▪ La lourdeur sévissait de nouveau à Wall Street à la mi-séance mercredi. Le Nasdaq décrochait de 1,9%, le S&P était en perte de 1,35%, tandis que le Dow Jones revenait au contact du support des 12 385 points (-0,95%).
Les marchés commencent à manifester non plus de l’impatience ou un simple agacement, mais une réelle inquiétude. Les indices boursiers américains et de l’Eurozone ont subi un nouveau trou d’air de -2% en moyenne entre 15h45 et 16h30.
De nombreux gérants, jusqu’à présent convaincus de l’imminence d’un traditionnel accord miracle de dernière minute, commencent à intégrer la perspective d’une probable dégradation de la dette des Etats-Unis d’ici la fin de l’été. Cela quelle que soit la nature du compromis sur le relèvement du plafond de la dette.
Wall Street adresse un coup de semonce à l’intention du Congrès US — comme ce fut le cas la semaine dernière en Europe à 48 heures du sommet de Bruxelles — mais la situation est différente. En effet, les Européens avaient tout intérêt à s’entendre, tandis que les adversaires de Barack Obama ont tout intérêt à lui infliger un camouflet politique et le gratifier d’une situation économique ingérable. Les investisseurs guettent depuis 10 jours le moindre signe d’émergence d’un compromis susceptible de résoudre au moins partiellement le problème de la dette américaine (plafond et rééquilibrage budgétaire) mais ils ne voient rien venir alors que la date butoir du 2 août se rapproche.
Le Congrès apparaît au mieux capable de conclure un accord a minima : pas de quoi rassurer les détenteurs d’emprunts libellés en dollar — Chine, Japon et Royaume-Uni en tête de liste avec un stock de 2 650 milliards de dollars de T-Bonds à eux trois. Comme nous le soutenons depuis avril dernier (dépassement du plafond des 14 300 milliards de dollars), les calculs politiques l’ont systématiquement emporté sur les « intérêts supérieurs » du pays.
Car c’est peut-être le gain des élections de 2012 qui se joue en ce moment même. La stratégie des républicains est clairement de placer l’administration Obama dans la pire des situations à 15 mois de la présidentielle, quitte à fait faire perdre son « AAA » à l’Amérique.
Il s’agira alors de tout mettre sur le dos des démocrates et de dénoncer leur mauvaise gestion des dossiers économiques cruciaux… On pourra les accuser de surcroît d’avoir opposé leur veto à un plan d’économies « raisonnable » — qui priverait les citoyens les moins favorisés du peu de couverture sociale que Barack Obama avait réussi à leur procurer.
Sans hausse des recettes fiscales, il sera impossible de financer à la fois Medicare, les retraites des fonctionnaires, l’éducation nationale, les guerres impériales déclenchées par G.W. Bush, les salaires à six chiffres des ronds-de-cuir dont le nombre a explosé à Washington.
Les démocrates proposent de réduire les dépenses militaires… Les républicains hurlent déjà à la mise en danger des Etats-Unis en pleine crise libyenne : les sous-marins de Kadhafi — qui a promis des représailles contre les Occidentaux — sont certainement prêts à tirer leur premier missile contre la statue de la Liberté avant d’entamer le bombardement du Capitole.
▪ Comme si les menaces que nous évoquons depuis le premier paragraphe de cette chronique ne suffisaient pas, de mauvais chiffres économiques viennent assombrir encore l’ambiance.
Les places boursières ont pris un coup au moral vers 14h30 suite à la publication d’une baisse surprise des commandes de biens durables (-2,1%) le mois dernier aux Etats-Unis, alors que les analystes anticipaient une légère progression.
Hors transports, les commandes de biens durables ont enregistré une progression symbolique de 0,1%, mais hors défense, elles affichent une baisse de 1,8% sur un mois. C’est peut-être un mal pour un bien : Wall Street espérait découvrir dans le contenu du Beige Book la confirmation que Ben Bernanke continue d’accorder la priorité au soutien à la croissance, ce qui induit la mise en oeuvre imminente de nouveaux stimuli.
D’autre part, si l’Amérique perd son « AAA », les taux ne manqueront pas de se tendre. « Monkey Business Ben » n’aura d’autre choix que d’inonder les marchés de liquidités via le rachat massif de T-Bonds, afin de faire rechuter leur rendement à des niveaux compatibles avec les capacités de remboursement des Etats-Unis.
▪ Et comme ce pays semble marcher sur la tête, le dollar se reprenait nettement mercredi soir (+1% à 1,4370/euro) — alors même que l’épicentre de la crise de confiance se situe à Washington.
Le billet est parvenu à préserver mardi le support des 1,45/1,452 face à l’euro. Cela avant de retrouver curieusement son statut de valeur refuge alors même que la tension remontait en flèche à Wall Street.
C’est une des conséquences mécaniques — et contre-intuitives — de l’inversion du carry trade euro/dollar qui accompagne la réduction de l’exposition sur les actifs à risque.
Le VIX a enregistré un bond de 10% en direction des 22,5 avant de se tasser un peu vers 22 à la mi-séance. Il se rapproche soudain de son plafond annuel des 25 atteint à la mi-juin.
▪ La Chronique sera en congé d’été lorsque surviendra le dénouement du psychodrame de la dette américaine… et nous ne sommes pas l’abri d’une volte-face des Allemands au sujet du financement du plan de sauvetage présenté à Bruxelles jeudi dernier.
Nous ne voulons pas vous laisser sans aucun repère stratégique pour gérer vos positions sur les marchés. La seule façon de baliser le terrain d’ici la mi-août est d’explorer les pistes proposées par l’analyse technique. Nous commençons ce jeudi par le CAC 40 et nous finirons demain avec les indices américains, l’Euro-Stoxx 50 et le dollar.
Le CAC 40 a bel et bien ricoché le 22 juillet sous la MM20 (3 850 points). Il se retrouve en situation de grande vulnérabilité après la cassure des 3 750 points (seuil psychologique) puis des 3 742 points (seuil pivot court terme bien identifié).
Si la correction ne s’interrompt pas après la fermeture du gap des 3 705 points ou le re-test des 3 700 points (plancher du 16 mars dernier), cela pourrait signifier que l’objectif se situe cette fois-ci beaucoup plus bas, vers 3 600 (plancher du 30 novembre) puis 3 450 (plancher du 25 août 2010).
A 12 mois d’intervalle, et malgré le QE2 de la Fed, le CAC 40 pourrait ainsi revenir à la case départ au lieu de s’envoler vers les 4 500 comme anticipé par de nombreux chartistes fin mai. Comme quoi il convient de relativiser l’influence prétendument hégémonique de la « tendance »…