▪ La Fed est au premier rang des banques centrales. Et elle est en train de découvrir combien il peut être difficile de bidouiller une économie de 16 000 milliards de dollars.
Mercredi dernier, Ben Bernanke a fait une déclaration. Il a dit que si tout allait bien… s’il ne changeait pas d’avis… s’il ne se passait rien d’inattendu… et si le FOMC en avait envie… la Fed commencerait un jour à réduire sa politique accommodante.
Il n’en fallait pas plus pour faire frissonner les investisseurs… et envoyer un signal de vente aux marchés. Tout s’est effondré — les actions, les obligations, les matières premières, l’or… et ainsi de suite.
Au cours des deux jours suivants, le Dow a perdu plus de 500 points, avant de se stabiliser vendredi. Le New York Times :
"’Il est clair que l’idée de voir la Fed réduire ses politiques est désormais admise. Il y a un renversement des perceptions sur la liquidité, et il faudra du temps pour que les investisseurs puissent digérer, rééquilibrer et ainsi de suite’, a déclaré Adrian Foster, chef de la recherche sur les marchés financiers pour l’Asie-Pacifique chez Rabobank International à Hong Kong".
Lorsque les programmes d’argent facile de la Fed prendront fin, ce sera l’enfer. Nous ne sommes pas certain que nous y sommes déjà. Il faudra attendre et voir.
Mais M. le Marché veut une correction. Et M. Bernanke veut l’éviter.
A long terme, nous ne doutons pas de qui va gagner. M. le Marché gagne toujours. Mais rarement de la manière dont on l’attend. Il pourrait jouer avec M. Bernanke pendant des années avant d’administrer le coup de grâce. Les investisseurs pourraient être trompés, surpris et complètement feintés une fois… deux fois… trois fois… avant que le rideau finisse par tomber.
▪ Vous voulez savoir ce que nous en pensons précisément ?
Alors voici : le Japon… puis Buenos Aires. Nous soupçonnons que la Grande correction s’intensifie. Les actions vont chuter. Les obligations vont chuter. L’immobilier va chuter. Comme cela a été le cas au Japon.
Mais contrairement au Japon, les rendements vont grimper. Oui, c’est bien là la chose la plus intéressante qui se produise. Après 30 ans, le marché haussier des obligations semble être enfin terminé. Les rendements grimpent. Les prix de l’obligataire chutent.
Et tout ça se passe au pire moment possible. Exactement ce qu’on aurait pu attendre, en d’autres termes.
Revenons-un peu en arrière pour mieux comprendre.
Encouragé par la Fed, le secteur privé américain s’est chargé de dette pendant 60 ans. Puis, en 2007, le maillon faible — la dette des prêts subprime — a cédé. La fin du cycle était proche.
Nous avions estimé que le processus de désendettement — les remboursements, les décotes, les défauts de paiement, les faillites, l’inflation et autres manoeuvres — prendrait entre sept et 10 ans. Nous en sommes à la sixième année.
▪ La Fed doit faire le ménage…
Nous savions que les autorités lutteraient contre la correction, mais nous n’avions pas réalisé à quel point elles se montreraient imprudentes. Ces interventions, à l’échelle mondiale, ont coûté entre 7 000 et 12 000 milliards de dollars, selon la méthode de comptabilisation. A cause de ces interventions, il est très difficile de comprendre ce qui se passe. La Fed truque le prix le plus important dans l’économie la plus importante au monde — le prix du crédit. Tous les autres prix sont affectés. On peut étudier les mouvements des prix, mais il est impossible de savoir ce qu’ils signifient vraiment.
Une chose est sûre : c’est la Fed — et non une vraie reprise — qui était responsable de la grande hausse des actions à partir de 2009. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que, quand la Fed reculera… il en ira de même pour les prix des actions.
A ce moment-là, au lieu d’un "effet de richesse" aidant à soutenir l’économie, nous aurons un effet de richesse négatif — la chute du prix des actions — qui la tire vers le bas.
Une correction est censée corriger les erreurs. La Fed a essayé de l’empêcher. Elle a balayé la poussière sous le tapis, repoussant le problème à plus tard. Mais six années ont passé ; nous sommes maintenant "à plus tard". Et revoilà le tas de poussière ! Il apparaît à présent que la Grande correction doit s’intensifier. Elle doit poursuivre son travail : corriger les erreurs idiotes de la période de bulle ET les erreurs idiotes des cinq dernières années.
Mais si le marché obligataire s’est retourné contre la Fed, la chute des prix obligataires compliquera la vie des emprunteurs un peu partout dans le monde. Or le plus grand emprunteur du monde est le patron même de la Fed — le gouvernement américain.
Les gouverneurs de la Fed savent qu’à un moment ou à un autre, ils devront réduire leurs politiques… ou risquer une calamité plus grande encore. Mais ils ne peuvent reculer maintenant ; pas avec un marché obligataire en baisse. Ils devront augmenter leurs achats — et causer encore plus de distorsions.
C’est ainsi qu’on arrivera à Buenos Aires. La déflation maintenant, l’inflation plus tard.
Accrochez-vous !