** Le dollar est passé à 1,42/euro la semaine dernière. Bon nombre de gens — dont Warren Buffett — pensent qu’il représente le talon d’Achille du système financier mondial.
* Selon la légende, Achille a été baigné dans le Styx, ce qui l’a rendu invulnérable. Sauf que sa mère le tenait par le talon — qui n’a donc pas été touché par les eaux magiques. Bien entendu, c’est à cet endroit précisément qu’une flèche empoisonnée l’a touché.
* La morale de l’histoire, c’est qu’il faut aller jusqu’au bout. Si vous voulez que votre nouveau-né soit invulnérable, mettez-le tout entier dans l’eau… talons compris. A moins qu’il n’y a ait une autre morale : on est toujours vulnérable quelque part.
* Pour notre chronique du jour, nous prendrons la deuxième possibilité. Quoi qu’on fasse, on ne peut échapper à tous les risques.
* Partout dans le monde, les prix à la consommation chutent. Le monde a trop de capacité… trop d’usines… et trop de travailleurs — par rapport à la demande actuelle, s’entend. La "bouche du monde" — les Etats-Unis — s’est mise au régime. Et si les Etats-Unis réduisent leur consommation, ça signifie que le reste du monde, en particulier la Chine, doit réduire sa production. Sinon, tout se déséquilibre.
* En dépit des annonces de reprise, les véritables indicateurs de croissance continuent de chuter. Aux Etats-Unis, quasiment un prêt hypothécaire sur 10 est en souffrance. Le taux de saisies grimpe à son rythme le plus rapide des 30 dernières années. Les demandes d’indemnisation chômage augmentent elles aussi.
* Pour le Financial Times, le lien est clair : "le chômage croissant nourrit la crise immobilière américaine".
* Dans l’économie réelle, les gens réduisent leurs dépenses… avec les inévitables conséquences que nous examinons tous les jours dans la Chronique Agora. L’un des principaux effets de cette réduction de la demande est un excès d’offre. Les usines construites en Chine pour fournir des produits aux Etats-Unis durant les années de bulle découvrent à présent qu’elles n’ont plus de marché.
* Actuellement, la surcapacité et l’excès d’offre causent une chute des prix. La baisse des prix entraîne une hausse de la valeur des devises. Chaque unité de "monnaie" achète plus de choses. Mais il y a beaucoup de devises en concurrence, et elles ne grimpent pas et ne baissent pas ensemble. Certaines devises subissent plus la déflation que d’autres.
* Bien entendu, le dollar est la principale devise de la planète. En un certain sens, l’économie mondiale tout entière est à sa botte. Mais c’est une botte dont le talon n’a jamais été trempé dans le Styx. C’est un talon qui n’attend plus qu’une flèche.
* PIMCO est le plus grand gestionnaire de fonds obligataires au monde. Selon lui, le billet vert va perdre son statut et sa valeur.
* "Les investisseurs devraient réfléchir à la possibilité de tirer parti de toute période de vigueur du dollar américain pour diversifier leur exposition à la devise", déclare son rapport Emerging Markets Watch. "Les quantités colossales de liquidités en dollars américains produites en réponse à la crise" condamnent la devise. Tant la Chine que la Russie appellent à une nouvelle devise mondiale pour remplacer le dollar.
* "Nous n’avons pas encore atteint le point où apparaît une nouvelle devise de réserve mondiale, mais nous n’en voyons pas moins clairement une perte de statut pour le dollar américain en tant que réserve de valeur, même en l’absence d’une alternative visible", continue le rapport de PIMCO.
* Pendant ce temps, notre vieil ami Jim Rogers déclare qu’il sort tous ses actifs du dollar et achète des yuans. Et Warren Buffett prévenait la semaine dernière dans le New York Times que les "émissions de billets verts" menacent le système économique mondial tout entier.
* Mais qu’est-ce que cela signifie ? Si les prix chutent d’une manière générale, le dollar se renforce, non ? Et si certaines autres devises deviennent encore plus fortes ? Quelles sont les menaces ? Quelles sont les opportunités ?
[NDLR : Sur ce dernier point, nous avons notre petite idée — et elle a déjà rapporté des gains de 551,90 euros… 463,20 euros… 314,50 euros… 508,30 euros… entre autres ! Mettez-la au service de votre portefeuille sans plus attendre !]
** Le problème avec le talon d’Achille, c’est qu’il est lié au tendon d’Achille… lequel est connecté aux muscles de la jambe… qui font avancer l’ensemble de la machine. Coupez le tendon d’Achille et les pieds partent dans tous les sens, on ne va plus nulle part.
* On apprenait la semaine dernière que le déficit américain 2008 pourrait être plus bas que prévu. Au lieu d’emprunter 1 800 milliards de dollars comme prévu, les autorités américaines pourraient n’emprunter que 1 580 milliards. Ce qui les laisse tout de même dans le rouge de 680 milliards de dollars — même si chaque dollar du déficit commercial et chaque dollar d’épargne nationale étaient versés dans le trou. Mais c’est un pas dans la bonne direction ! Le fossé doit être comblé par l’assouplissement quantitatif — c’est-à-dire par de l’argent provenant de la planche à billets. Les détenteurs d’anciens dollars ne pourront que se demander dans quelle mesure leur épargne sera affaiblie par l’ajout d’une telle quantité de nouveaux billets verts.
* Ils se demanderont probablement aussi combien ces bons du Trésor américain vaudront une fois que l’inflation monétaire les aura rattrapés. En fait, ils finiront sans doute par y réfléchir à deux fois avant d’en acheter de nouveaux… ils pourraient même vouloir vendre ceux qu’ils possèdent déjà. Dans un sens comme dans l’autre, ça pourrait créer un vilain tourbillon financier aspirant toute l’économie mondiale. A mesure que les investisseurs rejettent les titres en dollars américains, la Fed pourrait se retrouver forcée d’imprimer plus de billets pour les racheter elle-même. Et plus la Fed en rachète, plus les investisseurs privés craindraient de voir cette inflation monétaire se muer en inflation des prix à la consommation ; ils pourraient paniquer et se débarrasser de tous les actifs libellés en dollars.
* Mais si les investisseurs se débarrassent du dollar, que prendront-ils à la place ? Le pétrole… peut-être. Il se vend aux environs de 72 $ le baril, alors même que le monde vit une crise majeure. Qu’est-ce qui le rend si cher, sinon la crainte que la devise dans laquelle il est coté soit plus glissante que l’or noir lui-même ? Et l’or jaune ? Il a perdu du terrain la semaine dernière. Mais il est toujours à plus de 900 $ — non loin de son sommet historique. Alors que l’inflation des prix à la consommation baisse ! Aux Etats-Unis, les prix à l’exportation non-pétroliers chutent au taux de 5%. Si les gens achètent de l’or comme couverture contre l’inflation, c’est qu’ils savent quelque chose que nous ignorons. Les prix à la consommation chutent… l’IPC lui-même est négatif dans de nombreux pays. Otez l’effet de spéculation sur le pétrole et les matières premières, et la déflation est probablement un fait accepté quasiment partout. Les acheteurs d’or ne se couvrent pas contre une augmentation du prix du pain, en d’autres termes ; ils se protègent contre une flèche empoisonnée dirigée contre le dollar lui-même.