La corrélation pétrole/indices aurait-elle changé ?
Bonjour,
▪ Oh là… les marchés chutent. Les investisseurs sont inquiets…
… à propos de nouvelles explosions dans les réacteurs nucléaires japonais…
… à propos des Etats de la périphérie de l’Europe, qui sont au bord du défaut de paiement…
… à propos des révolutions, des manifestations et des guerres civiles dans les Etats producteurs de pétrole…
… à propos de ci… à propos de ça…
Et voilà qu’arrive cette bonne vieille Réserve fédérale. Elle dit aux Américains de ne pas s’inquiéter. L’économie est « en terrain plus solide », dit-elle.
Ah oui ? Vraiment ? Nous ne sommes pas de cet avis.
Mais laissons la Fed raconter les choses de son point de vue d’abord. Voici ce qu’en rapporte Bloomberg :
« Les officiels de la Réserve fédérale ont signalé qu’ils ne prolongeraient probablement pas un plan d’achats d’obligations de 600 milliards de dollars, la reprise prenant de la vitesse tandis que la menace de voir l’inflation descendre trop bas commence à s’effacer. L’économie est ‘en terrain plus solide, et les conditions globales sur le marché du travail semblent s’améliorer progressivement’, déclarait le Federal open market committee […] après une réunion à Washington. Même si les prix des matières premières ont ‘significativement augmenté’, les attentes d’inflation sont ‘restées stables’. »
Vraiment ? L’économie américaine est-elle en terrain plus solide ?
▪ Eh bien, examinons les preuves. Vendredi dernier, les chiffres montraient que les consommateurs revenaient dans les centres commerciaux. Les chiffres des ventes ont enregistré leur plus forte hausse en quatre mois.
Mais le chômage est toujours « élevé », avec environ 10% de la main-d’oeuvre au chômage, selon la manière dont on déforme les chiffres. Les maisons sont toujours saisies. Et les prix de l’immobilier américain continuent de baisser.
Et attendez ! L’indice de confiance des consommateurs du Michigan a chuté à 68 — soit seulement quatre points de plus que le plancher atteint après la faillite de Lehman.
Bizarre, non ? Car enfin, comment est-il possible que des gens qui n’ont pas d’emploi… et dont le principal actif voit sa valeur chuter… puissent dépenser plus d’argent ?
Peut-être que la réponse est là. Peut-être que le programme d’assouplissement quantitatif de Bernanke — dans le cadre duquel les autorités injectent quatre milliards de dollars par jour dans le but de faire grimper les cours des actions — porte ses fruits. Les actions ont grimpé. Les gens se sont sentis plus riches. Ils ont dépensé plus.
Les chiffres de la Fed montrent également une hausse modeste du crédit à la consommation — la première augmentation depuis 2008. Les taux d’épargne américains sont également sur le déclin.
Mais voici une autre explication : les gens peuvent dépenser plus parce qu’ils font défaut sur le paiement de leurs prêts hypothécaires. Plus d’un sur dix n’est pas remboursé. Ce qui libère de gigantesques quantités d’argent pour autre chose.
Ce n’est pas pareil qu’une croissance réelle et durable… mais qui s’en soucie ?
Eh bien, l’idée, c’est que si la Fed compte sur une vraie reprise — de manière à pouvoir reprendre tout l’argent bidon qu’elle a mis dans l’économie — elle sera probablement déçue. L’argent bidon a créé une économie bidon. Les autorités ont injecté de l’argent à un rythme record. Pas uniquement par le biais de l’assouplissement quantitatif… mais également par les dépenses déficitaires et les taux d’intérêt ultra-bas. Les taux américains sont proches de zéro depuis 27 mois. Et le déficit continue de se creuser.
Mais l’économie oublie comment se tenir sur ses deux jambes. Après des années passées assise… elle est paralysée. En tout cas, c’est ce que nous pensons. Si les autorités suppriment leur programme d’assouplissement quantitatif — qui devrait expirer en juin — l’économie va probablement tomber face contre terre.
