Par Isabelle Mouilleseaux (*)
A l’automne dernier…
Extraordinaire… A l’automne dernier et jusqu’en début d’année, nous vivions un cauchemar en Bourse. Partout, sur toutes les ondes, dans tous les journaux, la dépression et la déflation faisaient les gros titres. Allons-nous revivre 1929 ? La question était sur toutes les lèvres et hantait les nuits des grands argentiers et responsables nationaux de la planète, tant la crise semblait profonde. Le système financier international a failli imploser et le décrochage des indicateurs économiques a été d’une violence et d’une rapidité inouïes.
Quelques semaines plus tard…
Les marchés actions ont repris quelque 40%, ceux des matières premières 50%. Les investisseurs voient la vie en rose et parient à nouveau sur des actifs risqués. Enfin, banquiers centraux et ministres des Finances nous chantent en boucle le retour tant attendu de la croissance pour fin 2009, milieu 2010. Dopés au valium ? Non.
Alors pourquoi cette soudaine volte-face ?
Imaginez qu’on inonde de billets votre porte-monnaie désespérément vide ; forcément vous retrouvez le sourire. Nous avons eu droit à l’artillerie lourde : des plans de relance nationaux colossaux (6% du PIB aux Etats-Unis !) qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars ; des banquiers centraux qui ramènent les taux directeurs à des niveaux historiquement bas pour injecter massivement de l’argent dans le système ; des masses monétaires qui s’emballent et des planches à billets en surchauffe…
A coups de centaines de milliards de dollars, les soucis ont fini par s’évaporer, Wall Street a retrouvé le sourire et les actifs toxiques ont été nettoyés. Alors, il ne faut pas s’étonner de voir les indices de confiance en l’avenir se redresser. La crise ne sera plus bientôt qu’un mauvais souvenir, nous explique-t-on…
Ne serions-nous pas tous anesthésiés par "l’effet magique" des plans de relance ? Pourquoi personne ne se pose-t-il la question de savoir ce qui se passera lorsque tout cet argent injecté aura été absorbé et digéré par le système ? A quoi allons-nous carburer ? Panne sèche ?
Impossible de doubler la mise, vous en conviendrez
Les niveaux des déficits budgétaires des nations sont explosifs. Les optimistes vous diront que d’ici là le moteur qui fait tourner l’économie sera réamorcé et prendra la relève pour tirer l’activité vers le haut. Et si ce n’était pas le cas ? Alors, le rebond magique auquel nous assistons actuellement n’aura été qu’illusion.
Force est de constater que le mécanisme de la pompe est pour l’instant franchement grippé. Pour la réamorcer, il faudrait que la consommation américaine redémarre effectivement.
La consommation américaine est au coeur du système
La consommation américaine est vitale car elle assure 70% de la croissance américaine. Sans elle, pas de croissance viable. Elle fait aussi tourner les ateliers chinois via les importations. Lorsque les ateliers chinois tourneront, les exportations de l’Allemagne – fournisseurs officiel de machines-outils – et sa production industrielle afférente, repartiront — tout comme les exportations japonaises et les pays "matières premières". Ce qui relancera le commerce intra-européen (30% du PIB de la Zone euro est créé par l’Allemagne), à commencer par le commerce avec la France, principal partenaire de l’Allemagne, et ainsi de suite.
Oui, mais voilà…
Les ménages américains sont endettés jusqu’au cou et le chômage frappe dans des proportions considérables. Et il devrait persister. Nos amis étant cigales et leur taux d’épargne insignifiant, ils sont trop souvent pris à la gorge avec leurs échéances. Comble de malheur, leur portefeuille boursier est au plus mal et leur maison, qui a perdu 50% de a valeur, aurait bien du mal à trouver preneur. Les retraités ne sont pas mieux lotis : les économies d’une vie parties en fumée. Et ce qu’on ne leur à pas encore dit, c’est qu’il faudra payer les frasques des plans de relance à coups de taxes qui réduiront un peu plus encore leur pouvoir d’achat d’ici quelques mois.
Alors avant de se ruer dans les boutiques pour dépenser sans compter et relancer la croissance planétaire, les Américains devront se désendetter… Ca peut prendre du temps.
Il va falloir être patient
Quant au violent phénomène de déstockage auquel nous avons assisté, il serait fini, nous dit-on. Place donc au restockage qui va permettre de produire et de faire tourner les usines à l’arrêt. Certes. Encore faut-il qu’il y ait preneur. On en revient à notre consommateur final, celui qu’on licencie massivement mais dont on attend des miracles. Pas de consommation, pas de commandes, pas de ventes, pas de production, pas d’embauches, pas de croissance…
Méfiez-vous du rebond magique orchestré par nos grands illusionnistes. En économie, les miracles sont rares. Scrutez plutôt l’évolution des ventes de détails et des dépenses de consommation une fois l’argent facile disparu… L’avenir est là.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.