Est-il possible de prédire l’évolution du prix du baril de pétrole à travers un indice agrégé ?
Cela semble peu probable au vu de la complexité des mécanismes pouvant faire osciller l’offre et la demande du brut.
Pourtant, un indice relativement peu suivi (à tort !) par les investisseurs privés joue ce rôle d’indicateur avancé : le Baltic Dry Index.
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Rien à voir avec un groupe lituanien champion à l’Eurovision, ni avec la dernière nouvelle boisson à la mode (sans alcool bien sûr). Non, le BDI mesure le coût du transport maritime en vrac des matières sèches. Il peut s’agir de sable, de granulats, de céréales, mais aussi de matériaux denses comme les minéraux de fer.
Un indicateur avancé performant
Son calcul est relativement simple. Le très respectable Baltic Exchange de Londres, déjà présent en 1744, demande à des courtiers dans le monde entier de lui donner, chaque jour ouvrable, un prix pour une cargaison XY allant d’un port A à un port B. Par exemple, "quel est le prix négocié pour 100 000 tonnes de minerai de fer entre San Francisco et Shanghai."
Cette mesure permet donc de quantifier aujourd’hui une demande réelle pour une production à venir. En effet, à la différence des indices avancés classiques de production (constructions immobilières, ventes de voitures neuves, et j’en passe), le BDI est un véritable précurseur de la machine de production mondiale.
Cet indicateur fait d’ailleurs le bonheur de nombreux économistes qui veulent évaluer l’activité économique des prochains trois à six mois — bien avant même le pétrole, qui n’est souvent utile, pour les industriels, que pour huiler et faire tourner la machine (déjà en route). Une hausse du Baltic Dry permet donc de prédire, plusieurs mois en avance, une augmentation du prix du baril de brut.
Une offre peu spéculative et franchement inélastique
J’entends déjà les puristes dire que le BDI dépend tant de la demande que de l’offre. Ce qui est vrai. Un bateau de moins sur l’océan fera forcément rehausser le sex-appeal des cargos restants (si, bien sûr, la demande reste identique). C’est d’ailleurs le cas également pour le pétrole, dont le prix n’hésite pas à flamber dès qu’un émir décide de couper le robinet pour s’offrir une nouvelle Rolls.
Mais, à la grande différence de ce dernier, l’offre sur le BDI ne peut être spéculative (car il s’agit de commandes réelles) et se trouve être extrêmement inélastique (la construction d’un cargo de marchandises prend grosso modo deux ans et son coût est tellement élevé qu’il serait risible de le mettre en inactivité).
C’est donc bel et bien la demande qui fait monter l’indice
Notamment, et surtout, celle provenant de l’empire du Milieu. Selon les dernières statistiques officielles, la Chine a en effet importé 515,1 millions de tonnes métriques de minerai de fer au cours des 10 premiers mois de l’année, soit déjà 16% de plus que sur l’ensemble de l’année 2008 (dont les premiers mois, rappelez-vous, avaient déjà atteint un record historique).
A cela s’ajoutent les chiffres hallucinants des importations de charbon pour juin, juillet, août et septembre, qui ont été les quatre mois les plus actifs de l’histoire tandis que la demande n’est pas prête à s’estomper au vu des multiples programmes de relance.
La demande affole les compteurs
Demande qui fait immanquablement monter les prix, y compris celui du pétrole. Prenons un exemple concret : Port Hedland, une petite ville abritant quelque 12 000 valeureuses âmes dans la chaleur moite du nord-ouest de l’Australie. Au vu de sa situation géographique et de sa proximité avec d’énormes gisements (c’est notamment le lieu de transit pour les fameux minerais de fer extraits par BHP dans la région du Pilbara, un peu plus à l’est), elle est devenue le point d’amarrage numéro un pour satisfaire la soif de l’Asie entière.
Voilà qui est de bon augure pour la production à venir
La demande est aujourd’hui telle que les cargaisons de minerai de fer depuis Port Hedland représentent près de 1,5% du PIB de l’Australie. Et sa croissance continue d’affoler les compteurs. Selon les statistiques des autorités portuaires de Port Hedland, sur les 14,9 millions de tonnes de matériaux expédiées en octobre dernier, plus de deux tiers (67,5% pour être précis) concernaient du minerai de fer à destination de la Chine. Soit une augmentation de 42% depuis 2008.
Répondant à une explosion de la demande, cette nouvelle frénésie des transporteurs poussera immanquablement la production mondiale à terme, et, avant cela, le prix du baril de pétrole.
Pour s’en convaincre, regardons le graphique ci-dessous. Il s’agit de l’évolution depuis début 2007 du Baltic Dry Index et du West Texas Intermediate (WTI, le brut de référence américain), exprimé en euros.
Une corrélation forte, avec un léger décalage dans le temps
Visuellement, l’évolution des deux indices sous-entend une corrélation importante, mais avec un léger retard. En effet, le coefficient de détermination (que les spécialistes appellent le R2, soit la somme au carré du coefficient de corrélation) atteint 0,61 en temps réel et 0,74 en introduisant un délai de six semaines entre le BDI et le WTI.
Un chiffre vraiment impressionnant…
Et le coefficient de corrélation atteint 0,76 entre deux indices fortement corrélés par nature : le WTI en euros et l’OSX (le fameux indice de Philadelphie qui regroupe les titres des 15 plus grandes sociétés de services pétroliers).
+45% depuis le début de l’année
Au vu de la reprise de l’activité économique, notamment à travers le moteur chinois et les divers plans de relance, le Baltic Dry Index a bondi de plus de 45% depuis le début de l’année.
Actuellement, il se trouve en phase haussière. Ce qui laisse sous-entendre que le pétrole a de beaux jours devant lui (même si le rebond du dollar actuellement le met à mal) avec, peut-être déjà, une année 2010 probablement marquée par un nouveau passage au-dessus des 100 dollars le baril.
Ce qui n’est guère plus rassurant…