** Quel est le principal problème de l’économie américaine ? Le deleveraging, dixit Igor Lotsvin, co-fondateur de Soma Asset Management, LLC. Le deleveraging peut sonner comme un terme inoffensif qui désigne un processus tout à fait banal. Après tout, le terme fait simplement référence à la réduction de la dette par rapport aux actifs figurant à un bilan. Malheureusement, dans la situation actuelle de l’économie américaine, les actifs des bilans perdent de la valeur plus vite qu’on ne peut réduire la dette. Il faut donc lutter ne serait-ce que pour conserver le niveau actuel.
– L’économie est prise dans un cercle vicieux, au sein duquel la chute de la valeur des maisons, combinée à l’augmentation des défauts de paiement sur les prêts hypothécaires, affaiblissent les actifs sur les bilans des banques — provoquant une réduction des actifs par rapport au passif. Ce processus oblige les banques à dénouer leurs positions à effet de levier de n’importe quelle façon possible. Pour l’instant, les tactiques les plus utilisées consistent à : supprimer le crédit pour les emprunteurs existants ou potentiels, vendre des part et/ou vendre des actifs. Malheureusement, tandis que les actifs continuent à perdre de la valeur sur les bilans des banques, les banques doivent continuer leur deleveraging. Refuser le crédit à des emprunteurs existants et potentiels est la technique la plus facile… du moins à court terme.
– Mais au niveau macro-économique, refuser du crédit aggrave la misère financière qui a, à l’origine, nécessité le deleveraging. En d’autres termes, ce dernier CONTRIBUE à la chute constante de la valeur des maisons, à l’augmentation des défauts de paiements, et donc entraîne le besoin de continuer le deleveraging — rendant ainsi le cercle vicieux du crédit encore plus vicieux, puisque même les entreprises et les emprunteurs solvables perdent leur accès au crédit. C’est le genre de choses qui peut transformer une récession en dépression.
** "Le deleveraging qui se produit dans le monde continue sur une très grande échelle", prévient Lotsvin. "Le monde subit un véritable appel de marge en ce moment, et cela ne va pas se régler en quelques trimestres. Le pire est encore à venir".
– Pour pouvoir commencer à voir un début de rémission, dit Lotsvin, il faudra commencer à voir un début de volonté de prêt de la part des banques. Mais cela ne se produit pas.
– "Le nouveau gouvernement a sûrement eu un A en activisme", reconnaît Lotsvin. "Mais je ferais un retour en arrière et demanderais : ‘est-ce que cela fonctionne ?… Est-ce que les banques prêtent, maintenant ?" Les banques ont reçu des centaines de milliards de dollars de liquidités et des milliers de milliards de dollars de garanties. Nous ne voyons pas le moindre prêt. Le prêt ne se fait pas… Nous prédisons que l’économie ne fonctionnera pas tant que le pouls du crédit ne sera pas revenu".
– Ce qui est inquiétant, c’est que les tendances du crédit n’avancent pas dans la bonne direction. Le crédit devient plus rare, et non plus abondant. Les banques réparent leurs bilans en refusant des crédits à des consommateurs et à des entreprises. Au cours des six derniers mois de 2008, les banques du pays ont annulé plus de 1 000 milliards de dollars de crédits. On ne peut qu’imaginer le nombre de crédits que ces banques ont refusé à de nouveaux emprunteurs potentiels.
– Doit-on blâmer les banques de ne pas parvenir à étendre le crédit en ces temps de crise ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ; mais la question n’est pas là. Les banques mettent en avant leurs propres intérêts ; et cela signifie lutter pour survivre un jour de plus. Dans un environnement de ce genre, la survie est un défi de taille.
** Les défauts de paiement des subprime ont provoqué la première vague de détresse dans le secteur financier, mais les hypothèques conventionnelles, combinées à des prêts immobiliers commerciaux ont peut être provoqué la deuxième vague. Et cette deuxième vague est bien plus grosse que la première.
– "La vague de saisies [pour les principaux emprunteurs] ne fait que monter", prévient Lotsvin. "Et pour la mettre en contexte, la crise des subprime que nous avons tous subie… a été provoquée par une classe d’actifs qui ne représente que 1 200 milliards de dollars. C’est tout. Mais la plus grosse vague de réajustement de taux se produira cet été et l’année prochaine, pour les diverses catégories de prêts à taux ajustables, type ARM et ‘Alt-A’. Et ces marchés font deux fois et demie la taille des subprime. Encore plus inquiétant, les principaux indicateurs de saisie augmentent dans chaque classe d’actifs.
– "Le prochain qui lâchera, c’est bien évidemment l’immobilier commercial", prédit Lotsvin. "Il n’y a aucun doute là-dessus. Cela se produira rapidement et de façon brusque. Et ce que nous voyons est bien plus inquiétant que les subprime".