▪ Les marchés actions chinois ont connu une belle chute cette semaine. Notre équipe d’analystes à Pékin est démoralisée. "Personne ne veut entendre parler des actions, ici", nous disent-ils.
Parallèlement, le marché des junk bonds américain a fait un plongeon… tout comme les matières premières. Les bénéfices, à Wall Street, ont atteint un sommet il y a deux trimestres ; depuis, ils baissent.
Les initiés sont probablement les seuls à soutenir encore un peu les marchés.
Comme nous le disions hier, les investisseurs sont censés anticiper et nous dire ce que valent les actions. Mais le marché est truqué.
Les récents chiffres des détaillants américains montrent à quel point la pourriture est profonde. Dans l’ensemble, les ventes ont grimpé avec une lenteur inquiétante — +0,5% seulement depuis 2007. Durant la période 2000-2007, elles avaient augmenté quatre fois plus rapidement. Et pendant la reprise des années 90, elles avaient grimpé six fois plus rapidement.
Les ventes des quatre plus grandes chaînes de détail américaines — Macy’s, Kohl’s, Sears et JC Penny — sont particulièrement pourries. Leurs ventes combinées chutent au rythme annuel de 10%, soit quatre fois plus rapidement que dans l’ensemble du secteur. Ce qu’il y a d’intéressant avec ces quatre entreprises, c’est qu’elles font partie des manipulateurs de marché les plus agressifs. Entre 2005 et 2014, elles ont engrangé 13 milliards de dollars au total à elles quatre. Mais elles ont dépensé 34 milliards pour tromper les investisseurs sur la véritable valeur de leurs entreprises… tout en permettant à leurs dirigeants d’empocher leurs propres milliards.
▪ Si Keynes avait su…
Si vous comptez sur les marchés pour révéler le vrai prix d’une valeur, vous pourriez attendre longtemps. Pour emprunter une phrase de Keynes, le capitalisme de copinage et ses compères peuvent falsifier les données plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable.
Les autorités truquent le marché du crédit. Les compères truquent le marché actions |
Les autorités truquent le marché du crédit. Les compères truquent le marché actions. Voilà comment ça fonctionne : les compères prennent de l’argent qui ne peut appartient pas (l’argent des actionnaires) et l’utilisent pour racheter leurs propres actions. Cela fait grimper leurs cours — de sorte qu’ils touchent des primes. Et ils ont désormais une garantie plus importante — leurs propres valeurs surévaluées, de sorte qu’ils peuvent emprunter encore plus.
John Hussman donne plus de détails :
"Comme l’a souvent remarqué Albert Edwards, de la Société Générale, non seulement les rachats de titres augmentent lorsque que les valorisations boursières sont élevées et s’assèchent lorsque les marchés sont déprimés, mais ils sont généralement également financés en émettant de la dette. Ce qui nourrit l’activité de rachats n’est pas la valeur mais la disponibilité de capitaux spéculatifs bon marché à des moments du cycle d’activité où les marges sont temporairement élevées et font en sorte que la dette accrue semble facile à gérer".
Les compères ne pourraient pas truquer les prix des actions sans les taux d’intérêt ultra-bas des autorités. Fixer un prix de l’argent inférieur à son taux "naturel" transforme tous les chiffres du capitalisme en mensonges.
▪ La bulle du crédit va se retrouver à court de soutien
Regardez ce qui s’est passé dans le secteur des locaux commerciaux. Vous vous souvenez de 1990 ? Ce n’est pas si lointain. A l’époque, les Etats-Unis ne manquaient pas d’endroits où dépenser de l’argent. Mais dans le commerce comme dans les dot.com, les maisons, les produits dérivés, le pétrole et les matières premières… le financement bon marché rend irrésistible l’idée d’en faire trop. La surface disponible en locaux commerciaux a doublé depuis 1990 bien que les revenus des ménages aient chuté dans le même temps. Les ménages américains ont désormais le même pouvoir d’achat que les ménages allemands… et quatre fois plus de surface commerciale par personne.
Que vont-ils en faire ? Dans les centres commerciaux, les locaux vides représentaient environ 5,5% en 2007. Désormais, ils dépassent les 9%.
Seul le gouvernement et les entreprises sont prêts à continuer à dépenser du bon argent pour rattraper le mauvais |
Pourquoi ? Les ménages se méfient encore de l’endettement. Il ne reste donc plus que les entreprises et le gouvernement pour emprunter. Seul le gouvernement et les entreprises sont prêts à continuer à dépenser du bon argent pour rattraper le mauvais, en d’autres termes. Pas étonnant : ce n’est pas le leur !
Oui, cher lecteur, les consommateurs américains ont réduit leurs dépenses. Leurs revenus ont stagné (ou ont baissé !) depuis la crise de 2008-2009. Ils n’ont aucun moyen d’augmenter leurs dépenses — sinon en s’endettant plus encore. Et ils ont vu ce que ça a donné la dernière fois. C’est donc au tour du gouvernement et des entreprises.
Le gouvernement fédéral, cependant, ne semble pas prendre ses responsabilités très au sérieux. Les déficits ont chuté — passant à 2% du PIB. Ce n’est qu’un cinquième des relances budgétaires de 2009.
Quant aux relances monétaires, elles ont elles aussi largement diminué. Le programme d’assouplissement quantitatif est en pause. Bien entendu, une belle quantité de liquidités arrive de Chine et d’Europe, mais pas assez pour maintenir cette bulle de crédit gonflée au maximum.
De sorte que l’industrie financière va se retrouver à court de temps… et d’argent. Les rendements des obligations d’entreprises augmentent et les actions commencent à se retourner. Les compères profitent donc de la trêve estivale pour truquer le marché… mais ce pourrait être la dernière fois, pour ce cycle.
1 commentaire
HAaaa, voila un bon article de Bill. Merci.