▪ La crise boursière est-elle en passe d’être résolue ? Peut-être pas… L’attitude optimiste consiste à croire que les gouvernements parviendront à atténuer la violence des chocs, à les diluer dans le temps, à grands coups de programmes de stimulus, d’assouplissement quantitatif et de dettes publiques ; des pommades appliquées sur une jambe de bois.
▪ 1930 ou 2010 : même combat ?
De nombreux analystes techniques ont relevé les multiples similitudes entre les deux plus importantes crises du capitalisme. Toutes les deux sont apparues à la suite de longues périodes de hausse des marchés, alimentées par une spéculation effrénée. Dans les Etats-Unis modernes, c’est la conséquence du recours quasi systématique des acteurs économiques à l’endettement facile.
A cela s’est ajouté l’effet de richesse lié à l’immobilier. Les individus achetaient une maison à crédit et la revendaient quelques années plus tard — ou même quelques mois plus tard parfois — à un prix plus élevé, encaissant un bénéfice qu’ils utilisaient pour financer leur style de vie.
La pierre est restée une machine à liquidités tant que le marché était haussier. Et puisqu’il était haussier, les génies de Wall Street se sont dit qu’il fallait en faire profiter la majeure partie de la population : ils ont donc inventé les prêts à haut risque. Jusqu’au moment où ces personnes ont commencé à ne plus rembourser leurs hypothèques…
Cela à entraîné le retournement du marché immobilier, des pertes abyssales pour les banques — qui ne sont pas terminées — et a totalement bloqué le crédit destiné à l’économie réelle. Récession, croissance amorphe, chômage, des millions d’Américains soutenus par l’Etat : les mêmes causes que dans les années 1930 ont produit le même genre d’effets.
▪ Une crise moins visible qu’en 1930
Contrairement à ce que montrent les images d’archives, nous n’avons pas vu cette fois de gens faire la queue sur les trottoirs new-yorkais pour obtenir une pomme. Actuellement, quand les gens font la queue, c’est pour acheter le dernier gadget d’une entreprise dont le logo est une pomme. Nous n’avons pas vu non plus les chômeurs transformés en hommes-sandwichs, portant un écriteau "cherche travail désespérément" ou "prêt à faire n’importe quoi pour travailler".
Pourquoi ? Car en 70 ans, la société s’est modernisée de manière étonnante, vous le savez bien. Le système social s’est développé, ce qui explique que les victimes de la crise soient mieux soutenues et moins visibles. Les gouvernements modernes utilisent tous les moyens à leur disposition pour atténuer la crise.
Quelques milliards de stimulus par-ci, un sauvetage de Wall Street par-là, un peu de flexibilité sur l’exactitude des comptes publics, une prime à la casse pour soutenir un constructeur automobile cacochyme… uniquement des mesures à court terme, dont l’espérance de vie s’éteindra à la prochaine élection et qui n’empêcheront pas le long krach qui nous attend probablement.
▪ Des finances publiques désastreuses
Une autre source d’amortissement découle du fait que les marchés financiers sont devenus beaucoup plus sophistiqués que dans les années 1930 — est-ce vraiment une bonne chose ? Oui, probablement –, les politiques monétaires également.
Je ne serai pas aussi catégorique concernant les politiques budgétaires, puisque les pays occidentaux affichent aujourd’hui des niveaux de dette record. Vous avez vu ce que ça donne dans l’Union européenne, en Grèce, en Irlande, et bientôt au Portugal ou en France…
Dans une situation encore plus cataclysmique au niveau des finances publiques, les Etats-Unis n’ont pas encore implosé pour la seule raison qu’ils peuvent imprimer autant de dollars qu’ils le veulent, puisque le billet vert est toujours la devise la plus largement acceptée sur le plan international.
Enfin, autant qu’ils veulent, ce sera jusqu’à ce qu’un événement lance l’inévitable chute du dollar. Que quelqu’un — le gouvernement chinois par exemple — refuse tout à coup tout paiement en dollar, ce qui mettrait immédiatement fin au financement des déficits américains par l’empire du Milieu ; la fin d’une époque.
D’autant plus que le progrès n’a pas touché tous les acteurs du monde économique et politique. Il a laissé de côté l’ami Ben Bernanke, qui s’obstine toujours dans son assouplissement quantitatif. Nous en sommes actuellement à la deuxième tournée, je ne serais pas étonné que la hotte du président de la Réserve fédérale soit encore pleine de fumeuses idées de ce genre. Noël approche et il faut craindre qu’il déverse d’autres "cadeaux" sur l’économie américaine…
▪ Bientôt la fin de la parenthèse haussière ?
Avec toutes ces mesures d’accompagnement, une impression se précise. La crise boursière actuelle est une réplique de celle des années 1930, mais en plus lent. Comme si ce qui se passait en un jour à l’époque met une semaine pour se concrétiser au XXIe siècle.
Voyez plutôt :
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Etonnant, non ? L’expérience de la Grande Dépression des années 1930 montre qu’un effondrement des marchés est suivi par une reprise, mais qu’elle n’est pas durable, car les fondamentaux n’ont pas été réparés.
C’est probablement ce qui se passe aujourd’hui : une parenthèse haussière dans une longue période boursière orientée à la baisse. Et quand je dis longue, je parle en décennies. Au moins une — et c’est long, 10 ans à ne rien gagner sur les marchés…
Première parution dans Le Billet du Trader le 09/12/2010