La Fed affirme qu’elle mettra fin à l’assouplissement quantitatif comme prévu. Selon nous, elle trouvera une excuse pour poursuivre le programme — si non immédiatement… du moins après un intervalle raisonnable.
Alors à qui allez-vous faire confiance ? Aux économistes les plus connus et les plus puissants de la planète ? Ou à la Chronique Agora ?
Aux autorités — qui vous ont dit qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter en 2007… et ont admis qu’elles étaient incapables de repérer une bulle même lorsqu’ils en avaient une sous le nez…
… ou à la Chronique Agora, qui vous a conseillé de vous mettre à l’abri ?
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Pour essayer de comprendre les répercussions de la crise japonaise
Joel Bowman
▪ Les actions baissent… l’or baisse… les rendements obligataires stagnent… les marchés mondiaux sont perturbés…
Pourtant tout cela n’est rien comparé aux terribles événements qui ont lieu en ce moment même dans un petit archipel de l’océan Pacifique. Des dizaines de milliers de personnes vivant dans l’une des économies parmi les plus développées au monde n’ont pas accès à l’eau potable ce soir, ni à l’électricité, alors que les températures sont négatives. Des familles se regroupent, ne sachant quand la prochaine catastrophe leur tombera dessus.
Dans le monde entier, des millions de personnes assistent avec peine, horreur et peut-être même culpabilité aux événements qui frappent le Japon. Certains accuseront la défaillance humaine… d’autres le mystère d’un dieu… alors que d’autres ne pourront que s’asseoir, perplexes…
« Pour quelle raison ? »… « Qu’est-ce que ça signifie ? »… « Pourquoi ici et maintenant ? »
Avant de commencer à évaluer les répercussions financières du terrible séisme qui a secoué le Japon, nous voulons d’abord présenter nos plus sincères condoléances à ceux qui souffrent de cette toute dernière expression de la colère aveugle de la nature.
Aussi insensible que cela puisse paraître, parfois la seule chose à faire dans ce genre de situation est de continuer à avancer. Les charpentiers continuent à construire… les ingénieurs continuent à concevoir… les scientifiques continuent à chercher des remèdes… les médecins continuent à les administrer…
▪ Et les chroniqueurs ? Eh bien, ceux d’entre nous à pouvoir offrir un peu mieux que des réflexions et des mots… nous continuons à évaluer… aussi crus et pénétrants que nos mots puissent apparaître en ces moments difficiles.
Nous revenons donc à nos notes ; aux actions, à l’or et aux obligations. Pour aller où, maintenant ?
Pour être honnête, il est probablement trop tôt pour saisir avec certitude l’étendue des dégâts engendrés par la catastrophe. Nous devrons également voir ce qu’il ressortira de tout cela dans les semaines et les mois à venir.
Toutefois, il n’est sans doute pas trop tôt pour commencer à essayer de comprendre ce que la crise japonaise pourrait signifier pour les rendements des obligations américaines long terme. Dan Denning, rédacteur de la version australienne de la Chronique Agora, a médité sur cette question.
« Les Japonais sont l’un des principaux détenteurs de bons du Trésor US et ils continuent à les acheter », observe Dan, avant d’ajouter : « ce capital pourrait être beaucoup mieux utilisé dans les prochaines années pour reconstruire les dégâts provoqués par le séisme et le tsunami ».
Dan soulève là un point très important. Nous assistons en ce moment même à une ruée vers la « sécurité », cela ne fait aucun doute. Les bons du Trésor US ont fortement monté hier, plus ou moins en synchronisation avec les images atroces en provenance de Fukushima et de Sendai. Le rendement sur le bon à 10 ans de référence a brièvement atteint 3,2%, son plus bas niveau cette année, reflétant ainsi l’attrait des obligations vers « des cieux plus cléments ». (Les prix et les rendements des obligations suivent des directions opposées).
