▪ Les fonds de pension américains vendent des actions. Gros titre ou note de bas de page ?
L’histoire récente laisse supposer que cette nouvelle devrait faire les gros titres. Les fonds de pension — comme les supertankers, mais contrairement aux politiciens — ont besoin de beaucoup de temps pour faire demi-tour. Mais une fois que les administrateurs décident d’aller vers une direction donnée — en ce qui concerne l’investissement — ils continuent généralement sur ce chemin pendant des années, voire des décennies.
Cette tendance est la mère de tous les indicateurs à long terme pour les marchés financiers. Même si les fonds de pension ont tendance à avoir VRAIMENT tort en ce qui concerne les tournants décisifs à long terme, ils ont aussi tendance à avoir raison — plus ou moins — sur les périodes de transition que traversent les marchés pour passer d’un extrême à un autre.
Vous êtes un peu perdu ?
L’idée principale est en réalité très simple : les fonds de pension se comportent comme des investisseurs par le momentum, à long terme. Ils ont donc tendance à acheter lorsque les marchés montent… jusqu’à ce que ces marchés aient atteint un pic, et qu’ils se mettent à chuter. Réciproquement, les administrateurs ont tendance à vendre lorsque les marchés chutent, jusqu’à ce que ces marchés aient atteint un plancher, et qu’ils commencent à remonter sérieusement.
Par conséquent, dans l’ensemble, les administrateurs de fonds de pension ont tendance à se comporter comme des investisseurs novices — ils achètent quand le marché est en haut et vendent quand il est en bas. Mais comme leurs investissements se développent sur de très longues périodes, ce groupe d’investisseurs tend à avoir raison pendant les transitions entre les grands mouvements — vers le haut ou vers le bas — quelle que soit la catégorie d’actifs.
▪ Le quatrième plus gros fonds de pension du monde nous fournit un exemple classique. Le California Employee’s System (CalPERS), avec 181 milliards de dollars au dernier comptage, se classe quatrième sur la liste des plus gros fonds de pension du monde. Aujourd’hui, l’équipe réduit de façon radicale son allocation en valeurs boursières. En juin dernier, CalPERS a réduit son objectif en valeurs boursières, qui est passé de 56% à 49% — l’allocation la plus basse depuis 1993.
CalPERS est donc désormais vendeur de valeurs boursières… ou du moins ce n’est pas un acheteur. La plupart des autres fonds de pension des Etats-Unis (et du reste du monde) va certainement suivre le même chemin que CalPERS.
"Au Royaume-Uni, les valeurs boursières sont tombées à 41% des détentions à la fin de l’année 2008, selon les données regroupées par Citigroup, basé à New York", déclare Bloomberg News. "La dernière fois que les fonds de pension britanniques ont détenu si peu de valeurs boursières, c’était en 1974"…
Pendant ce temps, enchaîne Bloomberg, "quatre des plus gros fonds de pension du monde… ont réduit leur allocation de valeurs boursières". Par conséquent, on peut supposer que "prudence" va devenir le nouveau mot à la mode dans les bureaux de la plupart des gestionnaires de fonds de pension. Il semble donc peu probable qu’ils fassent preuve de la même exubérance qu’autrefois en ce qui concerne les valeurs boursières.
▪ Les tendances démographiques, tout comme la prudence, vont interdire les allocations en actifs boursiers trop agressives. En Californie, par exemple, la vague de retraite des baby-boomers ne fait que commencer, ce qui signifie que CalPERS doit commencer à favoriser la préservation de capital plutôt que la "croissance à long terme". Idem pour la plupart des autres fonds de pension de la planète.
"Le nombre de personnes à travers le monde qui ont 65 ans et plus pourrait passer à 1,3 milliard d’ici 2040, alors qu’ils étaient 506 millions l’année dernière", annonce Bloomberg. "Leur proportion sur la population totale va doubler pour atteindre les 14% sur la même période, selon un rapport de juin du Bureau de Recensement des Etats-Unis".
"Dans la mesure où la lourde pondération boursière des fonds de pension aux Etats-Unis comprend non seulement LE principal indicateur de long terme, mais une masse monstrueuse de positions boursières latentes, que se passera-t-il si les fonds de pension vendent ?" Voilà ce que votre chroniqueur se demandait dans un article écrit en 2000.
"Aucun administrateur sain d’esprit ne choisirait de vendre les actions, évidemment — pas s’il ou elle souhaite conserver un nid bien confortable. Mais la tendance démographique pourrait lui forcer la main…Il est probable qu’il ne soit pas nécessaire de s’inquiéter de cette menace qui se dessine — du moins pas pour l’instant. Mais quand cette épée de Damoclès sera sur le point de frapper pour de bon, n’oubliez pas : c’est ici que vous l’avez lu en premier".
Ce moment est peut-être arrivé.