▪ Le visage souriant d’Hillary Clinton, posé sur notre bureau, nous dévisage depuis deux semaines.
Nous voulions lire son livre, ne serait-ce que pour nous en moquer, mais nous ne parvenions pas à nous forcer à l’ouvrir. Il était trop gros. Trop plein de bonne volonté. Trop soigneusement élaboré. Il n’y aurait pas de surprises.
Tout comme la photo d’Hillary sur la couverture, nous supposions que le moindre détail avait été vérifié par des consultants en image. Aucun fait venant contredire l’ascension de la narration ne serait toléré. Aucune idée ne plaisant pas à l’électeur de la majorité ne serait permise. On donnerait à Hillary l’image de quelqu’un de solide mais équitable… bien informée… travailleuse… avec un intellect affûté comme un rasoir et un coeur comme une charogne sur un bord d’autoroute un jour ensoleillé — chaud, doux et accablant.
Enfin, nous devions faire notre devoir, pour vous, cher lecteur. Nous avons ouvert le livre pour que vous n’ayez pas à le faire. L’ouvrage, intitulé Le temps des décisions, est difficile à entamer… et facile à abandonner. Non parce que vous ne serez pas d’accord avec ses idées. C’est à peine s’il y a des idées explicites avec lesquelles n’être pas d’accord. Au lieu de ça, le livre est cupide, vide, du bla-bla… se vautrant dans la gloire de l’empire américain… et la ténacité admirable et incroyable d’Hillary Rodham Clinton.
Il suffit de regarder les photos. Là, on a Hillary serrant la main de tous les dirigeants corrompus et incompétents que le monde a à offrir… tout en démontrant l’intégralité des qualités que pourrait rechercher un électeur à courte vue. Sur une photo, elle est pleine de compassion envers les enfants. Sur une autre, c’est une activiste pour la cause des femmes. Elle se montre aussi comme une Secrétaire d’Etat qui aime faire la fête : voici une photo d’elle jouant au piano avec Bono. Une autre encore où elle danse lors d’une fête à Cartagena, en Colombie. Et voilà Joe Biden qui chuchote à l’oreille d’une Hillary prise de fou-rire. Quelle boute-en-train !
La base du livre, c’est que les dirigeants doivent prendre des décisions difficiles |
La base du livre, c’est que les dirigeants doivent prendre des décisions difficiles. La première pour Hillary fut de quitter une carrière prometteuse d’avocat à Washington pour aller à Little Rock aider Bill dans sa carrière politique.
De toute évidence, ça a payé. Bill s’en est bien sorti en politique. Hillary est devenue sa partenaire, comme Evita et Juan Peron. A présent, elle est en route pour devenir la première femme présidente des Etats-Unis. Cela semble non seulement alarmant, mais probable. Le Wall Street Journal rapportait mercredi qu’elle et Bill avaient levé plus d’un milliard de dollars de fonds au cours des deux dernières décennies. Les secteurs zombies et le capitalisme de copinage savent qu’Hillary peut être achetée, à un prix raisonnable qui plus est. Les électeurs suivront ; ils n’ont pas le choix — les républicains présenteront sans doute un candidat dont les politiques sont majoritairement identiques.
▪ Service public et oiseaux de nuit
La décision difficile suivante pour Hillary ? Accepter ou non l’offre de Barack Obama de prendre la tête du Département d’Etat. Elle dit et fait toujours ce qu’il faut. Elle a donc accepté le poste, parce que "lorsque votre président vous demande de servir [votre pays], vous devriez dire oui". Nous n’en sommes qu’aux premières pages du livre, et il y a déjà de quoi avoir la nausée. Hillary pense avoir été "au service du public" pendant toute sa vie d’adulte. Mais de quel service s’agit-il ? Dans chacun de ses postes, elle a été plus servie que servante.
Elle était censée être payée pour prendre "des décisions difficiles" au nom des Etats-Unis. "Cela ne m’amusait pas de jouer au méchant flic", dit-elle d’une conversation avec le Premier ministre israélien, "mais c’était mon travail". En ce qui nous concerne, nous ne lui avions rien demandé de dire… et nous ferons nos propres choix, merci beaucoup.
L’une des décisions les plus difficiles qu’elle ait eu à prendre était de savoir s’il fallait envoyer la Navy pour "amener Oussama ben Laden devant la justice". En fin de compte, ils n’ont même pas essayé — ils l’ont assassiné sur place.
Elle est allée partout dans le monde — un véritable derviche diplomate. L’Asie, le Moyen-Orient, l’Extrême-Orient, le printemps arabe, l’hiver russe, l’automne européen. Bla et bla et bla… un fonctionnaire plein de bonnes intentions après l’autre… les droits de l’homme, les droits de la femme, les droits de l’enfant. Six cent pages.
Comment se souvient-elle de tant de détails ? Pourquoi se donne-t-elle cette peine, sinon pour glorifier sa propre maîtrise des choses sans importance ? Elle dit quelque chose à quelqu’un qui répond autre chose… passant d’une kermesse à un massacre… Impliquant les citoyens libres et indépendants des Etats-Unis d’Amérique dans des dizaines de conflits auxquels ils n’ont pas le moindre intérêt.
Nous nous méfions des gens qui se couchent trop tard |
Nous nous méfions des gens qui se couchent trop tard. Staline travaillait jusqu’à cinq heures du matin. Hitler était lui aussi un oiseau de nuit. Veiller est lié aux addictions — l’alcool, la pornographie ou les jeux vidéo. Pourtant, Hillary nous répète encore et encore qu’elle était debout "jusqu’aux petites heures de la nuit", à parler à quelqu’un. Mais bon sang, quelle terrible calamité aurait donc bien pu se produire si elle était simplement partie se coucher en éteignant son téléphone portable ?
Elle doit être épuisée, la pauvre. Tant de décisions ! Tant de service public ! Elle a besoin de se reposer. Qu’on la mette à la retraite.