▪ Félicitations à ceux qui ont acheté des valeurs japonaises. Le Tokyo Stock Price Index (Topix) a gagné 37% en un an et 60% depuis novembre. C’est en décembre que Shinzo Abe est arrivé au pouvoir au Japon. Il a promis de l’argent facile et la Banque du Japon a été à la hauteur en promettant de doubler la masse monétaire. C’était comme agiter un chiffon rouge sous les yeux d’un taureau prêt à bondir. Olé !
L’idée qui sous-tend ce rallye spectaculaire de l’un des plus grands marchés boursiers au monde est aussi simple qu’absurde : imprimer beaucoup de billets est bon pour les actions.
▪ Jusqu’ici, cela semble être le cas… mais jusqu’à quand ?
Il y a deux semaines, j’assistais à la Grant’s Spring Investment Conference à Manhattan. Mark Yusko, PDG de Morgan Creek Capital Management, y affirmait être acheteur sur les titres japonais. Sans aucun doute. Ses arguments ? Un yen plus faible sera bénéfique aux exportateurs et l’inflation (ou la dévaluation monétaire) sera bonne pour les actions.
Mark Yusko apprécie particulièrement les entreprises financières japonaises. « Ces titres vont grimper », a-t-il déclaré. « La question n’est pas de savoir s’ils vont augmenter, s’ils vont bien performer et engranger des bénéfices. Ils vont augmenter »…
Kyle Bass, directeur de Hayman Capital Management, était également présent et a donné une conférence juste après Yusko. Si Yusko agitait un chiffon rouge devant les haussiers, Bass, lui, brandissait une épée.
Bass, si vous ne le connaissez pas, est l’un de ceux qui ont gagné une fortune en prédisant la crise des subprime. Depuis quelques années, il prédit également une catastrophe au Japon. Si je me fie à la qualité des arguments avancés, j’ai tendance à donner raison à Bass. En quelques coups d’épée, il a mis à mort le taureau haussier japonais.
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Son premier coup d’épée : mentionner le Mexique en 1994 pendant la crise dite « Tequila ». Le gouvernement mexicain, tout comme le Japon aujourd’hui, fit savoir à l’époque au monde entier ce qu’il comptait faire : imprimer beaucoup d’argent et dévaluer le peso.
« En théorie », explique Bass, « avec cette dévaluation monétaire de 60-70%, les actions mexicaines auraient dû s’envoler. Mais qu’est-il arrivé ? En quarante jours, elles ont chuté de 70%. On avait perdu 60-70% sur la monnaie plus 70% sur les actions… Et regardez à quelle vitesse c’est arrivé : très très rapidement. En un mois, tout s’est littéralement effondré. Personne n’a eu le temps de réagir ».
La thèse du marché haussier japonais, qui a déjà reçu un coup mortel, vacille… mais Bass n’en a pas encore terminé. Deuxième coup d’épée : il mentionne la piètre situation budgétaire du Japon. Le Japon est en faillite, tout le monde le sait. La seule question est de savoir combien de temps le pays pourra encore tenir. Bass démontre alors par de rapides calculs ce que cela signifie pour les obligations japonaises. En partant d’hypothèses raisonnables, il arrive à des pertes de 83%. Aïe. A présent, le taureau haussier saigne, il agonise.
▪ Bass ne s’arrête pourtant pas là…
Yusko et d’autres affirment qu’un yen faible sera une excellente chose pour les exportateurs japonais. Mais selon Bass, ils ne voient pas que les importations représentent environ 16% de l’économie japonaise. Les biens importés deviennent immédiatement plus chers lorsque le yen s’affaiblit. Les exportations mettent plus de temps à s’ajuster. « Tout d’abord, les conditions commerciales empirent », explique Bass. « Je pense que ce sera un choc pour ceux qui possèdent des actions ». (Il a également utilisé un terme que je n’avais jamais entendu auparavant — « macro touristes » — pour faire référence, sur le ton de l’ironie, à ceux qui achètent des titres pour des raisons macro peu convaincantes mais n’ont aucune expertise des marchés mondiaux.)
Le taureau haussier japonais est à l’article de la mort. Bass s’avance pour donner l’estocade finale…
« Je pense que le Japonais moyen perdra peut-être un tiers voire 40% de son pouvoir d’achat », explique-t-il, devenant plus apocalyptique à mesure que les minutes passent. Il aborde également le problème des risques sociaux dans le pays. « Vous ne voulez pas être le seul homme à rester dans un endroit où tout le monde perd 70% de son pouvoir d’achat », a-t-il déclaré. Selon lui, la crise japonaise déstabilisera toute la région et provoquera des troubles sociaux. J’ai alors eu la vision de foules, de bombes incendiaires, de gaz lacrymogènes, de bols de soupe miso renversés…
Selon Bass, c’est déjà le début de la fin. Tout a commencé il y a un mois, le 5 avril. Le prix des obligations japonaises s’est mis à varier bizarrement, du jamais vu pour les traders. Le marché des swaptions japonais, utilisé pour gérer les risques des taux d’intérêt, a littéralement explosé de 50% à 100% en un jour. « Les courtiers nous appelaient pour nous demander ce qui se passait ».
« La variation à laquelle nous avons assisté ce vendredi-là a été un sacré moment », raconte Bass. « L’état d’esprit des investisseurs a changé, un peu ».
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Il se moque de ceux qui font confiance aux déclarations du gouvernement : « de toutes les réunions avec un ministre des finances ou un premier ministre auxquelles j’ai pu assister, dans aucune quelqu’un m’a dit ‘oui, vous avez tout à fait raison, nous sommes fichus.’ Je n’ai jamais été dans l’une de ces réunions. Jamais ».
Lors de la séance de questions-réponses, certains participants lui demandent à quoi ressemblera le monde après l’effondrement du Japon. Une des remarques de Bass me frappe : « ce jour-là, les rendements américains deviendront négatifs ». Si le Japon implose, cela pourrait donner du souffle au dollar — tout comme en 2008. Les taux d’intérêt américains s’effondreront.
Dans le même ordre d’idée, j’ajoute que les matières premières seront, elles aussi, durement frappées, en dollars. Cela signifie probablement que la valeur en dollars de l’or chutera, du moins sur le court terme. Peut-être la liquidation de l’or à laquelle nous assistons en ce moment est l’anticipation par le marché du jour où le Japon s’effondrera.