▪ Vous avez entendu parler du mode risk on (appétence des investisseurs pour le risque) ; vous avez entendu parler du mode risk off (aversion des investisseurs pour le risque)… mais avez-vous entendu parler du everything off (les investisseurs vident leur portefeuille) ?
C’est là le mouvement qui semble être sous-jacent en ce moment même. Les investisseurs bradent à bas prix tous les sigles de la Bourse : les actions — américaines ou pas –, les obligations d’Etat, les obligations de société, les métaux précieux, le pétrole brut et pratiquement toutes les autres matières premières.
Naturellement, sur le long terme, les fondamentaux sous-jacents comme la croissance des bénéfices et les rendements des actions commanderont les choix d’investissement de chacun.
Mais sur le court terme, les mers incertaines des gouvernements interventionnistes et du capitalisme de connivence « trop grand pour faire faillite » (too big to fail) peuvent faire chavirer même les plus sûres des stratégies d’investissement.
Certes, les entreprises exceptionnelles resteront exceptionnelles. Mais lorsque les gouvernements fixent de façon active le coût du crédit, tout en sauvant de façon sélective les gouvernements et les entreprises voués à l’échec, la gangrène se répand. Et lorsque la gangrène se répand, les organismes sains doivent lutter pour prendre racine et croître.
En outre, personne ne veut construire quoi que ce soit sur des fondations pourries. Par conséquent, si les investisseurs croient en masse que les fondements qui sous-tendent leurs investissements sont corrompus et pourris, ils chercheront à construire leur richesse ailleurs — soit dans d’autres juridictions soit tout simplement dans d’autres classes d’actifs.
Ils chercheront à construire leur richesse aussi loin que possible des politiques interventionnistes pourries. C’est-à-dire qu’ils rechercheront les plus sûres devises et les actions ou obligations étrangères les plus attirantes et accumuleront des actifs que les gouvernements ne peuvent pas facilement corrompre — comme l’immobilier, les métaux précieux et autres biens physiques.
▪ A votre tour, cher lecteur !
Cette petite introduction nous amène naturellement à la dernière (et très intéressante) idée en date dans nos bureaux. Nous vous demanderons, cher lecteur, votre conception d’un « portefeuille permanent ». Voici le contexte :
Il y a quelques dizaines d’années, un certain Harry Browne a imaginé une stratégie d’investissement qu’il surnomma le « portefeuille permanent ». L’idée était si simple qu’elle en paraissait presque stupide. Pourtant, les années passant, nous avons découvert que cette idée était absolument géniale.
Il suggérait de construire un portefeuille d’investissement à partir de seulement quatre composants : or, obligations, actions et liquidités.
L’idée était qu’à n’importe quel moment, deux ou trois sur ces quatre composants pourraient être sous-performants — mais les autres composants du portefeuille performeraient si bien qu’on obtiendrait un bénéfice global dépassant toute hausse du coût de la vie.
Chose incroyable, cette stratégie simple a offert d’excellents résultats d’investissement. Dans un prochain article, nous vous donnerons plus de détails sur le portefeuille permanent de Browne. En attendant, que pensez-vous de ces questions :
1) L’allocation initiale de Harry Browne est-elle encore idéale au vu de l’environnement macro-économique actuel ?
2) Si ce n’est pas le cas, comment revoir son allocation initiale pour les trente prochaines années ?
4 commentaires
Utilisant moi-même une adaptation de ce modèle, je réponds à votre invitation.
Tout d’abord, un grand bonjour à toute votre équipe que je lis assidument depuis 7 ans!
Comme vous le savez, le portefeuille permanent a trois qualités : robustesse, performance et simplicité.
– La première qualité est naturellement sa forte résistance aux catastrophes grâce à sa répartition complémentaire d’actifs.
Comme un tracker suit son indice, le portefeuille permanent permet de suivre l’évolution économique des sociétés humaines avec ses aléas
tout en ayant la garantie de ne pas tout perdre à un moment donné.
– Sa surperformance vient de l’arbitrage, ou dit autrement, du rééquilibrage à effectuer tous les ans sur le portefeuille :
cela consiste simplement à vendre ce qui est devenu plus cher et à acheter ce qui est devenu plus abordable.
– La troisième qualité est la simplicité :
la méthode est passive, elle part de la valeur donnée par le marché et réagit mécaniquement à celle-ci.
Du coup, l’investisseur ne passe que très peu de temps à sa mise en oeuvre.
1) Votre première question est pertinente car s’il y a un profond déséquilibre sur la valorisation des actifs lors de la constitution du portefeuille,
il faudra beaucoup de temps pour que la surperformance due au rééquilibrage absorbe la moins-value du « droit d’entrée ».
Cependant, ne pas respecter initialement la répartition 25/25/25/25 implique de facto l’abandon de la gestion passive, au profit d’un modèle de décision
discrétionnaire. En d’autres termes : si on a un meilleur modèle que la gestion passive lors de la création du portefeuille, pourquoi ne pas continuer à l’appliquer
pour la suite? Etre cohérent implique de choisir, soit l’un soit l’autre, et de s’y tenir.
A noter aussi, que si une allocation active permet d’améliorer la performance, cela se fait au détriment de la simplicité, et éventuellement aussi de la robustesse,
si cela ne se passe pas comme prévu. La force du modèle est justement de ne rien prévoir!
2) Pour répondre à votre question 2, l’anticipation sur N années va selon moi à l’encontre du modèle qui est réactif au marché et non pas pro-actif.
Il achète et vend en fonction des prix et non pas en fonction de ce qu’ils pourraient devenir.
Cette différence me semble fondamentale et l’anticipation ne me semble donc pas une approche convenable.
Personnellement, j’ai adapté ce modèle en étant dynamique dans l’allocation mais en restant dans une démarche réactive :
pour chaque actif, j’ai défini une valeur minimale et maximale entre lesquelles évolue l’actif.
Ces valeurs extrêmes sont calculées à partir de nombreuses données historiques et correspondent aux valeurs actualisées des moments où le marché fut le plus dépressif ou euphorique.
Elles correspondent donc aux pires et aux meilleures valorisations actualisées.
La formule de Kelly permet alors de définir la pondération de l’actif en fonction de sa position dans le baromètre ainsi créé :
Moins c’est cher et plus on augmente sa position et inversement.
On reste dans la philosophie de Harry Browne qui est d’acheter ce qui a baissé et de vendre ce qui a monté mais les ratios sont cette fois plus agressifs
car on tient compte de leur potentiel de baisse et de hausse.
L’écart de performance entre le portefeuille permanent « d’origine » et le nouveau « modifié » vient alors de l’adéquation existant le modèle théorique du baromètre et les prix réels. S’écarter des ratios 25/25/25/25 crée une forme d’effet de levier.
Encore merci pour votre chronique et excellente continuation!
[…] “portefeuille permanent” offre ce genre de protection depuis plus de trente ans. En 1981, Harry Browne, auteur à […]
[…] parution dans la Chronique Agora le 06/04/2012. AKPC_IDS += […]
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