▪ Encore une semaine très difficile sur les marchés… et ce ne sera sans doute pas la dernière. Les fuites de gaz se multiplient, comme le disait Philippe Béchade jeudi. La moindre étincelle pourrait tout faire sauter.
Et il y en a, des sources de chaleur à proximité !
A commencer par le système bancaire, qui craque de toutes parts. Moody’s a dégradé cette semaine plusieurs grandes banques européennes — dont Dexia, de triste renommée… mais aussi quelques banques nordiques, en Suède et en Norvège.
Mais c’est bien entendu au sud qu’il y a urgence, parce qu’on est presque au point de combustion. Comme Eric Fry nous le rappelait il y a quelques jours, « au cours de ces deux dernières années, mus par l’angoisse, les Grecs ont retiré la somme nette de 72 milliards d’euros du système bancaire — soit près d’un tiers du total des dépôts bancaires court terme ».
« Il se murmure même que les retraits se sont accélérés ces derniers jours », continue Eric, « alors que la possibilité ‘inimaginable’ que la Grèce puisse sortir du bloc de l’euro devient de plus en plus imaginable ».
▪ Ailleurs à la périphérie, l’Irlande se fait discrète, de même que le Portugal… mais ne soyez pas dupe du calme qui semble y régner. Là aussi, ça sent la poudre. Explications avec ma collègue Cécile Chevré, de la Quotidienne d’Agora :
« La semaine dernière, c’est l’Espagne qui a dû affronter des rumeurs grandissantes de bank run« , écrivait Cécile lundi. Un milliard d’euros aurait été retiré des banques espagnoles depuis le 6 mai. Depuis, l’Espagne essaie d’éteindre l’incendie en assurant que les retraits ne sont pas si importants que cela ».
« L’International Herald Tribune nous apprend que si l’argent n’a pas forcément quitté ces pays (contrairement à ce qui se passe en Grèce), les déposants ont de plus en plus tendance à privilégier la sécurité en transférant le contenu de leur compte des banques les plus fragiles aux banques réputées plus solides et mieux capitalisées. Des banques comme Santander ou BBVA, qui ont été largement soutenues par la BCE et le gouvernement espagnol, bénéficient ainsi de cette ruée vers la sécurité ».
« De notre côté, nous nous demandons ce qui va se passer quand le réel état de santé des banques espagnoles sera pris en compte. Jusqu’à présent les différents stress tests ont très largement sous-estimé l’ampleur des pertes potentielles et des crédits pourris détenus. Aux dernières — et officielles — nouvelles, 8,37% des crédits détenus par les banques espagnoles appartiennent à la catégorie faisandée ».
« Certes, […] le gouvernement espagnol vient une nouvelle fois de demander aux banques d’augmenter leurs fonds propres pour faire face aux pertes potentielles. Il assure aussi qu’il n’aura pas besoin d’aide extérieure pour sécuriser ses banques. Alors que la plupart d’entre elles devront faire appel à l’Etat pour satisfaire aux nouvelles règles imposées, nous nous permettons d’en douter. Là encore l’intervention de la BCE et de l’Eurozone semblent indispensables ».
« Pour lutter contre le phénomène de bank run, certaines voix s’élèvent pour défendre la création d’un fonds européen de garantie de dépôts. Seulement voilà, comme nous l’apprend le Herald Tribune, les dépôts en Espagne, Italie, Irlande et Portugal (les pays dont le système bancaire est le plus fragile) représentent au total 5 500 milliards d’euros. Soit sept fois plus que le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce que cela veut dire ? Eh bien qu’il faut espérer que nos concitoyens de la Zone euro ne vont pas suivre l’exemple grec et retirer leurs liquidités des banques ».
La contagion, voilà ce qui affole les autorités. L’étincelle qui se propage de poche de gaz en poche de gaz… rendant impossible le travail des pompiers. Et si on ajoute à ça une petite tempête économique pour attiser les flammes… on a de quoi recréer le grand incendie de Londres — à hauteur de marché.
Etes-vous à l’abri, cher lecteur ? Si non, il vous reste encore un peu de temps : rendez-vous le 22 juin.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora