▪ La place de Wall Street est fière d’afficher une série de records annuels sur les trois principaux indices à 24 heures de la première conférence de presse de Ben Bernanke.
Soit personne ne doute qu’il dira tout ce que les investisseurs ont envie d’entendre, soit nous avons assisté ce mardi à une fuite en avant savamment orchestrée. Cette dernière serait destinée à déclencher des stops achat que les programmes de trading s’empresseront de valider avec l’espoir que les indices américains pourraient renouer avec leurs zéniths de l’automne 2007.
En clôture, nous retrouvions le Dow Jones à 12 595 points, le S&P500 à 1 347 points et le Nasdaq à 2 848 points. En moyenne, les hausses se sont établies à 0,9%, soit le triple de celles anticipées avant l’ouverture des marchés US.
▪ Difficile de relier cette euphorie à un fait d’actualité qui justifierait de pulvériser les sommets de la mi-février. Les commentateurs expliquaient que Wall Street s’attend à ce que Ben Bernanke réaffirme ce soir que la Fed va maintenir les taux inchangés pour une « période très étendue », ce qui équivaut à promettre de l’argent gratuit pour les six à douze prochains mois.
La grande surprise de la séance de mardi — où régnait apparemment un optimisme sans partage — c’est l’absence de volumes, malgré une interruption de cotation de quatre jours.
L’activité est à peu près comparable à un lundi de mois d’août, alors que nous sommes mardi et que tout le monde prétend être acheteur. C’est loin d’être le cas puisque les échanges atteignaient tout juste 2,3 milliards d’euros à Paris à 17h30, avant de bondir miraculeusement vers 2,9 milliards d’euros à 17h35 après une vague d’applications de dernière minute.
Ni les fameux flux d’argent (ceux qui sont imprimés par la Fed dans le cadre du QE2), ni les « bons trimestriels » (qui découlent en grande partie de l’abondance de liquidités voulue par la Fed) n’engendrent de vague de fond à l’achat.
L’optimisme des professionnels de la finance flirte pourtant avec des records historiques, d’après une enquête bancaire américaine datant de la semaine dernière. Mais où sont donc les acheteurs ?
Les vendeurs, eux, sont aux abonnés absents. Ce n’est pas une surprise : c’est le cas chaque fois qu’une tendance haussière semble solidement établie après une phase de correction ponctuelle (quatrième séance positive en Europe).
Les fameux retardataires lassés de voir passer le train de la hausse ne se manifestent toujours pas. Pire, la méfiance vis-à-vis de la hausse somnambulique des indices atteint des sommets — et ce en dépit des déficits, de Fukushima, de l’inflation et des guerres civiles au Proche-Orient.
▪ Il serait hasardeux d’affirmer que les fondamentaux économiques soutiennent la bonne tenue de Wall Street car il y avait du bon (la hausse de 1,6 point à 65,4 de la confiance des consommateurs) et du moins bon avec l’indice Case-Shiller publié à 15h00.
Il trahit une nouvelle contraction de 0,2% des prix immobiliers dans la totalité des 20 plus grandes métropoles américaines au mois de février. Les tendances concernent aussi bien les ventes que la construction de logements neufs ; elles demeurent faibles sinon négatives.
Mais voilà un argument de plus en faveur de la poursuite du QE2 jusqu’à son terme : la Fed, qui ne ralentit pas la cadence à deux mois de l’échéance, a racheté sept milliards de dollars de bons du Trésor jeudi dernier et deux milliards de dollars supplémentaires ce mardi.
▪ Bien convaincus que la Fed ne lèvera pas le petit doigt pour endiguer la montée des pressions inflationnistes, les cambistes continuent de vendre du dollar. Ce dernier est retombé hier soir au plus bas depuis août 2008 ; il s’enfonce sous les 1,4640/euro. Il n’a même pas frissonné face à l’annonce du creusement du déficit grec au-delà des 10% en 2010.
Une baisse du billet vert a tout pour réjouir Wall Street et inquiéter les consommateurs américains. En effet, le pouvoir d’achat ne cesse de se contracter ; chacun peut s’en rendre compte avec un prix du gallon d’essence qui se rapproche des 4 $, contre 2,8 $ un an plus tôt.
Les salaires n’ont progressé que de 2% en moyenne dans l’intervalle, alors que le coût de la vie a augmenté de 5% en termes réels pour les classes moyennes ou défavorisées. Ces dernières sont frappées de surcroît par un chômage de longue durée qui devient structurel et ne se résorbe pas.
▪ Les résultats d’Amazon s’en ressentent : ils chutent de 33% (de 66 cents de profit par titre vers 44 cents). Le chiffre d’affaires a pourtant été largement soutenu par de gros efforts sur les rabais et les offres spéciales.
Mais ultime preuve de l’invulnérabilité de Wall Street… après une chute de 6% en transactions hors séance, le titre Amazon a récupéré le terrain perdu en moins d’une demi-heure, avant de reprendre jusqu’à 1%.
Tout se passe comme si les opérateurs ne voulaient retenir que la bonne tenue globale des ventes du numéro un mondial des ventes en ligne, dans la mesure où la confiance des consommateurs américains se redresse au mois d’avril.
▪ Les déficits US ne constituent pas un problème plus préoccupant que le nombre record de tornades observées dans le Middle West depuis la fin de l’hiver. On peut sûrement compter sur la Fed pour résoudre ces menus désordres climatiques, de la même façon qu’elle a su mettre les Etats-Unis à l’abri des conséquences désastreuses des turbulences budgétaires.
C’est devenu un secret de Polichinelle. Il suffit de placer un portait de Ben Bernanke au-dessus d’un téléviseur pour que toutes les catastrophes que l’on peut y découvrir (tsunamis, accidents nucléaires, guerres civiles, sécheresses, déficits abyssaux, corruption des membres du Congrès…) épargnent celui que les contemple.
Un de nos correspondants aux Etats-Unis nous affirme que le portrait de Magic Ben soigne également la gueule de bois, les allergies au pollen, les rhumatismes… et garantit également le retour de l’être aimé, la bienveillance des esprits de la forêt, des vents favorables pour les marins et de meilleures performances pour votre équipe de base-ball favorite.
Compte tenu de ce qui précède, sa capacité à faire surgir du néant des centaines de milliards de dollars ne suscite aucun étonnement, ce n’est qu’un miracle parmi tant d’autres !
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