Oui, cher lecteur, il faut bien vous l’avouer, mes capacités d’analyse et de résolution des difficultés du moment font bien pâle figure en regard des stupéfiantes fulgurances des marchés.
Cela fait des jours et même des semaines que je glane des éléments d’information (souvent sous forme de discrets entrefilets dans la presse économique) plutôt inquiétants concernant le Portugal et l’Espagne. Des chiffres et des déclarations qui me rappellent furieusement ce qui filtrait au sujet de la Grèce à l’automne 2009, avant que les marchés ne s’emparent du sujet pour le transformer en crise de la dette souveraine dès janvier 2010.
Mais je m’inquiétais pour rien car la solution était tellement évidente (aveuglante même !) que je ne la détectais pas. Heureusement, les marchés, dans leur incommensurable clairvoyance ont déjà acté un futur radieux grâce à la mise en place de nouveaux plans de sauvetage à l’initiative du FMI.
L’Irlande, le Portugal, l’Italie pourraient avoir besoin d’une aide d’urgence. Qu’à cela ne tienne, il suffit, selon Christine Lagarde, de renforcer la capacité d’intervention du FESF et du MES (à 500 milliards d’euros en combinant les deux) et de doubler d’un claquement de doigts les fonds propres du FMI.
▪ Une solution simple pour sauver l’Irlande, le Portugal et l’Italie
Nous parlons de 1 000 malheureux petits milliards de dollars qui permettront de faire face sans angoisse à une nouvelle restructuration de la dette irlandaise (on y vient)… à un nouveau plan d’urgence en faveur du Portugal (mais promis juré, seule la Grèce pouvait en bénéficier)… ainsi qu’aux besoins massifs de refinancement de l’Italie ou des banques espagnoles.
Comment avons-nous pu occulter dans nos raisonnements la mise en oeuvre d’une solution à 1 000 milliards de dollars aussi simple qu’efficace ?
Eh bien tout simplement parce que nous étions obnubilé par cette question qui nous apparaît aujourd’hui d’une insondable stupidité : « d’où va-t-on sortir tout ce pognon » ?
En écoutant Christine Lagarde, nous avons eu la réponse, là encore d’une logique si implacable qu’elle nous avait échappé : « tout le monde doit y participer ».
Et ce « tout le monde » — à part la Chine et quelques pays producteurs de pétrole gorgés d’excédents — recouvre des pays qui sont pour la plupart insolvables et croulent sous les déficits, à commencer par le premier contributeur du FMI, à savoir les Etats-Unis.
Même l’Allemagne affiche un endettement comparable à celui de la France et des déficits qui n’ont rien à lui envier une fois réintroduits celui des Länders, habilement camouflés dans une comptabilité nationale à deux vitesses.
Sans le trou de la Sécurité sociale, les pertes chroniques de Réseau ferré de France, le soutien à la Corse et aux D.O.M-T.O.M., notre beau pays pourrait soutenir la comparaison avec son voisin germanique.
Et si les Etats-Unis ré-introduisaient les dépenses sociales non-provisionnées dans le calcul de leur budget, un constat de faillite à la grecque (avec déficit à 160% du PIB) serait prononcé dans l’heure.
▪ Les Etats-Unis, bientôt en cessation de paiement ?
L’agence de notation chinoise Dagong n’a pas manqué d’en tenir compte dans sa notation « A+ » mais qui tendrait vers « BBB » si le plafond de la dette américain devait être gelé comme le réclament les républicains et leurs alliés du Tea Party.
Si Barack Obama ne s’y opposait pas, l’Amérique serait en cessation de paiement avant le début du mois de mars. L’agence Dagong se montre peut-être bien généreuse en accordant aux bons du Trésor américain une meilleure note que S&P s’agissant des emprunts d’Etat italiens.
Mais tous les problèmes de dettes seront résolus par encore plus de dettes contractées par des pays au bord de la banqueroute pour venir en aide à ceux qui sont déjà en faillite… et le marché y croit !
