▪ La semaine qui s’est achevée le 11 mars aurait dû être marquée essentiellement par l’inflexion baissière des indices boursiers sur l’ensemble de la planète. Cela alors que Wall Street célébrait le deuxième anniversaire du marché haussier amorcé le 9 mars 2009 sur fond de flambée du pétrole et de chiffres économiques étonnamment médiocres.
La cassure des supports graphiques à Wall Street ou des indices boursiers de la Zone euro a été éclipsée par un séisme d’une violence historique. Il s’agit du plus puissant jamais enregistré au Japon ; il a frappé le nord-est de l’île principale, région qui constitue l’un des poumons économique du pays.
Il est difficile d’estimer l’impact que cet événement hors norme aura sur l’économie nippone. Cependant, il n’est pas interdit de penser que des répercussions sont à prévoir dans l’ensemble de la zone Asie.
La catastrophe va se solder par un coût se chiffrant en milliards et probablement même en dizaines de milliards de dollars pour l’Etat et les assureurs. Le Premier ministre, Naoto Kan, a déjà affirmé que les liquidités nécessaires seraient mises à la disposition des marchés et de l’économie nippone.
▪ Face à l’ampleur du drame, il est heureux que les places boursières aient réussi à conserver leur sang-froid. La Bourse de Paris a reculé de 0,9% dans des volumes qui ne traduisent pas de dégagement massifs.
Les mauvaises nouvelles économiques, déjà connues avant le séisme, suffisaient à elles seules à justifier un net recul des places occidentales.
C’est la poursuite du mouvement de baisse amorcé le 4 mars dernier ; le bilan de la semaine ressort négatif de 2,3% à Paris et de 2,2% sur l’Euro-Stoxx 50.
A Francfort, le repli atteint 1,15% ; le DAX enfonce le seuil psychologique et technique des 7 000 points. Milan a perdu 1%, Madrid a limité la casse avec un score de -0,36%.
Au lendemain d’une chute collective de 1,9%, les indices américains ont fait mieux que résister après une entame de séance légèrement négative. Le Dow a grappillé 0,25% pour retracer les 12 000 points ; le S&P a repris 0,45%, repassant juste au-dessus du seuil des 1 300 points.
Compte tenu de la teneur très particulière de l’actualité du jour, les opérateurs ne se sont pas focalisés outre mesure sur les ventes au détail publiées à 14h30 aux Etats-Unis : elles ont progressé comme prévu de 1% en février. Ce fut tout de même le seul rayon de lumière à éclairer un ciel conjoncturel bien sombre (remontée du chômage, creusement des déficits, flambée des carburants qui plombe le pouvoir d’achat des ménages).
▪ De toute façon, les investisseurs ne se préoccupent plus seulement des Etats-Unis. L’inflation en Chine n’a en effet pas diminué en févier, selon les chiffres dévoilés la semaine dernière par le bureau national de statistiques.
A 4,9% (après une révision du mode de calcul tendant à la minorer), elle demeure à un niveau fort inquiétant. Cela augure d’un prochain durcissement monétaire, une perspective pas franchement rassurante pour la croissance économique mondiale.
▪ Les nouvelles ne sont guère meilleures en Europe. La crise des dettes souveraines s’y pose avec une acuité nouvelle, les difficultés de financement des PIGS s’intensifiant.
Les dirigeants européens réunis à Bruxelles vendredi sont encore loin d’un compromis — et à plus forte raison d’un accord permettant d’y remédier de manière définitive. Les dissensions sont une nouvelle fois au rendez-vous, sur fond de calcul politique à visée interne d’Angela Merkel.
Malgré l’annonce de nouvelles mesures d’austérité, les taux ont continué de se tendre au Portugal (7,7% sur le 10 ans) et en Grèce (12,8%). Ces deux pays sont déjà en récession ; tout nouveau sacrifice budgétaire et social obère l’espoir d’un redressement de l’activité et des finances publiques.
Seule éclaircie au tableau, les cours du pétrole tendaient à s’assagir, avec un baril de WTI américain qui rechutait de 1,75% vers 101 $, après avoir enfoncé en matinée la barre symbolique des 100 $. Il s’agit surtout de la traduction de sérieux doutes concernant la croissance, sur fond de hausse des taux alors que l’approvisionnement sur le marché physique reste tendu.
La situation demeure très incertaine et incontrôlable en Libye (Européens et Américains hésitent à intervenir pour protéger les insurgés). La production d’or noir est très perturbée, et la menace d’une extension des troubles en Arabie Saoudite persiste.
▪ Côté valeurs, à Paris, la semaine s’achève sur un lourd repli hebdomadaire de Scor SE (-9,6%) qui pâtit lourdement du séisme japonais et essuyait ce vendredi un repli de 5,2% à 19,25 euros. Dans le même secteur, CNP chutait de 3,3% et AXA de 2,1%.
Mauvaise semaine également pour l’ensemble du compartiment pétrolier avec -7,8% sur CGG Veritas, -5,75% sur Maurel et Prom, -3,8% sur Total, -3,3% sur Technip qui chutait également de -2,4% vendredi. La chute du dollar vers 1,40 (1,3875/euro à la veille du week-end) est passée par là !
Toute cette troisième semaine de mars sera placée sous le signe de la catastrophe tellurique et économique qui frappe le Japon. Le coût estimé s’avère déjà supérieur au tremblement de terre qui avait dévasté la ville de Kobe (120 milliards de dollars en dollar constant).
S’y rajoute le risque radioactif, avec l’explosion ce lundi matin d’un second bâtiment abritant un réacteur. Cela démontre que les procédures de refroidissement restent gravement défaillantes, tous les systèmes de secours demeurant inopérants.
Leur conception devra être intégralement revue, des modifications coûtant des milliards de dollars vont être apportées, aggravant encore le déficit nippon.
De façon plus immédiate, l’arrêt d’une demi-douzaine de centrales dans des zones à risque prive déjà le Japon — où il continue de faire très froid — de 20% à 25% de sa capacité énergétique. Cela va entraîner une chute significative de la production industrielle du pays pendant des semaines.
▪ La réaction de la Bourse japonaise est à l’échelle du drame et du deuil qui frappe le pays : le Nikkei a rouvert sur un gap de -2,5% avant de chuter de 5% en quelques minutes. Il a ensuite amplifié ses pertes en deuxième partie de séance pour afficher -6,2% au final. C’est sa plus lourde chute depuis décembre 2008.
Le plongeon de la Bourse de Tokyo atteint 10% en une semaine, ramenant les cours six mois en arrière, à 9 620 points.
Il se pourrait que le ralentissement économique dans l’Archipel finisse par affecter ses principaux partenaires économiques, dont le premier d’entre eux, la Chine.
Nul stratège n’envisage pour l’heure une réaction en chaîne (c’est pourtant de circonstance) boursière… Pourtant, le Japon pourrait bien se retrouver contraint de liquider des actifs détenus à l’étranger (Wall Street ou la City londonienne) pour retrouver des marges de manoeuvre budgétaires alors que les besoins en capitaux s’annoncent déjà comme les plus considérables depuis la Deuxième Guerre mondiale.