▪ « Et si la croissance connaissait un passage à vide en 2010 ? », commencent à s’inquiéter les chroniqueurs qui nous abreuvaient encore de scénarios de reprise en « V » début 2010…
Il y a au moins un pays d’Europe pour lequel tout suspense en la matière a disparu depuis une quinzaine de jours. Vous l’avez deviné, il s’agit de la Grèce, promise par Bruxelles et Berlin à une cure d’austérité comme la génération née à l’aube des années 80 n’en a jamais connu.
En ce qui concerne un éventuel soutien financier de la communauté européenne — il va bien falloir commencer à reboucher les fossés budgétaires grecs avant d’entamer une refondation de l’économie du pays –, le message du week-end est « circulez, y’a rien à voir ».
Les ministres des finances de la Zone euro se sont rencontrés hier soir pour discuter entre eux, loin des micros et des oreilles indiscrètes, des mesures d’aide en faveur de la Grèce. Nous n’en saurons pas plus, au nom d’une logique imparable qui consister à garder le secret pour éviter que les spéculateurs ne soient tentés de mettre les nouveaux dispositifs à l’épreuve… si jamais ils devaient exister un beau jour.
Mais très franchement, après la triple crevaison dont vient d’être victime Athènes, alors que personne ne sait où se trouve la trousse à outils, ni qui à qui la confier… ce genre d’artifice rhétorique peut-il dissuader une seule seconde les spéculateurs de déverser des poignées de clous sur les routes escarpées où l’euro s’est imprudemment engagé en accueillant une Grèce reléguée dès l’origine en queue de convoi ?
Les Allemands dans leur immense majorité (70%) estiment que l’état grec roulait depuis bien trop longtemps sur la jante. Inutile d’espérer que de nouveaux pneumatiques conçus et fabriqués dans la région de Francfort pour équiper de solides berlines en parfait état de marche tiennent en place dès que surviendraient les premiers virages serrés.
Il s’agit d’un beau gâchis — hélas prévisible. La sagesse germanique recommande d’arrêter les frais avant que tous les autres membres de l’Union monétaire n’aient gaspillé leur roue de secours pour sauver un pays qui de toute façon ne tiendra pas la route !
Le peuple grec n’endurera pas le quart des mesures d’assainissement des finances publiques qui seraient nécessaires pour commencer seulement à se rapprocher des standards allemands. Pire que tout, Athènes est soupçonné d’avoir falsifié sa comptabilité publique afin de masquer l’ampleur de ses déficits au cours des années précédentes.
Quelle malhonnêteté ! Quelle horreur ! Comment ont-ils pu commettre une telle infamie ?
Mais au fait… Où en sont au juste les banques allemandes — massivement renflouées par des gouvernements régionaux (les Länders) accusés de se surendetter — de l’opération vérité sur les pertes potentielles qui plombent encore leurs comptes et les dissuadent de prêter ?
▪ Que penser aussi de la situation de banqueroute qui frappe l’état du New Jersey (c’est officiel depuis ce week-end) ? N’oublions pas qu’il compte neuf millions d’habitants, soit 25% de moins que la population de la Grèce… mais affiche un PIB annuel quasi-identique et un niveau de vie moyen largement supérieur, avec une bonne partie de ses résidents travaillant à New York ou Philadelphie. Et le New Jersey ne peut prétendre s’en sortir un jour grâce au tourisme et à ses îles ensoleillées chargées d’histoire…
Se mettre à pourchasser un mouton noir en Europe tout en laissant divaguer les troupeaux qui se répandent à travers le sol américain, cela s’appelle une diversion !
Combien de temps va-t-on encore se laisser distraire de la sorte ?
▪ Ce lundi, ceux qui le désiraient ont eu largement le temps de faire le point sur la situation car les « distractions » furent en effet peu nombreuses.
Il n’y avait aucune statistique, tandis que Wall Street et les places de Hong Kong et Shanghai étaient fermées (jusqu’à vendredi en Asie pour le Nouvel An chinois). C’est l’évolution de la monnaie unique qui a fait office de fil rouge tout au long de la séance.
La Bourse de Paris, qui affichait +1% peu après l’ouverture, a vu son avance fondre en début d’après-midi, puis fléchir encore à l’approche de la clôture. L’euro s’enfonçait alors vers 1,3580 $ — avant que le CAC 40 en termine sur un gain symbolique de 0,28% à 3 610 points.
De fait, l’euro est revenu à l’équilibre vers 1,3615 $ peu après 17h30 sur le marché des changes. L’or a cependant poursuivi son rebond au contact des 1 100 $/once, ce qui laisse supposer que les arbitrages dollar/or se poursuivent face à l’excès de création monétaire qui sévit aux Etats-Unis depuis 18 mois.
L’odyssée de la dette souveraine ne fait que commencer. La petite tempête qui affecte les côtes grecques n’est rien en comparaison du tsunami obligataire qui pourrait engloutir l’Angleterre et les Etats-Unis, façon Atlantide !