Mais qu’arrive-t-il lorsque la poussière retombe un peu et que l’Oncle Sam se réveille et constate que l’un des principaux acheteurs de sa dette toujours plus grande a fait défection ?
Autrement dit, qu’arrive-t-il lorsque le deuxième plus grand détenteur de la dette américaine découvre qu’il doit résoudre son propre problème lié à un séisme de magnitude 9 ? Selon des données publiées par le ministère des Finances américain mardi, le Japon détenait 886 milliards de dollars en bons du Trésor US fin janvier. Le pays est le deuxième plus grand détenteur étranger après la Chine. Cela fait beaucoup à combler … même par petits bouts.
« Naturellement, sur le court terme, les marchés ‘sans risque’ sont haussiers concernant les bons du Trésor et le dollar américain », continue Dan. « Les gens empochent leurs placements et conservent leur argent. Mais sur le plus long terme, les Etats-Unis pourraient trouver beaucoup plus difficile de financer des déficits sans l’aide d’au moins un grand acheteur étranger. Cela mettra plus de pression sur la Fed pour monétiser la dette tout de suite ».
Que fera donc la Fed ? Eh bien, exactement ce qu’elle fait toujours, bien sûr, c’est-à-dire précisément ce qu’elle ne devrait pas faire. Comme l’indique Dan, la Fed continuera d’essayer de « monétiser » (traduire : imprimer) sa dette.
Il va sans dire que cette stratégie est totalement vouée à l’échec, dans la mesure où aucune once de logique n’entre en compte. Les universitaires aiment à dire qu’une monnaie plus faible et/ou plus de liquidités sont d’excellents moyens de redémarrer des économies défaillantes. A les en croire, une monnaie faible donne un avantage aux exportateurs à l’étranger et un envoi massif de papier monnaie stimule les dépenses en retour dans le pays. En réalité, tout cela ne fait que pérenniser une confiance chancelante dans cette monnaie en tant que réserve de valeur et, par conséquent, décourage ceux avec qui le gouvernement incriminé pourrait souhaiter commencer d’en acheter. Après tout, qui voudrait une chambre forte pleine de dollars zimbabwéens, de pengős hongrois ou de dollars américains ?
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La dignité nippone, c’est ce qu’il reste… quand tout le reste s’est désintégré
▪ La réaction des marchés par rapport aux bribes d’informations et aux images retransmises en direct de la centrale de Fukushima est assez caricaturale. Elle démontre à quel point on se situe dans un pur climat de crise où les réflexes l’emportent de loin sur la réflexion.
Les autorités japonaises annoncent qu’il est impossible aux pompiers de s’approcher de la centrale pour cause d’excès de radioactivité. Du coup, les indices nippons chutent de 5%.
Une escadrille d’hélicoptères transformés en bombardiers d’eau décollent et le Nikkei revient à -2,5%. L’un d’eux largue sa cargaison de beaucoup trop haut et rate sa cible… le Nikkei replonge de 4,5%. Le suivant fait mouche, l’indice rebondit vers -2,8%.
L’exploitant de la centrale annonce ensuite que le volume d’eau ayant atteint les piscines de refroidissement est très incertain et le Nikkei rechute de 3,8%. Quelques minutes plus tard, on apprend que les pompiers vont commencer à asperger les réacteurs au canon à eau, et la Bourse de Tokyo revient à l’équilibre… avant de reperdre 1,5% en clôture. Tout ça parce que raccordement de la centrale à une ligne de haute tension prend du retard et ne serait opérationnel que dans 24 heures.
Les systèmes de refroidissement hydrauliques finiront bien par être rétablis un jour où l’autre mais personne ne sait si cela stoppera les émissions radioactives. Des tonnes de barres d’uranium ont commencé à fusionner, comme en témoignent les nombreux incendies survenus depuis le week-end dernier, rendant leur nocivité irréversible.
