▪ Nous assistons depuis deux ans et demi à un concours de laideur impliquant les pays les plus endettés. Il faut tenir compte de la photo instantanée mais aussi des tendances sous-jacentes. La dynamique américaine fait froid dans le dos.
A lui seul, le déficit du budget US de février dépasse déjà celui de toute l’année 2007. Il s’élève à plus de 222 milliards de dollars.
Le niveau de déficit en pourcentage par rapport aux dépenses US s’élève déjà à 43% par rapport à des dépenses totales de 3,820 milliards de dollars.
C’est le même pourcentage que celui du Brésil en 1993. Juste avant qu’il explose en hyperinflation. C’est plus que la Bolivie en 1985, qui elle aussi, est partie en hyperinflation. Il y a donc urgence à faire quelque chose. Alors Barack Obama nous a fait un bon « coup de com ».
Il vient d’annoncer ce week-end la création de la National Commission on Fiscal Responsibility and Reform. Elle doit faire des propositions pour équilibrer le budget. Mais sans tenir compte des intérêts d’emprunt d’ici 2015. Vous avez bien lu. Cette commission est chargée d’équilibrer le budget hors charge de la dette !
Ces intérêts représentent déjà 10% des rentrées fiscales 2010. Vers 2015, ils absorberont 30 à 40% des recettes fiscales. En imaginant, bien sûr, que les taux d’intérêt pratiqués par la Fed ne seront pas supérieurs à 3%.
Vu que le taux d’inflation réel est déjà plus près de 5% aujourd’hui et qu’il continue d’accélérer, personne ne peut affirmer que ce fameux 3% est un palier insurpassable.
Pour équilibrer les comptes, les républicains ultraconservateurs et les ultralibéraux du Tea Party estiment qu’il suffit juste de réduire de 35% les dépenses de l’Etat et d’accroître simultanément de 35% les recettes fiscales. Mais sans augmenter les impôts sur les plus riches naturellement.
Un peu plus de TVA par ici, un peu plus de taxes sur les produits chinois par là, quelques années de croissance à +5% par an et le tour est joué !
Mais l’une comme l’autre de ces solutions n’a pas la moindre chance de voir le jour. Vous comprenez aisément que beaucoup d’opérateurs soient fermement convaincus que la Fed ne va pas arrêter le quantitative easing de si tôt !
Les minutes de la Fed publiées hier soir sont consternantes. Quand on lit le texte, on comprend qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’il faut faire pour assainir la situation économique des Etats-Unis.
Par contre, ses membres continuent de nier l’inflation tandis que Ben Bernanke évite par tous les moyens d’aborder le sujet.
Lundi, pressé d’expliquer sa stratégie monétaire face à l’incendie qui fait rage, il s’est lancé dans une explication technique sur la solidité des casques ignifugés et la vitesse de déploiement de la grande échelle. C’était surréaliste !
Pour illustrer cette inflation qui n’existe pas, il suffit de passer à la pompe avant de partir visiter la Floride ou la Californie. Le gallon (environ 4 litres) de sans plomb vaut maintenant 3,75 $ — soit 0,25 $ de plus qu’il y a un mois et 1 $ de plus qu’il y a un an. Cela semble bien parti pour atteindre les 4 $ d’ici la driving season (congés d’été aux Etats-Unis).
Les cambistes semblent manifestement penser que le plein d’essence en dit plus long sur le phénomène de l’inflation que les explications emberlificotées de Ben Bernanke.
▪ Les cambistes tablent aussi sur le fait que la BCE agira comme elle l’a laissé entendre. C’est-à-dire en relevant d’un quart de point son taux directeur ce jeudi (à 1,25%). Le seul suspens concerne l’emballage de cette mesure. J.-C Trichet peut prétendre qu’il s’agit d’une hausse ponctuelle, d’un coup pour voir… mais c’est perdu d’avance.
En effet, le resserrement du loyer de l’argent tel qu’il est anticipé ne traite pas la cause du problème mais provoquera, au mieux, une forte hausse de l’euro préjudiciable à la croissance. Et cela sans contrebalancer la hausse du baril de Brent qui s’avère depuis des mois beaucoup plus volatil que le dollar.
Si la BCE laisse entrevoir l’émergence d’un cycle de hausse de taux (par souci de cohérence), cela signifie que la croissance sera sacrifiée sur l’autel de la stabilité monétaire.
▪ Mais ce sont les PIGS qui risquent de recevoir le coup de grâce en matière de refinancement de leur dette. Ils ne peuvent plus emprunter qu’à des taux prohibitifs et sur des maturités extrêmement courte, à l’image du Portugal ce mercredi.
L’agence nationale de gestion de la dette a annoncé que Lisbonne a réussi à placer une émission obligataire à 12 mois de 455 millions d’euros, à un taux moyen de 5,902%.
Le gouvernement portugais a aussi procédé à l’adjudication de Bons à six mois, avec un rendement moyen de 5,117%. Ouf ! Six mois de gagnés. Mais les prix imposés par les marchés à l’Etat portugais (4,331% et 2,984% respectivement) explosent par rapport aux émissions comparables du début de l’année.
Cela sent le plan de sauvetage et la restructuration à plein nez estiment les spécialistes !
Ah… si seulement la BCE imprimait 50 milliards d’euros par mois (comme la Fed). Nous pourrions cesser de vous parler du problème des pays périphériques jusqu’en 2013.
La hausse de l’euro pourrait également signifier — mais nous ne misons pas cher sur cette hypothèse — que les investisseurs estiment que le risque d’éclatement de la Zone euro est négligeable à un horizon de 18 mois.
▪ Les Etats-Unis sont confrontés à ce problème de compromis sur le financement du déficit fédéral. Ce dernier conditionne le paiement des fonctionnaires. Leur mise au chômage technique pour une durée à définir reste une éventualité. Et ce ne serait pas une première, puisque Bill Clinton y avait eu recours par deux fois en 1995 et 1996.
Sauf que l’Amérique des années Clinton n’était pas en faillite. C’était le résultat d’un bras de fer purement politique. Un coup de bluff orchestré par la minorité républicaine au Congrès. Et la Maison Blanche avait fini par l’emporter.
Aucun des deux partis ne peut en fait prendre le risque politique d’acculer les Etats-Unis au défaut de paiement d’ici fin avril.
Ce petit jeu de dupes fleure bon la testostérone et la défense d’intérêts très particuliers. Mais c’est peu compatible avec l’intérêt général et il va devoir s’arrêter très vite.
Wall Street ne s’en émeut guère, comme en témoignent des indices US qui flirtent depuis une semaine avec leurs records annuels. Mais ces derniers semblaient en panne à la mi-séance. Le Nasdaq et le S&P s’effritaient de 0,03% (tout comme la veille).
D’importants seuils de résistance avaient été testés mardi en milieu de séance — les indices US avaient tout reperdu dans l’après-midi. Les investisseurs avaient envie d’y revenir ce mercredi mais ça coince une nouvelle fois. Faux signaux haussiers aussitôt suivi de faux signaux baissiers. Les créateurs d’algorithmes se régalent, les spéculateurs dégustent. Ce sont donc ces derniers qui font les pires grimaces !
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