▪ Les investisseurs ont un peu relevé le nez du guidon médiatique pour jeter un oeil alentour. On ne sait jamais, quelques nuages conjoncturels pourraient venir menacer le bon déroulement de la longue escapade haussière programmée par Ben Bernanke, au nom de la création d’un illusoire effet de richesse dont 5% des Américains (et encore ! ) sont les vrais bénéficiaires.
Ceux qui détiennent des actions par le biais des fonds de pension sont des investisseurs passifs, dont les médias ne sondent guère le degré de confiance qu’ils placent dans la hausse des marchés.
S’ils le faisaient, ils noteraient certaines disparités dans le degré de satisfaction des épargnants qui se retrouvent actionnaires à l’insu de leur plein gré.
Certains d’entre eux n’hésitent pas à déverser sur les forums leur rage de voir quelques banques influentes gonfler la bulle boursière avec une obstination qui donne froid dans le dos.
Les traders encaissent chaque soir les plus-values réalisées dans la journée. Pendant ce temps, le titulaire d’un plan d’épargne investi en actions n’a pas le droit de passer un ordre de vente pour verrouiller une performance qui demeure totalement virtuelle tant qu’il n’a pas fait valoir son droit à la retraite.
La seule solution consiste à couvrir les positions (sans connaître le détail du portefeuille) par le biais de trackers ou de CFD ; mais cette démarche qui suppose une gestion active, est réservée à une minorité d’investisseurs avertis.
C’est ce qui constitue l’essentiel de la stratégie mise en place dans l’attente de l’apparition d’un clair signal de correction, justifiant la mise en oeuvre de positions plus offensives dès lors que certains supports majeurs seraient enfoncés.
▪ Mardi soir, Wall Street s’est épargné un faux pas qui aurait pu entraîner une petite réaction en chaîne à la baisse.
Les acheteurs ont repris la main en seconde partie de séance, comme remotivés par de nouveaux signaux d’affaiblissement de l’activité économique aux Etats-Unis. Les indices américains terminent pratiquement à l’équilibre : -0,04% pour le S&P, -0,03% pour le Nasdaq.
▪ Un institut privé financé par des chefs d’entreprises américains (NABE) s’apprête à minorer ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année 2011 à 1,8% — un chiffre identique à celui du premier trimestre.
Difficile de contester que le quantitative easing est à peu près aussi efficace pour relancer l’économie que de verser 10 litres de sans plomb 95 dans une bétonneuse en espérant la faire redémarrer.
Comme le laissait présager la stagnation au plancher historique de l’indice NAHB (association des constructeurs de maisons individuelles) publié lundi, le secteur immobilier a enregistré une nette rechute le mois dernier. Il affiche un plongeon de 10,6% des mises en chantier (à 523 000 en rythme annualisé au lieu des 570 000 anticipés).
Les mois qui viennent ne se présentent pas mieux ; cela fait cinq mois que les conjoncturistes le déplorent, mais il semble n’y avoir aucune éclaircie en vue. On assiste à une chute de 4% des permis de construire (à 551 000, alors que le consensus tablait sur 590 000).
Déjouant également le consensus plutôt haussier de Wall Street, la production industrielle des Etats-Unis est restée stable le mois dernier après une augmentation de 0,7% en mars (elle aurait dû avoisiner 0,4% en avril).
▪ Les nuages qui s’accumulent sur les prévisions de croissance ne restent pas cantonnés au-dessus du sol des Etats-Unis : les augures ne sont pas plus favorables en Zone euro. Malgré un premier trimestre littéralement tonitruant en Allemagne, l’indice ZEW du sentiment économique des milieux d’affaires en Allemagne ressort à la surprise générale en retrait de 4,5 points en cette mi-mai, pour un score certes positif, mais ramené à 3,1 points.
L’autre souci qui hante les esprits en toile de fond depuis décembre 2010, c’est l’inflation.
Elle a progressé de 1% d’un mois sur l’autre au Royaume-Uni et se retrouve propulsée à un rythme annuel de 5,2%. Cela faisait longtemps que nous avions calculé une dérive des prix supérieure à 5%, et malgré le bidouillage des chiffres officiels, il a été impossible de maintenir l’indice sous la barre des 5%.
La position attentiste de la Banque centrale d’Angleterre semble de moins en moins tenable pour un esprit cartésien. Mais nous qui ne le sommes que de façon très épisodique (le reste du temps, nous essayons de nous en tenir à la logique tordue des marchés) comprenons très bien que c’est déjà trop tard.
Il ne sert plus à rien de durcir la politique monétaire — sinon dans des proportions susceptibles de provoquer un krach obligataire. Alors pourquoi embêter les marchés avec des souffrances morales inutiles et l’entretien d’un suspense insoutenable concernant le moment de la pose d’un emplâtre sur une jambe de bois ?