Le seul moyen de les neutraliser, c’est le « sarcophage » de type Tchernobyl — et il faudrait potentiellement en construire quatre. Le coût s’annonce astronomique mais la décontamination de la région, en cas de rejet massif, pourrait s’avérer encore plus onéreuse et mettre les finances japonaises définitivement à genoux. Imaginez le budget nécessaire pour dépolluer la Côte d’Azur jusqu’à 30 kilomètres à l’intérieur des terres entre Nice et Toulon (villes, zones agricoles, forêts, littoral).
Le second souci, c’est l’état de délabrement des installations de la centrale de Fukushima : il va interdire pour plusieurs semaines l’extraction des barres de combustible qui n’ont pas encore fusionné. Ce qui va leur laisser le temps de le faire. Dans le pire des scénarios, de nouvelles explosions sont possibles, fissurant ou détruisant des piscines encore intactes.
Le coeur des réacteurs n’a pas encore pas explosé comme à Tchernobyl. Mais un mélange de divers métaux et d’uranium en fusion s’est probablement répandu sous au moins deux des cuves de la centrale. Il ne reste plus qu’à prier que les réceptacles en béton qui servent de fondation résistent à la chaleur intense, laquelle agit comme un morceau de légume bouillant posé sur une plaquette de beurre.
▪ Sur la gravité réelle de la situation, rien ne filtre de la part de l’exploitant de la centrale (TEPCO) ou des autorités japonaises.
Aucun communiqué ne contient les mots catastrophe, perte de contrôle des processus de fusion nucléaire, dégâts irréversibles, équipes d’intervention désemparées, activité radiologique létale. Cela ne ferait qu’ajouter au traumatisme et au désespoir.
La presse nippone évite soigneusement de se montrer plus explicite, toute comme elle évite, (par tradition culturelle) de présenter des images de victimes décédées. Les morts appartiennent à leurs proches, les exhiber constitue un outrage.
Les équipes de presse étrangère sont également surprises du sang-froid, de la dignité mais aussi de la résignation apparente de la population.
C’est une constante chez le peuple japonais : afficher son impatience ou sa colère équivaut à perdre la face, c’est un aveu d’impuissance. Dans un pays où la politesse et le respect des règles — mais aussi de soi et des autres — constitue une sorte d’impératif catégorique, l’incivisme, le vol, le pillage sont des déviances presque inconcevables.
La discipline dans tous les actes de la vie courante est respectée sans acrimonie : elle n’est pas perçue comme arbitraire mais nécessaire.
L’éducation à la japonaise, c’est un peu comme passer en permanence un permis de bien se conduire. Et ce n’est pas une catastrophe aussi considérable que celle du 11 mars 2011 qui pourrait excuser le triomphe du chacun pour soi et l’instauration de la loi de la jungle.
La dignité nippone, c’est ce qu’il reste quand tout le reste s’est désintégré.
▪ La Bourse de Tokyo a bien failli, elle aussi, se désintégrer mercredi soir, et pas uniquement à cause de la psychose nucléaire. Le yen gagnait en milieu de nuit près de 5% par rapport à la veille et 8% en une semaine. Le débouclement du carry trade yen/dollar ressemblait à une réédition du scénario de la crise LTCM ou de l’après Lehman.
La Banque centrale du Japon, consciente du péril, a injecté immédiatement des milliers de milliards de yens pour casser les reins à la spéculation. Le but étant d’obtenir en quelques dizaines de minutes une remontée salutaire du billet vert de 76,5 vers 80 yens… mais c’était moins une !
Après une nuit de tous les dangers et de toutes les urgences absolues (qui s’est conclue sans une nouvelle catastrophe), les places européennes ont entamé la journée de jeudi en poussant un gros « ouf » de soulagement.
