** Nous venons d’arriver de Los Angeles. A L.A., nous avons vu de quelle manière la pire crise financière depuis les années 30 affecte les Américains.
* Elle ne leur fait pas grand-chose jusqu’à présent, apparemment. Les restaurants étaient pleins. Dans les rues, les gens se promenaient, achetant visiblement des choses. Les routes étaient pleines de voitures chères.
* Qu’est-ce qui a changé ?
* Rien, à vue de nez.
Mais la Californie a récemment rejoint le "club des 10%" — les états ayant un taux de chômage dépassant les 10%. Peut-être se trouvent-ils en dehors de Los Angeles.
* En tout cas, les gens qui n’ont pas d’emploi, ou craignent de perdre leur emploi, ne sont pas de bons consommateurs. Ils hésitent ; ils traînent des pieds. Ils se débrouillent avec ce qu’ils ont.
* Voilà pourquoi les boutiques à louer sont à un sommet de 10 ans. Si les gens n’achètent pas, on n’a pas besoin d’un endroit où stocker des marchandises qu’on ne vendra pas.
* Pas besoin non plus de vendeurs ou de caissiers. Ce qui fait grimper plus encore le chômage — et fait chuter les prix.
** Dans notre livre L’Inéluctable Faillite de l’économie américaine, rédigé avec Addison Wiggin, nous avancions l’idée que les Etats-Unis suivaient le Japon dans une longue crise par intermittence. Nous avons écrit ce livre au début des années 2000, et les faits nous ont donné tort quasi immédiatement. Au lieu d’une longue crise à la japonaise, l’économie américaine a décollé et n’a pas tardé à se muer en la plus grande bulle que le monde ait jamais vue.
* A présent, cette bulle a éclaté. Tout commence à se transformer en Japonais. La crise financière nous raidit les cheveux. Elle commence à brider nos yeux. Et elle nous pousse à aimer le poisson cru !
* Le Japon n’est jamais sorti de sa crise. Au contraire, les prix des actifs nippons sont plus bas que jamais. Et l’économie japonaise se contracte plus rapidement que toutes les autres économies durant la Grande Dépression. Pour empirer les choses, la déflation est de retour. Les prix à la consommation chutent… une fois encore.
* La différence entre cette poussée de déflation et d’autres périodes de déflation de l’histoire économique du Japon au cours de ces 18 dernières années est que ce dernier n’est plus seul. La Suisse est déjà en déflation elle aussi. Idem pour la Chine. L’empire du Milieu a perdu 20 millions d’emplois depuis le début de la crise. Les prix des actifs se sont effondrés. Et maintenant, les prix à la consommation baissent eux aussi.
* Comme le Japon, la Chine et la Suisse sont des exportateurs. Lorsque les Américains n’achètent pas, la Chine, la Suisse et le Japon ne vendent pas. Leurs usines ne tardent pas à devenir silencieuses… et leur main-d’oeuvre se retrouve au chômage.
* Les Etats-Unis auront-ils aussi bientôt des prix à la consommation en baisse ? Suivront-ils finalement le Japon dans une longue crise ?
* Oui… ou peut-être que non.
* Il y a une grande différence entre les Etats-Unis d’un côté, et le Japon et la Chine de l’autre. Les Etats-Unis ne sont pas des exportateurs ; ce sont des importateurs. Ce n’est pas non plus un pays créditeur, mais un pays débiteur.
* Lorsque l’économie japonaise s’est effondrée au début des années 90, ses citoyens avaient de l’épargne. Ils pouvaient attendre jusqu’à ce que la correction prenne fin. Ils ne devaient pas réduire leurs dépenses et augmenter leur épargne ; ils épargnaient déjà assez. En fait, lorsque les prix à la consommation ont chuté, les épargnants japonais se sont enrichis ; ils pouvaient acheter plus de choses avec moins d’argent.
* Mais les Etats-Unis ne peuvent pas attendre confortablement. Leurs citoyens ont des dettes, pas de l’épargne. La déflation ne les rend pas plus riches, mais plus pauvres. Et pour payer leurs factures, ils doivent réduire leurs dépenses et augmenter leur épargne. Cela met encore plus de pression à la baisse sur l’économie et crée une situation très inconfortable pour les Américains. Plus ils épargnent pour payer leurs dettes, plus l’économie se contracte. Plus elle se contracte, moins ils ont de revenus disponibles pour épargner.
* Oh, monde cruel !
* Mais attendez. N’y a-t-il pas moyen de s’en sortir ? N’y a-t-il pas un tour de magie que la Fed puisse faire… un abracadabra de la part de Tim Geithner, peut-être ? Et si on mettait plein de gens intelligents dans une pièce, comme le suggère Thomas Friedman ? Ne réussiraient-ils pas à trouver quelque chose ?
* Nous ne saurions le dire… mais nous ne parierions pas dessus.