à l’ancienne, comme un bistrot il y a un demi-siècle, avec de riches boiseries, des lustres et des garnitures de cuivre qui reflètent la lumière dorée. On était lundi. Il y avait peu de convives. Il était facile d’entendre ce qui se disait.
« Cette pauvre Anne, elle est malheureuse. Et quand elle est malheureuse, elle a tendance à manger et à prendre du poids. Nous pensions qu’elle trouverait du travail ici, à Paris. Elle a vécu à la maison avec nous pendant des mois et des mois… à passer des entretiens. Elle était de plus en plus déprimée — en partie parce qu’elle n’avait pas de petit ami. Mais je lui ai dit : ‘si tu continues à manger comme ça, il ne faut pas t’étonner’. »
« Enfin, après six mois environ, elle a répondu à une annonce en ligne pour un poste à San Francisco. Enfin, tu sais comme c’est, là-bas… Si on sait parler et marcher en même temps… si on présente bien, si on s’habille correctement et qu’on a un peu d’éducation, apparemment, on n’a aucun problème pour trouver un emploi. Son employeur est l’un de ces machins internet. Je ne suis pas sûre de ce qu’ils font, mais ils valent des milliards. Trois jeunes ont lancé l’entreprise, et ils sont très contents d’Anne. Et tu sais, même si elle est un peu ronde, là-bas elle est en fait assez normale. Elle ne l’a pas avoué, mais je crois qu’elle a déjà un petit ami. Alors qu’elle n’est là que depuis un mois ! Je crois qu’il est chinois, quelque chose comme ça ».
« Lorsqu’elle a commencé à chercher du travail à l’étranger, elle pensait obtenir un poste au Brésil, voire en Chine. Mais dans les deux cas, ça va encore moins bien qu’en France. Apparemment, seuls les Etats-Unis embauchent. Et ils aiment embaucher des étrangers ».