▪ Comme le dit le proverbe, « le moins est un plus ».
Par conséquent, une solution à la crise de l’euro — et au malaise économique ressenti aux Etats-Unis — est celle que personne ne semble envisager : une douce insouciance.
Ne rien faire du tout pourrait être la meilleure chose à faire, comme le suggère Jim Grant dans un récent numéro du Grant’s Interest Rate Observer. « L’inaction constructive » est le terme qu’il utilise pour décrire la réponse du gouvernement — ou plutôt sa non-réponse — à la contraction économique de 1920.
« Il y a 90 ans », explique Grant, « au beau milieu d’une crise beaucoup plus forte que notre Grande récession, le gouvernement a fait quelque chose qui aujourd’hui serait inimaginable ».
C’est-à-dire rien.
« Le gouvernement américain — l’administration Wilson jusqu’en mars 1921, puis l’administration Harding — a répondu à l’urgence en l’évitant », raconte Grant. « Pour la plupart des décideurs de l’époque, il ne s’agissait pas, en effet, d’une ‘urgence’ mais des épreuves du cycle économique, désagréables certes, mais inévitables ».
Il est important de noter que le gouvernement de 1920-21 a décidé de ne pas intervenir, non parce qu’il ne savait pas que faire mais parce qu’il savait ce qu’il ne fallait pas faire. Les administrations de Wilson et de Harding se sont tenues à l’écart parce qu’elles faisaient confiance aux forces du marché pour résoudre la crise plus efficacement que ne l’aurait fait le gouvernement.
« Les forces du marché n’ont pas échoué en 1920-21 », observe Grant. « Elles étaient quasiment les seules forces en jeu… La Réserve fédérale en 1919 fêtait ses cinq ans d’existence et à cette époque le monde assisté de la finance — ‘too big to fail‘, TARP, TALF, etc. — n’était non seulement pas né, mais encore moins imaginé ».
Anticipant la forte récession de 1920-21, le Ben Bernanke de l’époque, Benjamin Strong, gouverneur de la Federal Reserve Bank of New York, déclara ceci en 1919 :
« [Il y aura] un fort taux de chômage mais qui ne durera pas très longtemps et… au bout d’un an ou deux de désagréments, d’embarras, de pertes, de troubles causés par le chômage, nous nous en sortirons avec une situation financière pratiquement invincible, des prix plus proches des niveaux concurrentiels des autres pays, et nous serons capables d’exercer une influence étendue et importante pour rétablir des conditions normales et vivables pour le monde ».
Par conséquent, dans l’anticipation à la fois d’une récession imminente et forte mais également d’une reprise rapide et éclatante qui rétablirait des conditions normales et vivables pour le monde, Strong ne proposa ni plan de sauvetage ni « mesures de relance » pour modifier le cours naturel de l’économie.
Il s’est contenté d’observer. Et tandis qu’il observait, il a vu ses prévisions confirmées. L’économie s’est effectivement contractée, très violemment. Mais peu après, elle a connu une formidable reprise. Le tout a duré moins de deux ans.
« On peut affirmer sans exagérer que la crise a pris fin », souligne Grant, « et que dans les années qui ont suivi 1921, le marché du travail a connu un rebond spectaculaire ; les républicains au pouvoir le sont restés jusqu’à ce que Herbert Hoover décide d’agir lors de la Grande dépression, non pas à travers l’inaction, mais à travers une intervention offensive ».
▪ Mais l’inaction constructive ne figure même pas comme sujet de discussion parmi les membres du G20. Aujourd’hui, la discussion porte uniquement sur l’action destructive. Au nom d’une « stabilisation du système », le G20 souhaite brûler des centaines de milliards de dollars des contribuables dans une sorte de bûcher funéraire économique.
« Les leçons supposément tirées de la Grande dépression, telles qu’interprétées par l’ancien professeur d’économie à Princeton qui dirige aujourd’hui le destin du pays à la barre de la Réserve fédérale, représentent la lumière qui guide les décideurs d’aujourd’hui », explique Grant. « Intervenir tôt et souvent… faire marcher la planche à billets, augmenter la dette fédérale, tailler dans les taux d’intérêt, étendre les allocations chômage et adoucir la douleur des saisies »…
En conséquence, les leaders de l’Union européenne et du FMI prévoient de « sauver le système » en donnant de l’argent aux gouvernements qui ont sottement trop dépensé et aux banques qui ont stupidement investi. Pourquoi s’échiner à sauver un tel système ?
Le système qui vaut la peine d’être sauvé n’est pas celui qui récompense l’incompétence et la prise de risque imprudente. Le système qui vaut la peine d’être sauvé est celui qui récompense la prudence. C’est là le même système qui permet aux investissements en faillite de faire faillite… et qui sépare les imbéciles de leur argent.
Le système qui vaut la peine d’être sauvé n’est pas celui qui tente de camoufler par une couche de peinture verte le bois mort et qui le qualifie de « sain ». Le système qui vaut la peine d’être sauvé est celui qui respecte le pouvoir des forces du marché — qui permet au bois mort de pourrir et de se décomposer sur place, pour qu’il puisse ainsi fertiliser la génération suivante d’entreprises productives.
La Grèce finira par faire faillite. Pourquoi ne pas laisser cela arriver ? Et si l’euro échoue, il échoue. Pourquoi ne pas laisser aussi cela arriver ?
Les grands décideurs de l’Union européenne aimeraient stopper la crise. Ce n’est pas possible. Ces gens devraient plutôt cesser de discourir devant leur miroir. Ils oublient que les images qu’ils ont sous les yeux sont inversées. La gauche est en fait la droite et la droite est la gauche. Les plans de sauvetage sont en fait des plans de faillite. La faillite est en vérité la première partie de tout sauvetage durable.