▪ "Bon nombre d’emplois perdus aux Etats-Unis ne réapparaîtront jamais", déclare le Wall Street Journal.
Faut-il plus d’explications ? Ces emplois ne sont pas simplement égarés, attendant d’être retrouvés. Ils ne sont pas portés disparus, avant qu’on les rapatrie à la fin des combats. Non, ils sont morts. Eternellement disparus.
On compte 7,2 millions de pertes d’emploi aux Etats-Unis depuis que la récession a commencé. Bon nombre de ces postes étaient nés durant l’Ere de bulle. Des millions d’Américains, par exemple, gagnaient leur vie grâce à "l’immobilier". Ils construisaient des maisons dans les états les plus ensoleillés… ou installaient des plans de travail en marbre… ou bien vendaient, revendaient et finançaient des maisons. Ces emplois ont disparu pour toujours.
Jamais de notre vie nous ne reverrons une telle explosion du secteur financier. Evidemment, les gens construiront encore des maisons… et feront tous les autres travaux liés au secteur immobilier traditionnel. Mais ce ne sera plus qu’une fraction de ce qu’on pouvait constater durant la période 2002-2007.
Il y avait également tous les emplois générés par la vente de choses à des gens qui n’en avaient pas besoin et ne pouvaient pas se les permettre. On avait besoin de main-d’oeuvre à toutes les étapes — fabrication (peut-être en Chine), transport, stockage, vente au détail, service après vente et financement de toutes ces choses.
N’oubliez pas non plus tous les centres commerciaux… tous les camions… et toutes les autres choses qui soutenaient la surconsommation de l’Ere de bulle.
A présent, cette ère est terminée. Elle ne reviendra pas, quelle que soit la quantité de cash et de crédit que les autorités injectent dans le système (non qu’elles ne puissent pas empirer la situation… avec une bulle plus GRANDE… mais on n’en est pas encore là).
▪ Mais la grande nouvelle de la semaine provenait du secteur des services : il est à nouveau en croissance… du moins si l’on en croit les derniers chiffres. Cette nouvelle a tant réjoui les investisseurs qu’ils ont fait tout grimper — les actions, le pétrole, l’or.
Ne vous enthousiasmez pas trop pour la vigueur des services. Tout rebondit… même les emplois morts. Ils rebondissent, mais ils ne se relèvent pas. Après des mois de déclin, il est peut-être vrai que le secteur des services connaît un rebond, mais ne vous attendez pas à le voir récupérer la résistance et la solidité des années de bulle. Quelques personnes supplémentaires ont peut-être obtenu un emploi de serveur dans les bars de Detroit le mois dernier, mais tout ça n’a guère de chances de se transformer en reprise durable du marché de l’emploi.
Durant les années 90, l’économie américaine créait 2,15 millions de nouveaux emplois tous les ans. Il lui fallait en créer 1,5 million environ pour rester au plein emploi — c’est-à-dire avec environ 5% de la main-d’oeuvre au chômage.
Pour remettre les choses en perspective, cette année, l’économie américaine a PERDU 2,5 millions d’emplois rien que durant les six derniers mois. Ces emplois ne reviendront pas. Comme nous le disons sans arrêt, nous sommes dans une dépression. C’est une correction majeure, durant laquelle l’économie doit trouver de nouveaux emplois… parce qu’elle ne peut continuer à faire ce qu’elle faisait auparavant.
D’ordinaire, les nouveaux emplois sont créés par de nouvelles entreprises — des petites entreprises en croissance. Les grandes entreprises ont déjà toutes les parts de marché possibles pour elles. En général, elles ont aussi tous les employés dont elles ont besoin. Lorsque les temps difficiles arrivent, elles réalisent qu’elles n’ont pas besoin de tout ce qu’elles ont, elles réduisent donc leur personnel. Des pertes d’emploi dans les grandes entreprises, c’est ce qu’on attend durant une récession. Cette fois-ci, c’est différent. Cette fois-ci, les grandes entreprises ont licencié des gens par millions. Sauf que les petites entreprises n’embauchent pas. Donc non seulement le chômage grimpe… mais la tendance ne donne pas signe de prendre fin.
▪ Les économistes se sont habitués à un haut niveau de chômage pendant longtemps. Le président du FMI déclare que le chômage pourrait atteindre son sommet d’ici huit à 12 mois. Même si c’était vrai, il faudra du temps avant que le marché de l’emploi ne se remette. Il suffit de faire le calcul.
Nous allons faire simple. Disons que l’économie a besoin de 1,5 million de nouveaux emplois par an. Ces deux dernières années, elle a plutôt perdu 7,5 millions. A présent, elle doit cesser de perdre des emplois — mettons que cela se produira dans un an. D’ici là, le total des emplois perdus pourrait se monter aux alentours des 10 millions. Il y a également les nouveaux emplois dont on avait besoin — mais qu’on n’a pas obtenus — sur cette période de trois ans. Cela fait 4,5 millions de plus. Le total sera donc d’environ 14,5 millions d’emplois perdus. Ensuite, parce que nous sommes d’humeur optimiste et généreuse, imaginons que l’économie recommence à créer des emplois… au rythme des années 90. Holà ! Après cinq ans, l’économie est encore en déficit de 10 millions d’emplois, n’est-ce pas ?
Pour revenir au plein emploi, l’économie doit nous surprendre à la hausse. Elle ne doit pas seulement revenir aux niveaux de croissance des années 90… elle doit les surpasser. Elle doit se développer si rapidement qu’elle crée trois millions d’emplois par an. Même ainsi, il lui faudrait près de 10 ans pour revenir au plein emploi.
Plutôt dur, hein ?
Bah, ne vous inquiétez pas. Ca ne sera pas comme ça. Ce sera pire.