« Le mal aigu des montagnes (MAM), ou maladie de Monge, est un syndrome de souffrance, lié à une montée trop rapide en haute altitude, à l’absence d’acclimatation et à une sensibilité personnelle plus ou moins importante. Ses symptômes sont des céphalées, des nausées et des vomissements, de l’insomnie, une fatigue générale, une lassitude, des vertiges, des troubles de l’équilibre, une dyspnée et de l’inappétence.
Il s’agit donc d’une maladie fréquente touchant des gens en bonne santé mais exposés à un environnement extrême de haute altitude. Son incidence est variable, mais augmente très rapidement avec l’altitude ; elle serait de 15% à 2 000 mètres d’altitude et de 60% à 4 000 mètres.
Ce mal apparaît après un délai de quelques heures en altitude ; il régresse avec l’acclimatation et disparaît immédiatement à la descente.
[Les manifestations] vont de la simple céphalée à l’oedème cérébral et pulmonaire.
Les céphalées sont la manifestation la plus commune du mal des montagnes, rétrocédant à la prise d’antalgiques, à la prise d’oxygène ou à la redescente.
Dans un stade plus avancé surviennent des nausées, une fatigue, un vertige, des difficultés d’endormissement… Le tout est rassemblé sous le vocable de ‘mal aigu des montagnes’. Il survient entre six et 12 heures après l’arrivée en altitude et s’estompe en quelques jours.
L’oedème cérébral doit être soupçonné devant l’apparition de troubles de la conscience pouvant aboutir au coma et à la mort s’il n’est pas pris en charge correctement. Il faut naturellement éliminer les autres causes possibles de ces troubles de la conscience (alcoolisation, hypoglycémie…)
Un oedème aigu du poumon peut également survenir, caractérisé par un essoufflement important, des crachats rosés, une auscultation pulmonaire caractéristique (crépitations) ».
▪ Avant l’aube, Marta avait préparé le petit-déjeuner. David et Agustin, qui étaient montés de Cafayate la nuit précédente, s’occupaient de leurs chevaux dehors. Jorge avait quant à lui amené trois chevaux, deux mules et deux burros. L’un des burros n’était guère plus grand qu’un gros chien. Nous pensions qu’il n’avait pas terminé sa croissance.
« Non, non », nous dit Jorge, « ce n’est qu’un burrito« .
Nous en avons déduit que la vallée abritait une espèce d’âne nain et qu’il n’y avait pas à s’inquiéter de le voir chargé de quatre jours d’équipement pour notre randonnée vers la Puna.
Jorge et Gustavo ont ensuite sellé les chevaux, puis bâté la mule et l’autre burro. Il ne semblait guère évident de faire tenir ces montagnes de paquets sur leurs dos, mais ils semblaient avoir un système pour y parvenir.
« Napoléon a envahi la Russie avec moins » |
« Napoléon a envahi la Russie avec moins », avons-nous dit à Sergio.
La hiérarchie des ranchs — du moins ceux appartenant à des étrangers — est la suivante : propriétaire, administrador, encargado, capataz. Dans notre cas, l’administrateur est un avocat à Salta. L’encargado fait le lien entre le ranch et le monde extérieur ; il apporte le ravitaillement, garde un oeil sur tout et fait son rapport à l’administrateur, lequel transmet au propriétaire. Le capataz est le contremaître du ranch. C’est grâce à lui que tout se passe bien.
Sergio est l’encargado. Jorge est le capataz.
« Eh bien, il nous faut beaucoup de choses », a répondu Sergio. « C’est difficile, là-haut ».
Nous réaliserions 12 heures plus tard ce que « difficile » signifiait.
▪ L’hiver vient
« Hmm… le vent est froid », a dit Jorge, levant les yeux vers le ciel. Il y avait des nuages, hauts, légers, en écailles. A cette époque de l’année, une telle formation marque l’arrivée des vents hivernaux.
Après un rapide petit-déjeuner d’oeufs, de toasts et de café, nous nous sommes mis en selle. Marta et Gustava nous saluèrent de la main — « que vayan bien » — et l’expédition se mit en route.
Sur la carte, cela semblait relativement simple. Nous chevaucherions pendant 10 heures, vers la maison de notre puestero le plus éloigné — Sylvia. Là, nous monterions notre camp pour y passer la nuit et nous nous dirigerions le lendemain vers notre destination, Rio de los Patos.
Les chevaux, les cavaliers et les burros sortirent tranquillement, contournant l’arrière de la maison pour rejoindre la piste grimpant la colline vers la « route principale » menant aux pâturages d’altitude. Nous n’étions pas en route depuis plus d’une demi-heure quand le premier problème se présenta. Le chargement des burros se déséquilibrait, de sorte qu’il fallut le réajuster. Jorge sauta de sa mule (il préfère les mules, pour les randonnés en montagnes) et tira vigoureusement sur les cordes pour les resserrer.