Le rebond de 1% amorcé dès l’ouverture s’est confirmé et amplifié tout au long de l’après-midi. Le coup de rein final a permis à l’Euro Stoxx 50 de grimper de 2,4% et au CAC 40 de terminer au plus haut du jour, à 3 786 points (dans des volumes de 5,3 milliards d’euros).
Ce rebond est bienvenu car le premier trimestre qui s’achève ressort légèrement négatif de 0,5% par rapport au premier janvier. Par rapport au 17 décembre (précédente « journée des Quatre sorcières », il ressort à -2,3%.
▪ A Wall Street, le profil de la séance s’est avéré plutôt plat. Les scores de clôture ont été très proches de ceux affichés après un quart d’heure de cotations. Le Dow Jones a repris 1,4% à 11 775 points, le Standard & Poor’s 500 1,35% à 1 273,7 points et le Nasdaq seulement 0,75% — alors que le repli d’Amazon a pesé en fin de journée.
Les bonnes statistiques américaines publiées jeudi n’ont pas dopé la performance des valeurs US. Les inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis sont repassées sous la barre des 400 000 (à 385 000), Les indicateurs avancés de février sont ressortis en hausse de 0,8% et l’indice de la Fed de Philadelphie grimpait vers 43,4.
Pas de surprise du côté des prix à la consommation en hausse de 0,5% en février (2,1% en rythme annuel) alors que le prix du fuel a bondi de 5,4% en février.
▪ L’inflation n’est plus un sujet aussi important de l’avis d’une majorité d’économistes, drame japonais oblige. Mais les marchés ne vont pas tarder à se préoccuper à nouveau des affrontements interreligieux au Bahrein et de l’issue incertaine de l’offensive des mercenaires et des troupes restées fidèles à Kadhafi.
Les spécialistes des matières premières réalisent que les tensions refont surface sur le front de l’or noir et le cours du baril (+3,5%) s’envole vers 101,5 $ alors que le dollar rechute vers 1,40 euro.
Cette journée de vendredi pourrait favoriser certaines prises de position tactiques visant à combler les gaps de rupture du mardi 15 mars. Ne perdons pas de vue qu’une consolidation limitée de seulement 5% à Wall Street depuis le début du mois — et de 8% en Europe — relève presque du miracle. Miracle, compte tenu des incertitudes géopolitiques et économiques colossales qui s’accumulent depuis les sommets de la mi-février.
La reconnexion avec le réel ne s’est que partiellement opérée car l’argent de la Fed — et maintenant de la Bank of Japan — continue de faire merveille.
Nous sommes rentrés de plain-pied dans l’ère des manoeuvres monétaires désespérées… et c’est peu de dire que les circonstances l’exigent.
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La corrélation pétrole/indices aurait-elle changé ?
Sébastien Duhamel
▪ Ces derniers jours, le pétrole fait les gros titres des médias et, à la moindre baisse des indices de 0,5%, on vous explique que, bien entendu, c’est à cause de la hausse de l’or noir.
Cette affirmation répétée à longueur de journée a le don de m’agacer. La corrélation est strictement identique depuis de nombreux mois entre les indices et le pétrole. Mais ce sont sûrement les mêmes spécialistes qui nous annonçaient un pétrole à 10 $ en 2010…
Il y a deux ans, alors que tout le monde prédisait une poursuite de la chute du pétrole, j’étais très haussier sur l’or noir et, fin avril 2009, je parlais déjà du rebond du pétrole avec comme objectif 60 $ puis 90 $… A l’époque, le baril était autour des 52 $ !
Donc les marchés s’empressent de trouver dans la hausse du pétrole l’explication à la consolidation. Ils auraient vu donc une corrélation inverse. Voyons voir.
▪ Quel type de corrélation entre Brent et indice ?
