▪ Hier nous étions de passage à Washington DC, à l’ambassade d’Argentine. Des amis de Salta y organisaient une séance de dégustation de vin. Il semblait étrange de voir nos amis argentins — qui vivent dans un coin éloigné du pays — dans la capitale américaine. Mais c’était un plaisir de les voir… et de goûter leurs malbecs de haute altitude, très typés.
Washington a en grande partie échappé à la crise financière. Il y a beaucoup d’argent dans le pays, mais c’est à peine si les gens, en ville, savent quoi que ce soit sur l’économie ou la finance. C’est la politique qui les intéresse. C’est ainsi qu’ils obtiennent l’argent, à l’ancienne — en le prenant à quelqu’un d’autre. Il est donc naturel qu’ils pensent que le monde de l’économie devrait être abordé de la même manière — par la force brute. Commandes, contrôles et planification centrale… c’est la méthode des autorités. C’est l’objet de la politique.
Evidemment, la politique et l’économie sont naturellement ennemis, non amis. Une économie fonctionne de manière optimale lorsque les acheteurs et les vendeurs, les investisseurs et les entrepreneurs, les consommateurs et les producteurs peuvent se rencontrer selon leurs propres termes. Comme l’expliquait Adam Smith, ils veillent tous à leurs propres intérêts… et sont tous guidés, comme par une « main invisible », vers l’issue la plus favorable au groupe. Hayek décrivait cela plus en détails. Les acheteurs et vendeurs fixent librement les prix. Ces derniers sont riches en informations. Ils indiquent aux investisseurs où investir… aux acheteurs où acheter… et aux entrepreneurs où entreprendre.
Plus on intervient dans ce processus, plus la situation est faussée. Les prix artificiels — comme le prix du crédit décidé par les banques centrales — envoient le mauvais signal. Les investisseurs font des erreurs. Des ressources sont mal allouées. Des bulles sont gonflées… puis éclatent.
Mais les autorités ne s’en soucient pas. Ce ne sont pas le bien-être ou la richesse absolus de la population qui les inquiètent, mais la richesse relative. « L’équité », elles appellent ça. Par rapport au reste de la population, les autorités s’enrichissent. C’est équitable, non ?
▪ La question que nous nous posons depuis cinq ans
De quel côté les Etats-Unis (et avec eux le reste de l’Occident) vont-ils aller ? Tokyo ou Buenos Aires ? La déflation… ou l’inflation ? Un ralentissement, long, froid et obscur… ou une explosion brûlante ?
M. le Marché pousse les Etats-Unis vers le Japon. Cela ne fait aucun doute. Après 60 années d’expansion du crédit, nous assistons désormais à une contraction naturelle du crédit. Les ménages et les entreprises remboursent leurs dettes… ou font défaut. Elles gardent leurs liquidités au lieu de les déverser un peu partout.
Les jeunes, par exemple, conduisent moins… et il y a moins de primo-accédants à la propriété. L’utilisation de carburant aux Etats-Unis est en baisse. Idem pour les prix de l’immobilier.
Une partie de la raison pour laquelle les jeunes achètent moins de maisons, c’est qu’ils ne peuvent plus se les permettre. Le Financial Times nous en dit plus :
« Les jeunes dégoûtés des achats immobiliers par le poids de leur dette étudiante ».
Oui, cher lecteur, les autorités ont quasiment imposé des prêts étudiants aux jeunes. Comme des prêteurs subprime de bas étage, les autorités ont offert aux étudiants de l’argent à des taux très bas — qui sont désormais censés doubler.
Evidemment, notre pauvre étudiant pensait qu’il serait en pays de cocagne lorsqu’il aurait fini ses études. Il pensait avoir un emploi qui rapporte !
Aujourd’hui, il a de la chance s’il a un emploi tout court…
Pendant un temps, on aurait dit que l’économie américaine se remettait vraiment. C’est du moins ce que tout le monde disait. Mais M. le Marché a repris ses droits.
En ce qui concerne les prix de l’immobilier, le Financial Times continue :
« Le nombre de primo-accédants a plongé — ils représentaient 37% des achats de logements en 2011, en baisse par rapport à 51% en 2010 — ce qui sape une source traditionnelle de vitalité pour un marché immobilier en difficulté ».
« Des niveaux élevés de dette étudiante, associés à des exigences plus strictes pour les prêts immobiliers et à des salaires en stagnation, forcent les jeunes à retarder l’achat de leur premier logement ».
Existe-t-il une politique qui n’ait pas eu d’effets indésirables ? Pas à notre connaissance. Et la plus grande opération du moment — à part la domination mondiale — est la tentative de détourner l’avion de M. le Marché, en route pour Tokyo, pour le contraindre à atterrir à Buenos Aires.
Les autorités y ont mis tout leur coeur. Dommage qu’elles n’y aient pas aussi mis leur cervelle !
2 commentaires
Cher Bill,
Comme monsieur le Marché, vous avez la mémoire courte et l’indignation sélective. Le minimalisme politique que vous appelez de vos vœux signifie l’absence de règles, la loi de la jungle et comme on dit chez nous, le loup dans la bergerie.
Lisez ou relisez ce qu’écrivait Emile Zola du temps où régnait presque sans partage monsieur le Marché. Ah quelle belle époque ! Les vieux travailleurs, les handicapés et les grands malades ne faisaient pas de vieux os, les pauvres savaient mourir discrètement, les enfants ( des prolétaires) dans les mines poussant les wagons de charbon pour permettre aux jeunes rentiers ( des bourgeois) de faire les beaux dans les allées du bois de Boulogne.
Comme la vie serait belle dans votre monde idéal !
En remarque à Daniel R.,
on n’a jamais vu un Etat régulateur, bureaucratique, hyper-administré, prônant le nivellement par le bas développer durablement l’économie.
Comme, dit Bill, ce sont ces Etats avec leurs règles qui ont mis le monde entier là où il est aujourd’hui.
On préfère subventionner les entreprises qui doivent disparaître et d’empêcher celles qui vaillent la peine de se développer de grandir, en imposant de la bureaucratie.
C’est vrai, il faut l’admettre, c’est tellement plus facile de faire croire au gens que du berceau jusqu’au cercueil, l’Etat-providence s’occupe de tout.