▪ Le CAC 40 aligne une quatrième séance de hausse consécutive. La tendance a été longtemps indécise mais les acheteurs ont repris la main vers 16h grâce au spectaculaire rebond des ventes de logements neufs aux Etats-Unis au mois de juin.
Il n’y a cette fois rien à redire. Pas de délit d’initié comme jeudi dernier. Pas non plus de coup de baguette magique comme vendredi, avec la parution sur Internet d’un article du Wall Street Journal concernant une éventuelle OPA de Sanofi-Aventis sur Genzyme (qui prit 20% en quelques secondes, entraînant une réaction en chaîne indicielle tandis que le Nasdaq 100 ressortait brusquement du rouge).
Selon les chiffres du département du Commerce américain, les ventes auraient littéralement explosé : +23,6% au mois de juin, à 330 000 transactions en rythme annualisé. C’est là que nous sommes obligé d’ouvrir une parenthèse afin d’apporter quelques éclairages au sujet de ce petit miracle.
▪ Les ventes du mois de mai avaient été catastrophiques (-32,7%)… mais la réalité était bien pire : l’effondrement — quel autre vocable employer ? — aurait en fait dépassé les 40%. Le nombre de transactions serait passé de 450 000 à 267 000, le nombre le plus faible observé depuis 1963, quand les Etats-Unis comptaient 30% d’habitants en moins.
De quoi relativiser largement l’aspect rassurant d’un rebond de 23,6%, le plus important depuis mai 1980. Si les chiffres initiaux du mois de mai n’avaient pas été révisés (la première estimation des ventes était de 300 000), l’embellie du mois de juin n’aurait atteint que 10%. C’est de l’ordre du prévisible après un véritable trou d’air historique consécutif à l’arrêt de la prime fiscale de 8 000 $ pour un couple réalisant un premier achat immobilier.
Avec une marge d’erreur historique de 15%, de l’aveu même du département du Commerce, il nous paraît prématuré d’anticiper l’émergence d’une tendance plus favorable dans l’immobilier. Cependant, un aspect au moins des statistiques nous semble prometteur : le stock de logements disponibles s’est dégonflé à 7,6 mois de vente (au rythme actuel), contre 9,6 mois en mai (à 210 000, le plus bas depuis septembre 1968).
Nous apprenions toutefois la semaine dernière que la chute de 5% des reventes de logements anciens avait fait remonter symétriquement le stock d’invendus de 2,5%. Il faudrait près d’un an pour l’écouler, à condition que les banques ne remettent pas brusquement sur le marché près d’un million de biens saisis depuis le début de la crise.
Afin de mesurer à quel point toutes les difficultés sont loin d’être surmontées, les ventes judiciaires (qui concernent les biens de propriétaires priés de rendre les clés à leur banquier) représentaient plus du tiers des transactions le mois dernier.
Cette proportion est soigneusement respectée car au-delà de 35% de « ventes forcées », les prix s’effondrent. Grâce à cette modération de l’offre — qui reste à des niveaux jamais observés depuis la crise de 1929/1932 –, la valeur des logements se stabilise au lieu de continuer de chuter à un rythme annuel pouvant atteindre -15% dans certaines régions.
Contrairement à ce que pourraient laisser présager les chiffres du jour, il ne se passe encore rien de décisif sur le marché immobilier américain. Cependant, il y a de bonnes raisons de penser qu’un point bas a effectivement été inscrit en mai dernier, pour des raisons que nous qualifions volontiers d’exceptionnellement défavorables.
▪ Wall Street peut légitimement se montrer moins pessimiste et progresser au contact de ses sommets de la mi-juin. C’est à partir de maintenant — et d’ici la première estimation du PIB américain publiée vendredi — que tout va se jouer.
Les investisseurs semblaient bien partis pour laisser les indices américains faire une pause. Tout comme vendredi, ils ne prenaient aucune initiative en début de séance ; les cours se sont mis à osciller de part et d’autre du point d’équilibre.
Mais les tergiversations du marché ont duré bien moins longtemps ce lundi. En effet, un bon chiffre concernant l’activité dans le secteur immobilier est venu leur redonner confiance après tout juste une demi-heure de cotations.
A la mi-séance, le Dow Jones qui affichait +0,7% achevait d’effacer ses dernières pertes résiduelles depuis le 1er janvier ; le S&P, alors en hausse de 0,85%, ne perdait plus que 0,25% sur l’année 2010. Tout pouvait dépendre de la capacité de Wall Street à conserver ses gains.
▪ A Paris, il a fallu attendre les 90 dernières minutes pour voir la tendance, très hésitante durant les sept premières heures de la séance, prendre une orientation clairement positive pour les raisons largement commentées en début de chronique.
Avant de découvrir les chiffres de l’immobilier, l’optimisme des opérateurs était loin d’apparaître hégémonique. Vers 16h, les quatre banques listées sur le CAC 40 soutenaient à elles seules le marché parisien. Les replis étaient alors deux fois plus nombreux que les hausses (y compris au sein du SBF 120)… et Wall Street restait morose en pré-ouverture.
Un rachat massif de « shorts » sur Dexia pourrait expliquer une envolée hors norme de 9,1%. Le retour en grâce des autres vedettes du secteur bancaires fut un peu moins explosif : BNP Paribas reprenait 2,3%, Crédit Agricole 3,15% et la Société Générale 5,25% à 40 euros.
Assister à un rebond de 30% de Dexia en une quinzaine de jours ne démontre pas seulement que le marché a changé d’avis (c’est une évidence)… mais qu’il s’était complètement fourvoyé. Admirons la clairvoyance des analystes qui recommandaient avec une troublante unanimité de rester à l’écart…
Voilà un titre qui passe du statut de rebut (qui pouvait être assez idiot pour acheter cette calamité bancaire vers 2,8 euros ?) à celui de star (comment avez-vous pu négliger de ramasser une telle merveille à 3,30 euros avant qu’elle ne grimpe vers 4 euros ?). Cherchez l’erreur !
▪ La succession de cinq vagues radicalement haussières, entrecoupées de quatre phases correctives obstinément baissières, depuis début du mois de mai démontre une perte de repères qui confine à la schizophrénie. Plus globalement, le CAC 40 s’inscrit plus que jamais au sein d’une figure de consolidation latérale, entre 3 330 et 3 710 points. Elle succède à un signal de rupture majeur survenu le 27 avril dernier.
Statistiquement, les indices s’échappent le plus souvent de ce genre de canal (appelé aussi « drapeau ») par le biais d’un retour en force de leur tendance initiale. La seule certitude que nous ayons, après la formation d’un « M » sous les 4 080 points, c’est qu’elle est baissière.
Cela ne vaut certainement pas la possession d’un stock d’or… mais cela peut déjà nous éviter de perdre de l’argent pendant que nous partons bronzer !