▪ Un mot magique qui fait bondir le CAC 40
Beaucoup d’observateurs sont restés perplexes ce lundi devant une envolée de 12 points du CAC 40 en quelques secondes lorsque le mot Eurobonds fut prononcé par Mme Lagarde lors de son discours de voeux retransmis en direct depuis Berlin.
Cela s’est produit ce lundi à 12h15 : dès qu’a retenti ce mot magique, le CAC 40 a bondi de 3 340 vers 3 352 points avant de reperdre 10 points dans les 30 secondes qui ont suivi.
Cela prouve l’extrême automatisation des échanges — les vendeurs et les acheteurs se retirant du marché en quelques nanosecondes — et l’adossement de certains programmes de trading à des logiciels d’interprétation lexicale.
Plus besoins de réfléchir, les ordinateurs pensent pour nous. Peu importe que cela n’ait aucune concordance avec le monde réel puisque rien ne surpasse la capacité des robots à construire et entretenir artificiellement des tendances boursières sur de l’extrapolation numérique.
Les indices américains ont terminé cette première séance du terme de février sans direction, à l’issue d’une seconde partie de séance soporifique avec une volatilité placée strictement sous contrôle.
Le Dow Jones a clôturé en repli de 0,09%, non sans avoir inscrit un nouveau record annuel à 12 765 points après 20 minutes de cotation. Le S&P grappillait quant à lui encore 0,05%, après 0,07% vendredi.
Ce genre de hausse peut paraître dérisoire, mais du point de vue de la gestion algorithmique, c’est la sauvegarde de la tendance haussière qui est assurée.
La moindre consolidation risque de fragiliser la tendance car les oscillateurs techniques sont extrêmement tendus après 17 à 18 séances de hausses sur une série de 22.
L’environnement boursier n’a évidemment pas été favorable… Cinq séances sur six depuis le 19 décembre dernier et il faut développer des trésors d’ingéniosité pour gommer toutes les aspérités et empêcher les oscillateurs techniques de se retourner à la baisse.
▪ Tout pour faire reculer le VIX
Il apparaît clairement que la stratégie poursuivie consiste à contrôler la volatilité et à faire reculer le VIX. Beaucoup de gérants se fient à son repli pour prendre plus de risques et rester acheteurs — et un niveau inférieur à 20 est considéré comme très sécurisant.
Le VIX fait l’objet d’intenses manipulations afin d’afficher un niveau de confiance bien supérieur à ce que la situation exige. Mais cela relève du même genre de naïveté que celui affiché par les marchés lorsqu’ils font comme si FMI et le MES vont lever 1 000 milliards de dollars — tout simplement parce que Mme Lagarde affirme que la constitution d’un pare-feu plus efficace serait d’un grand secours.
Mais pourquoi diantre les Européens n’y avaient-ils pas pensé plus tôt ?
Auraient-ils fait preuve au départ de la même lenteur d’esprit que moi ?
2 commentaires
Et oui M. Bechade, Les marchés financiers ont emprunté aux avions leurs fameuses « commandes de vol électriques », Vous savez celle dont Monsieur Ziegler a été l’instigateur pour les nouvelles générations d’Airbus, cela fait déjà pas mal de temps et cette technique a fait florès, tous les avion modernes en sont équipés. Hélas cela a eu comme effet non désirable de réduire au fil du temps le nombre d’heures en simulateur consacré au pilotage manuel en situation critique, surtout auprès des compagnies qui cherchent à faire des économies. Rattraper le décrochage d’un Jet (comme celui du Rio/Paris) n’est plus nécessaire puisque cela ne peut plus arriver, les ordinateurs de bord étant précisément là pour l’éviter! Vous voyez, vous vous inquiétez pour rien, les ordinateurs et leurs algorithmes sont là pour éviter que la finance ne plonge dans l’océan (de dettes).
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme…
[…] Les marchés se sont fait plaisir lundi avec les 1 000 milliards de dollars surgissant de nulle part évoqués par Christine Lagarde dans le cadre d’un plan de soutien […]