** Vous détestez votre voisin ? Donnez de l’argent à ses enfants, ils ne s’en remettront pas.
* Peu de choses sont aussi coûteuses que l’argent gratuit.
* Lorsque les galions espagnols sont revenus du Nouveau Monde avec leur cargaison de pièces d’or et d’argent, les Espagnols pensèrent avoir touché le jackpot. Tout à coup, l’Ibérie avait de l’argent en abondance. Les historiens racontent que les Espagnols se mirent à négliger leurs champs et leurs manufactures ; ils avaient désormais de l’argent facile à jeter par les fenêtres. Les prix grimpèrent rapidement. Puis lorsque les navires au trésor cessèrent d’arriver, les Espagnols se retrouvèrent sur la paille. L’Espagne — et le Portugal — entrèrent dans un déclin qui dura quatre siècles.
* A la fin des années 90, les Etats-Unis prirent l’habitude de recevoir des navires entiers de produits provenant d’Asie — et de les payer uniquement en morceaux de papier vert. Les Américains ne tardèrent pas à négliger eux aussi leurs usines — mais pas leurs champs. Que les Asiatiques transpirent, dirent-ils. Nous, nous réfléchirons !
* Depuis 20 ans, on n’a pas beaucoup réfléchi sérieusement aux Etats-Unis. Les gens ont préféré des illusions réconfortantes et des sottises vaniteuses. Nous avons "l’économie la plus forte et la plus dynamique que le monde ait jamais vu", se sont-ils félicités.
* Evidemment, il n’est pas nécessaire de réfléchir — pas quand on sait que le navire touche à bon port. Maintenant que le bateau coule, cependant, on pourrait s’attendre à voir les gens enfiler leurs gilets de sauvetage et leur bonnet à penser. Mais non. Ils se tournent maintenant vers le gouvernement pour obtenir de l’argent gratuit. Nous avons appris la semaine dernière que le Congrès américain dépense désormais un milliard de dollars par heure.
* La semaine a apporté des nouvelles traîtreusement bonnes — le rebond tant attendu semble être en cours. Les actions dans le monde entier ont perdu plus de la moitié de leur valeur sans un seul rally convaincant. Il en faut un depuis longtemps — c’est peut-être celui-ci.
** Pour autant que nous puissions en juger, les actions n’ont aucune bonne raison de rebondir. Le chômage continue de grimper et les ventes continuent de chuter. Jusqu’à ce que ces tendances s’apaisent, il n’y a aucune raison de penser que les affaires s’arrangeront.
* Au contraire : les conditions économiques empirent et les entreprises réduisent leurs dividendes plus rapidement qu’à tout autre moment depuis la Grande Dépression. Comment les actions peuvent-elles grimper… alors que les ventes et les revenus chutent ? La seule possibilité serait une augmentation du PER. Mais qui veut payer les bénéfices plus cher, en ce moment ?
* Personne de notre connaissance. Les investisseurs deviennent de plus en plus méfiants, en réalité. Pourquoi ? Parce que même les entreprises les plus grandes et les plus solides au monde annoncent qu’elles ont des problèmes. Les agences ont réduit la notation de General Electric l’autre jour. "Que vaut-elle maintenant ?" demandait un gros titre. Mais on pourrait demander la même chose de quasiment toutes les entreprises de la planète — les conditions ont changé, que valent-elles désormais ?
* A l’automne dernier, Warren Buffett commentait la solidité de sa propre entreprise : "si Berkshire Hathaway n’est pas triple A, je ne sais pas quelle entreprise le serait".
* Mais la semaine dernière, Fitch a abaissé d’un cran la note de Berkshire… notant que la société avait des expositions financières, dans sa division "assurance", qui pourraient se révéler problématiques. Berkshire n’est plus triple A. Et les investisseurs doivent se poser la question : si on ne peut plus faire confiance aux meilleures entreprises, gérées par les meilleurs PDG, à qui peut-on faire confiance ?
* Nous n’attendrons pas la réponse car il n’y en a pas. Le fait est que la crise a mis un point d’interrogation derrière la valeur de tous les actifs.
* Là encore, on pourrait s’attendre à ce que ces points d’interrogation inspirent quelques réflexions sérieuses. Si les actifs ne valent pas ce qu’on pensait qu’ils valaient… eh bien, que valent-ils ? Et que se passe-t-il dans l’économie qui rend les choses si incertaines ?
* Les prix de l’immobilier américain ne donnent pas signe d’atteindre un plancher ; les saisies sont 30% plus élevées qu’à la même époque l’an dernier. La presse rapporte qu’il y a 14 millions de maisons vides aux Etats-Unis. Qu’est-il arrivé à tous ceux qui y vivaient ?
* Pendant ce temps, l’argent gratuit coule à flot. Les contribuables ont reçu des chèques de la part du gouvernement l’an dernier — même s’ils n’avaient pas payé d’impôts. Selon les derniers chiffres, les autorités américaines ont consacré 12 000 milliards de dollars à des subventions, des gratuités et autres renflouages.
* General Motors a eu quelques milliards. Mais les banques et Wall Street sont les plus gros destinataires jusqu’à présent. AIG a profité de quatre renflouages. Freddie Mac a eu sa part aussi. Mais… Freddie a perdu 50 milliards de dollars l’an dernier, déclare le Washington Post, si bien qu’il lui faudra un peu d’aide supplémentaire.
* Freddie Mac "devrait obtenir 30,8 milliards de dollars d’aide supplémentaire alors que les pertes s’aggravent", écrit un article de Bloomberg.
* Quand les pertes cesseront-elles ? Qui sait ?