▪ Paul le Poulpe a-t-il laissé une descendance ? Nous parlons d’une descendance dotée d’une capacité divinatoire infaillible et trans-générationnelle. Certains intervenants sur les marchés ont-ils récupéré un des rejetons surdoués du héros de la Coupe du Monde ?
Ceux qui ont payé (puis surpayé) avec une singulière détermination les actions en Europe lundi — en l’absence de catalyseur incontestable — ont manifestement fait preuve d’une « prescience » remarquable.
Il fallait en effet être particulièrement convaincu que les indices boursiers disposaient encore d’un potentiel de hausse substantiel pour ramasser, malgré un manque criant de volumes, les valeurs du CAC 40 qui prenaient plus de 5% en moyenne lundi.
Pour rajouter encore 5% mardi et mercredi (soit 10% cumulé en trois jours), quelle fabuleuse hypothèse de gain motivait de nouveau les acheteurs mercredi puis jeudi ?
▪ Le CAC 40 est en effet parvenu à se hisser hier matin vers 3 165 points. Ce score a lieu alors que la France parvenait à boucler son programme annuel de refinancement via une émission d’OAT bien accueillie — et où le rendement des OAT ressortaient par ailleurs en léger repli par rapport à la précédente adjudication de début novembre (de même maturité 2021).
Le spread (ou écart de taux) avec l’Allemagne s’est nettement resserré — à moins de 80 points de base. Les Bunds continuent de subir des dégagements liés à la fois à un arbitrage en faveur des actifs plus risqués et à une méfiance vis-à-vis des perspectives économiques germaniques.
▪ Une Allemagne qui pourrait pâtir de sa dépendance envers ses exportations à destination de la Chine. Pékin publiait en effet jeudi matin le premier indice (PMI manufacturier) trahissant un fléchissement de la production industrielle ; voici une preuve que « l’usine du monde » n’échappe pas aux cycles économiques et subit l’impact du ralentissement de la croissance en Occident.
Ce n’est pas une de ces affirmation brevetée par le clan des pessimistes irréductibles qui prédisent une décennie « à la japonaise » pour l’Occident. Standard & Poor’s affirme que la Zone euro est au bord de la récession — si elle n’y succombe pas déjà !
Un diagnostic qu’entérine malheureusement la publication d’un indice PMI manufacturier dans l’Eurozone au plus bas depuis juillet 2009.
▪ En France, l’indice des acheteurs PMI de Markit s’est lui aussi inscrit bien en dessous du seuil technique médian des 50 points. Cela signale une nette contraction de l’activité pour le quatrième mois consécutif – souvenons-nous de la chute des ventes d’automobiles au mois d’octobre.
Les marchés s’attendent naturellement à ce que le FMI emboîte le pas de l’OCDE en abaissant tout prochainement ses estimations de croissance pour 2012.
▪ Nicolas Sarkozy n’a pas manqué d’évoquer la nécessité de soutenir la croissance lors du discours qu’il a prononcé jeudi soir depuis Toulon — « car la France ne saurait faire face au remboursement de ses dettes sans cela », a-t-il affirmé.
Mais d’où cette croissance proviendra-t-elle ? Le président ne s’est guère étendu sur le sujet.
Il a défendu le choix du nucléaire pour l’indépendance énergétique de la France et le « travailler plus » plutôt que « le gagner moins ».
Autrement dit, il faut désormais travailler plus et plus longtemps pour espérer seulement pouvoir gagner autant.
Et comme il évoquait des conditions d’existence qui ont profondément changé depuis l’après-Deuxième guerre mondiale, tout le monde comprend bien que vivre plus longtemps coûte davantage et que se soigner deviendra de plus en plus cher.
Le « gagner autant » se trouvera donc amputé du « se soigner plus cher »… sans parler de la disparition de nombreuses niches fiscales qui n’ont pas fait la preuve de leur utilité économique aux yeux de Bercy.
Comment le secteur du logement va-t-il digérer la disparition du Scellier sans aucune mesure de soutien en faveur de l’immobilier à l’échelon communal ou national ? Là encore, nous sommes tenté de nous tourner vers les descendants de Paul le Poulpe.
M. Sarkozy a également confirmé le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite… et concomitamment de nouvelles actions en faveur de l’emploi.
D’un côté, c’est du concret, de l’autre de vagues espoirs de trouver de nouvelles solutions avec la coopération des partenaires sociaux. Mais quels moyens pour réduire le chômage ? Tous les gouvernements précédents n’ont-ils pas essayé ? A part effacer des statistiques officielles les femmes au chômage mais élevant un enfant (ce qui leur ouvre le droit à certaines aides sociales) comme cela se pratique au Japon et en Allemagne, et jusqu’à une date récente en Angleterre, nous ne voyons pas comment résorber le chiffre.
Les marchés n’ont guère réagi au discours de Toulon en transactions hors séance. Ils ont repris de la hauteur un quart d’heure plus tard, lorsque Wall Street, dupliquant une fois de plus le scénario graphique des indices européens, effaçait ses 0,5% de repli matinal pour repasser positif à l’heure du déjeuner.
▪ Les indices américains ont fini stables en faisant la moyenne du Nasdaq (+0,22%) et du S&P (-0,19%). Le Dow Jones s’est effrité de 0,21%, ce qui lui permet de tenir au-dessus des 12 000 points.
Pour l’heure, les indices US font une performance zéro sur l’année. Le Dow Jones et le Nasdaq 100 affichent 4% en moyenne, le S&P et le Composite sont en repli de 1%. Un handicap qu’ils pourraient effacer dès aujourd’hui si les statistiques de l’emploi ressortaient à la hauteur des espérances qu’avait fait naître mercredi l’enquête d’ADP. Cette dernière aurait dénombré 205 000 nouveaux emplois dans le secteur privé.
Mais il faudra relativiser les éventuels bons chiffres. En effet, le mois de novembre reste année après année celui des grandes vagues d’embauche de salariés temporaires dans le secteur de la distribution, qui recrute en masse pour la période de Thanksgiving et de Noël.
Au-delà des statistiques attendues ce vendredi, nous continuons de nous demander combien de temps les marchés vont mettre pour réaliser que l’aubaine de mercredi n’est que le reflet d’une mesure d’urgence absolue. Elle était destinée à éviter la répétition d’un désastre systémique lié à la situation de cessation de paiement imminente d’un (ou plusieurs… les rumeurs divergent sur ce point) établissements bancaires européens incapables de se procurer du dollar auprès de leurs contreparties américaines.
Si la Fed a soudain décidé de déverser des flots de dollars par hélicoptère sur le système financier, cela devrait surtout nous évoquer les images de ces hélicoptères japonais déversant à la désespérée quelques milliers de litres d’eau sur les réacteurs éventrés de Fukushima.
Cela rassure le grand public mais c’est totalement inefficace si les barres de combustibles ont commencé à fusionner. Il y a fort à parier que le taux de radioactivité autour des dettes souveraines des PIIGS (toutes affichent plus de 6,5 sur nos compteurs Geiger) soit déjà devenu mortel pour les marchés financiers.