Le burro n’apprécia pas pareil traitement ; il tourna la tête pour tenter de mordre Jorge |
Le burro n’apprécia pas pareil traitement ; il tourna la tête pour tenter de mordre Jorge.
« Ahh… burro ! » lui cria Jorge en souriant.
Nous avions parcouru cette partie de la piste de nombreuses fois — mais nos hôtes eurent plus de mal.
« J’espère que le reste de la chevauchée ne sera pas aussi escarpé », dit David, un Américain féru d’équitation qui vit en bas, à Cafayate.
« Non », avons-nous répondu. « Ce sera bien pire ».
Bientôt, nous étions sur la « route », avançant à relativement bonne allure. Mais il était déjà clair que nous prenions du retard.
« Nous devons y arriver avant la nuit », expliqua Jorge. « Sinon, il sera très difficile de monter les tentes et préparer notre dîner ».
▪ Tirer, pousser, ça grimpe pareil
Arriver avant la nuit devint donc notre principale préoccupation. Pour ce faire, Jorge poussa les burros.
« Ayyyup ! Ayyyup ! »
On pousse les burros et on tire les mules », expliqua-t-il. « Ils ont des personnalités différentes |
« On pousse les burros et on tire les mules », expliqua-t-il. « Ils ont des personnalités différentes. On ne peut pas mener un burro. On ne peut pas pousser une mule ».
Les burros n’étaient pas attachés mais allaient là où Jorge leur indiquait, le long du chemin vers le col… puis dans la grande vallée de l’autre côté.
La vallée en question est appelée Compuel. Elle fait environ 10 000 acres ; au milieu coule une rivière. En dépit de sa taille, Compuel ne nourrit que 200 de nos bêtes. Elle pourrait en accueillir 100 de plus au moins, mais elle est en train de devenir le site d’une guerre de pâturage. Une bonne partie de l’herbe disponible est mangée par des burros, des moutons et des lamas qui ne nous appartiennent pas. Leurs propriétaires pensent — probablement à raison — que nous ne pourrons pas nous débarrasser d’eux. Mais c’est une histoire pour un autre jour…
David vérifia son GPS.
« Nous sommes à 3 500 mètres d’altitude. Si le GPS ne se trompe pas, il y a environ 40 km jusqu’à l’endroit où nous allons et nous avons fait à peu près la moitié ».
Mais il était déjà deux heures de l’après-midi et nous devions nous arrêter pour déjeuner. Le vent soufflait fort. Jorge nous mena jusqu’à un gros rocher fournissant un abri. Là, dans un coin, il fit un feu, l’entoura de pierres, embrocha quelques morceaux d’agneau sur des baguettes aiguisées et les posa sur les braises.
Agustin est un jeune Argentin de Buenos Aires qui a épousé une jeune fille de la région et vit désormais à Cafayate. Beau garçon, amical, avec des cheveux noirs et une peau pâle, il a suivi une formation d’oenologue à Bordeaux et en Italie, de sorte qu’il parle désormais le français et l’italien en plus de l’espagnol. Il développe une affaire dans la vallée, où il produit des vins de très haute qualité qu’il vend ensuite aux Chinois à des prix tout aussi élevés. Il avait apporté plusieurs bouteilles — chacune un exemple de ce que la vallée pouvait produire — pour le voyage.
« Ca, c’est un Tannat », dit-il, débouchant une bouteille.
Il versa le vin dans nos gobelets en plastique tandis que Sergio proposait l’agneau rôti à la ronde.
« C’est ric-rac : le soir tombe à 19h30 » |
« Si nous partons d’ici à 15h, nous devrions arriver vers 19h », calcula Jorge. « C’est ric-rac : le soir tombe à 19h30 ».
Selon l’article de Wikipédia US sur le mal des montagnes, les alpinistes expérimentés ne grimpent pas plus de 300 m par jour, se donnant ainsi le temps de s’adapter à l’altitude. Nous étions déjà passés de la maison principale, à 2 800 m, à notre pâturage à 3 500 m, soit plus de deux fois ce dénivelé.
Mais nous n’avions pas consulté Wikipédia ou toute autre autorité avant de commencer notre expédition. Nous n’avions que l’avis de Jorge, selon qui ça pouvait être fait. Et notre plan comprenait une ascension supplémentaire — jusqu’à 4 000 m — d’ici la fin de la journée. Nous grimperions de 1 200 m — soit quatre fois la recommandation pour les alpinistes — en une seule journée.
La suite demain…