** "Nous ne voulons pas en faire une affaire publique".
– C’est ce qu’a déclaré l’ancien secrétaire au Trésor américain Hank Paulson au PDG de Bank of America, Ken Lewis, en décembre dernier. La remarque de Paulson venait en réponse à la requête de Lewis : une lettre du président de la Fed, Ben Bernanke, qui reconnaissait que le gouvernement insistait pour que Bank of America rachète Merrill Lynch, malgré les pertes de méga-milliards de dollars de la maison de courtage.
– Cette simple phrase vous dit sûrement tout ce qu’il y a à savoir sur Henry Paulson, l’homme qui a mis le "secret" dans "secrétaire". Et cette simple phrase vous dit sûrement tout ce qu’il y a à savoir sur la structure et les objectifs réels de la campagne de relance orchestrée par Paulson.
– Plus précisément, les relances de Paulson cherchaient à déplacer des centaines de milliards de dollars des contribuables vers les entreprises financières de Wall Street, et ce le plus discrètement possible. Au nom du "risque systémique", l’ancien secrétaire au Trésor américain a distribué des centaines de milliards de dollars à AIG, Citigroup et son ancien employeur, Goldman Sachs, sans jamais demander ou recevoir le moindre accord d’un élu officiel. Il se trouve donc que le seul système qui ait vraiment risqué la disparition pendant que Paulson occupait ce poste, c’est le système américain des marchés financiers honnêtes et transparents.
** Les plans de relance initiaux ont été créés et mis en oeuvre par Paulson et Bernanke, deux personnes non élues. Et aucun de ces plans n’a été surveillé ou supervisé par des élus, encore moins par un vote formel. Même si certains des programmes de relance plutôt conséquents, comme le TARP, ont été votés au Congrès, le secrétaire au Trésor a continué de défendre de nombreuses activités "extra-législatives", comme le renflouage discret de Goldman Sachs par le biais de l’aide de 170 milliards de dollars accordée à AIG, et par la reprise forcée de Merrill Lynch par Bank of America.
– Selon la déclaration du 26 février du PDG de Bank of America, Ken Lewis, devant le procureur général de l’état de New York, Andrew Cuomo : Paulson aurait forcé Lewis à accepter la reprise de Merrill, sans divulguer aux actionnaires que les pertes de Merrill étaient bien plus importantes que ce qui avait été annoncé.
– "Lewis a déclaré qu’il avait demandé au président de la Réserve fédérale Ben S. Bernanke de ‘mettre quelque chose par écrit’ concernant le plan du gouvernement pour soutenir l’acquisition de Merrill en pleine conscience des pertes", rapportait un article de Bloomberg cette semaine. "Après que Bernanke ait dit réfléchir à cette idée, Paulson a appelé Lewis, et a affirmé, selon Lewis : "premièrement, ce serait tellement édulcoré que cela ne serait pas aussi puissant que ce que nous allions vous dire ouvertement, et deuxièmement, cela deviendrait une affaire publique, et nous ne voulons pas en faire une affaire publique".
– Malheureusement, les affaires non publiques de ce genre sont également des affaires illégales. "Selon Cuomo, Paulson n’a rien dit à la SEC, qui est pourtant chargée de s’assurer que les entreprises communiquent bien les informations à leurs investisseurs", continue l’article de Bloomberg. "Les allégations [de Cuomo] suggèrent que Paulson et les autres décideurs ont peut être commis des infractions aux lois de la Bourse pour protéger un système financier fragile"…
– La fin justifie-t-elle les moyens ? Oui, si vous faites partie de Merrill Lynch ou Goldman Sachs. Non, si vous êtes qui que ce soit d’autre. Les terribles infractions de Paulson ont aidé à la survie d’institutions qui méritaient de disparaître, au cours d’un processus qui consiste à amasser des milliards de dollars de dettes toutes fraîches pour des contribuables américains qui mériteraient qu’on les laisse tranquilles.