Bizarrement, il y a six mois, lorsque le pétrole prenait 10%, personne n’évoquait ce type de corrélation. Or il suffit de regarder un graphique du pétrole et du S&P 500 sur ces six derniers mois (ou même sur ces dernières années) pour voir la très forte corrélation entre le baril et les indices à moyen terme. La corrélation aurait-elle subitement changé ?
C’est pourtant limpide : la corrélation sur ces trois dernières années est évidente à moyen terme. Elle l’est également sur ces six derniers mois. Ainsi, chaque mouvement significatif sur le pétrole s’est fait de pair (et non à l’inverse) avec un mouvement dans le même sens sur les indices. Les commentateurs qui s’expriment sur ce sujet brûlant depuis quelques semaines feraient bien d’ouvrir les yeux…
Bien entendu, cela ne veut pas dire que l’ampleur des mouvements sur les deux classes d’actifs est similaire — et je suis bien sûr conscient qu’un pétrole à 70 $ ou 140 $ n’a pas les mêmes conséquences sur l’économie. On peut toutefois s’interroger sur l’incidence réelle sur la croissance. Est-ce que la croissance était trois fois plus forte en 2009 avec un pétrole à 40 $ ?
Enfin, autre élément intéressant, il existe parfois des décalages entre les plus hauts et les plus bas sur ces deux marchés, je vous l’accorde. Mais c’est parce que le pétrole a souvent un rôle précurseur, comme lors de son point bas fin 2008, et c’est pourquoi je suis très attentivement ces corrélations pour mes abonnés à Levier 7.
▪ Brent : une prime élevée par rapport au LCO
Tout d’abord, j’attire votre attention sur un point important : la forte augmentation depuis la fin de l’année dernière du spread (l’écart) entre le Brent, coté à Londres et le Light Crude Oil, coté à New York. Le spread a quasiment été de 20 $ en faveur du Brent, qui se payait donc plus cher en février — suite aux événements dans les pays arabes — avant de commencer à se réduire ces dernières semaines.
Les pays européens dépendent certes un peu plus des livraisons du Moyen-Orient, mais cette prime semble excessive et intenable à moyen terme. En outre, contrairement à une idée reçue, le LCO est de meilleure qualité que le Brent. A terme, l’écart devrait donc redevenir marginal — de l’ordre de 2 $ ou 3 $. Dès lors, une correction sur le pétrole pèserait probablement plus sur le Brent que sur le LCO.
Pour revenir maintenant à l’analyse technique du Brent, l’échec sous la résistance des 120 $, le 24 février, a laissé sur notre graphique un chandelier avec une longue « ombre haute » qui matérialise l’échec assez net sous cette résistance et la réaction des vendeurs. Les indicateurs mathématiques confirment cette idée, en particulier le RSI à 14 jours. Après avoir dépassé la zone des 69 pendant quelques jours, l’oscillateur est en effet repassé au-dessous de ce niveau, devenu résistance. C’est un signal de vente qui confirme les premiers signes de faiblesse sur les prix.
A court terme, nous sommes donc dans un rebond avant une correction significative sous ce niveau de résistance des 120 $. Vous pourrez donc vendre sur les rebonds et viser un retour sur les 97,50 $ au minimum.
Ce niveau de support sera déterminant pour déterminer ensuite la correction des indices. A moyen terme, la configuration est semblable à celle des indices et en particulier du S&P 500 et le pétrole nous donne donc de précieuses indications pour confirmer les mouvements sur les indices.
Ces corrélations entre le pétrole, comme les matières premières en général avec les indices nous donnent souvent de précieuses indications pour confirmer un scénario sur les actions.
[Sébastien Duhamel a travaillé pour des courtiers et des sociétés de gestion. Au cours de ces dernières années, il a exercé son métier auprès des plus grandes institutions financières (Goldman Sachs, J.P. Morgan, Barclays, Société Générale…). Depuis quelques années, il collabore avec les Publications Agora, où il est responsable du service Levier7]
Première parution dans le Billet du Trader du 16/03/2011.
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