** Le film "La Tempête du Siècle" (A Perfect Storm, "Une Tempête Parfaite", en anglais) raconte les événements qui se sont produits durant un violent orage dans l’océan Atlantique, en 1991. Cet ouragan était le produit de phénomènes météorologiques uniques en leur genre, qui se sont combinés pour créer une tempête littéralement monstrueuse. Le succès du film a contribué à forger une nouvelle expression dans le vocabulaire anglo-saxon : une "tempête parfaite" décrit une combinaison d’événements qui, pris isolément, auraient produit un effet bien moins considérable.
– Et cette idée d’une "tempête parfaite" me revient lorsque je pense aux besoins mondiaux en termes de réseaux électriques.
– Des pannes de courant majeures se produisent déjà environ tous les quatre mois en moyenne aux Etats-Unis — et je ne parle là que des pannes affectant un demi-million de foyers au minimum. Bien entendu, des coupures de courant se produisent dans le monde entier ; si les USA étaient les seuls à en souffrir, les infrastructures électriques ne seraient pas un thème d’investissement très convaincant. Mais le boom naissant de la construction et de la rénovation des infrastructures électriques est un phénomène mondial. Et bien entendu, la Chine joue un rôle important.
– J’ai récemment lu un ouvrage fascinant, intitulé From Wall Street to the Great Wall ["De Wall Street à la Grande Muraille", ndlr.], qui nous en dit un peu plus sur le sujet. En Chine, notent les auteurs, "les coupures de courant électrique sont chroniques… les pannes sont fréquentes, et l’industrie en est directement affectée".
– Les auteurs citent ensuite un article du journal The Guardian : "La Chine est dans la plus grande frénésie de construction de centrales électriques que le monde ait jamais vue". Les barrages hydroélectriques, les générateurs alimentés au charbon et les installations nucléaires poussent comme des champignons dans l’ensemble du pays. "Tous les deux ans, on ajoute l’équivalent de la production électrique britannique toute entière à la capacité du réseau [chinois]".
– En réalité, l’électricité n’est qu’une partie d’une opportunité d’investissement considérable. L’infrastructure mondiale doit couvrir toute la gamme — de la génération d’électricité à sa transmission, en passant par les réseaux de télécommunication et de distribution d’eau. Nous parlons là d’un boom de long terme majeur, concernant toutes les facettes de la construction et de la rénovation des infrastructures.
– L’Inde, que l’on associe souvent à la Chine dans ce genre d’histoire, a ses propres problèmes d’infrastructures. "La capitale du pays est affligée d’aéroports trop petits, de routes peu carrossables et de coupures de courant fréquentes qui rappellent les jours les plus sombres (souvent littéralement) de l’ouverture économique de la Chine", note le Wall Street Journal
** Le développement des infrastructures en Chine et en Inde fait peut-être les gros titres, mais des tendances similaires se dessinent également dans des marchés émergents plus modestes. Prenez le continent africain, par exemple.
– On raconte une vieille plaisanterie dans de nombreuses régions d’Afrique. Question : "comment faisions-nous avant d’avoir des bougies ?". Réponse : "on avait l’électricité". La guerre, une mauvaise gestion et des années de sous-investissement ont réduit l’infrastructure à néant sur une bonne partie du continent. Et alors que l’infrastructure s’effrite, la population a triplé depuis les années 60.
– Mais les investissements reviennent peu à peu en Afrique. Le fleuve Congo, par exemple, est prometteur. Si on le "mettait au travail", il pourrait générer plus de 40 000 mégawatts d’électricité. C’est plus que ce que produit toute l’Afrique du Sud aujourd’hui. Avec une centrale électrique en bon état et un réseau moderne, le fleuve Congo pourrait satisfaire une grande partie des besoins de l’Afrique en électricité, pendant longtemps.
– Le Congo — le pays — est assez représentatif de l’Afrique. A Inga, au Congo, se trouvent deux centrales hydroélectriques. La plus moderne a huit turbines. Cependant, après des années de négligence, seules trois d’entre elles marchent. Cependant, les lumières commencent à se rallumer en Afrique, en partie grâce à un investisseur plutôt surprenant : la Chine.
– La Chine a un appétit croissant pour les ressources naturelles ; par conséquent, elle s’intéresse de près au continent africain. Les Chinois ont déjà engagé 10 milliards de dollars pour financer divers projets d’infrastructure. Ils ont construit des routes, des ports, des chemins de fer, etc. en Afrique. Leur approche est pragmatique.
– Et même lorsque l’argent ne provient pas de la Chine, de la Banque mondiale ou d’autres sources étrangères, il est investi en interne. En Afrique du Sud, par exemple, l’investissement dans les infrastructures est une priorité absolue. Le gouvernement prévoit de dépenser 49 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, pour mettre en place des routes, des ports et des centrales électriques.
– Je ne vous donne là qu’un très bref aperçu de la situation en Afrique. Je pourrais vous parler de choses similaires au Moyen-Orient. Ou je pourrais parler de l’Asie du Sud-Est (en particulier le Vietnam et les Philippines). Tous ces pays ont l’intention d’investir — ou ont déjà investi — des milliards de dollars pour construire des équipements de base, comme des réseaux électriques. Ce sont là des éléments participant à la "tempête parfaite" qui se dessine au sein du boom des infrastructures et des ressources mondiales.