"Vous n’avez rien compris", m’écrit en substance un lecteur, "peu importe que les banques ne se prêtent pas entre elles, l’or c’est idiot. Les gens n’ont pas besoin de travail, ils ont besoin d’argent".
Mmmmmmm… Vraiment ?
Le but de tout travail est de gagner de l’argent — sinon, il y a bien d’autres occupations plus agréables. L’argent permet d’échanger des biens et services contre son travail présent ou passé.
Pour qu’une personne reçoive de l’argent sans travailler, il faut donc bien qu’une autre ait travaillé sans recevoir. C’est devenu difficile depuis qu’on a supprimé l’esclavage et que tout travail mérite un salaire, dit-on.
Il me semble que l’erreur de cette phrase est le mot "besoin" ; elle fait ressortir une confusion entre besoin et envie.
Vous avez besoin d’être chaudement vêtu en hiver mais vous avez envie d’un cachemire… Les envies sont un luxe, les pauvres ont des besoins insatisfaits.
Les gens n’ont pas envie de travail, ils ont envie d’argent.
Cette phrase me choque moins. C’est normal, c’est humain. La plupart des gens ont même envie d’un peu de travail contre beaucoup d’argent.
Nous vivons dans une société d’abondance dans laquelle tout l’art du marketing et de la politique consiste à faire confondre envie et besoin |
Nous vivons dans une société d’abondance dans laquelle tout l’art du marketing et de la politique consiste à faire confondre envie et besoin. On crée des envies qui ne correspondent à aucun besoin. Notez qu’il n’y a rien de mal à avoir des envies, bien au contraire. C’est ainsi que de multitudes de chose très agréables quoique très inutiles voient le jour. Les ennuis commencent lorsque "argent" et "envie" ne coïncident pas ou lorsque des "besoins inutiles" sont financés avec "l’argent des autres", c’est-à-dire des impôts, notre argent.
"Janet Yellen a mis fin à ses QE, les banques ne se prêtent plus et les bourses s’envolent. Quant à l’or… Simone, les marchés prennent la relève des banques centrales c’est eux qui gonflent la masse monétaire. SVP, ne confondez pas emploi et argent. C’est d’argent dont les gens ont besoin. La production, les Chinois et les robots s’en chargent", poursuit mon lecteur.
La mondialisation a consisté à importer des biens et produits fabriqués avec du travail pas cher, celui des Chinois, puis des robots chinois. Elle a supprimé du travail cher, celui des Occidentaux, et elle a importé du chômage chez ceux qui n’ont rien compris à ce processus et qui pensent toujours qu’on peut échanger quelque chose contre rien. Des Occidentaux aveuglés qui persistent à vivre au-dessus de leurs moyens parce qu’ils n’ont pas su adapter leur offre de travail à cette nouvelle donne.
Certains ayant créé toutes sortes d’envies, d’autres se sentent frustrés de ne plus avoir assez d’argent pour les assouvir. Or des gens frustrés ne font pas de bons électeurs.
▪ Solution politicienne
Heureusement, les politiciens ont trouvé la parade. Il suffit de créer de l’argent sans proportion avec le travail fourni. D’abord, ils ont commencé à prendre l’argent du futur en généralisant le recours à la dette. Il suffisait d’admettre et d’imposer un système financier prêt à émettre du crédit sans limite et sans aucun rapport avec le travail fourni, le tout avec la bénédiction d’une banque centrale. C’est le principe selon lequel "les crédits font les dépôts". L’idée de génie consiste à mettre dans la poche des gens de l’argent qui n’existe pas encore afin qu’ils puissent assouvir leurs envies.
Les politiciens ont oublié de prévenir les gens qu’ils avaient déjà vendu leur travail du futur, qu’il ne leur serait pas payé deux fois, qu’un crédit prive de la liberté de l’avenir |
La facilité a donné lieu à de mauvais crédits, tel que le crédit subprime, avec le désastre de 2008. Mais l’endettement public a pris le relais et les gens ont toujours ce qu’ils veulent : de l’argent. En contrepartie, les impôts rémunèrent l’industrie financière des intérêts dus sur la dette publique. L’accumulation de dettes souveraines est telle que la richesse ne progresse plus puisqu’il faut payer des intérêts croissants sur l’argent pris toujours plus loin dans le futur. Les politiciens ont oublié de prévenir les gens qu’ils avaient déjà vendu leur travail du futur, qu’il ne leur serait pas payé deux fois, qu’un crédit prive de la liberté de l’avenir.
La phase ultime du naufrage consistera probablement à mettre directement dans la poche des gens de l’argent fabriqué à partir de rien, comme en Allemagne, en Hongrie ou au Zimbabwe.
"Les gens n’ont pas besoin de travail mais besoin d’argent" : grâce à un bon marketing keynésien qui postule qu’on s’enrichit en consommant, une majorité le croit volontiers, c’est tellement agréable ! L’argent distribué par le crédit crée le besoin qui crée à son tour le travail (mais pas trop et pas trop pénible, de préférence le travail des Chinois qui acceptent du travail mal payé et n’ont aucun besoin de sécurité ou d’assurance maladie).
Un jour cependant, les gens comprendront la différence entre "envie" et "besoin". Ils auront des besoins à satisfaire et de l’argent incapable de les assouvir, comme en Allemagne, en Hongrie ou au Zimbabwe lorsqu’on a fabriqué de l’argent à partir de rien. Alors peut-être, à ce moment, ceux qui découvriront qu’ils sont devenus pauvres auront envie de pendre les naufrageurs cyniques qui se seront enrichis à leurs dépens. Envie et non pas besoin… car la vengeance est un luxe.
1 commentaire
A propos de la richesse.
La richesse n’a rien de virtuelle, ni pour celui qui la possède, ni pour celui qui en est peu ou prou dépourvu.
Etant passé de l’un à l’autre comme le vent passe d’un pays à l’autre, j’en sui arrivé à observer une chose simple, comme le bonjour par exemple.
La richesse est produite par la conjonction de deux éléments, qui pris séparément, ne donnent aucune richesse, mais beaucoup d’illusion.
Il faut deux choses pour obtenir un « bien de consommation ». Prenons une pomme au bout de sa branche, ou même tombée au sol.
Elle est là et ne représente aucune valeur, jusqu’au moment, assez bref où on la ramasse.
Premier état : ressource naturelle disponible – la pomme
Premier fait : travail effectif – je ramasse la pomme.
Si un doute subsiste comme quoi ramasser une pomme constituerait un travail, j’invite tout le monde à en ramasser une tonne ou deux, juste pour voir.
Si l’on prend l’ensemble des richesses matérielles disponibles, elles tombent toutes sous cette régle primordiale, qui fait de l’écologie une notion économique de base.
Et le recyclage des déchets direz vous ?
Ce sont des éléments matériels soumis à une usure, que l’on peut considérer comme naturel, dans le sens où les lois physiques qui contribuent à l’usure font partie de la nature.
On retombe dans ressource naturelle + travail = richesse.
L’argent n’en est que la représentation matérielle, pratique, très répandu, mais qui doit toujours être compris comme une unité d’échange, et certainement pas comme le fruit du travail. Il n’en n’est que la représentation.
Evidemment, vu sous cet angle pour le moins direct, la spéculation et la manipulation des chiffres financiers perdent tout intérêt à terme, sauf pour ceux qui en détiennent les clefs.
Cà tombe bien, c’est le but de cette démonstration.