Le risque italien
Bonjour,
▪ Vous aimeriez jeter des papiers gras dans un parc national américain ou faire sauter un bâtiment fédéral ? Vous allez peut-être en avoir la possibilité.
Le gouvernement US va peut-être devoir fermer le 16 mai prochain. Est-ce une mauvaise nouvelle ? Beaucoup de gens pensent que non… mais nous allons y revenir.
En attendant, nous continuons de prendre du recul — pour observer l’ensemble du tableau. Il est facile de se laisser distraire par les détails. On commence alors à perdre de vue ce qu’il se passe vraiment.
En un mot, la Grande Correction fait encore son travail. Mais l’image est complètement faussée.
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La Fed affirme que le taux d’inflation centrale est toujours sous les 2% aux Etats-Unis…
… mais le maïs, le pétrole, le blé… atteignent tous des records. L’argent-métal est à un sommet de 31 ans. Et regardez les actions !
C’est comme si l’économie mondiale était en plein boom !
La Fed affirme que ces augmentations sont « transitoires ». Elle a peut-être raison : des chiffres bien plus élevés sont peut-être au coin de la rue pour l’inflation.
En surface, ça semble assez simple. La Fed imprime de l’argent pour lutter contre la Grande Correction. L’argent entre dans le système bancaire. Ensuite, il s’infiltre dans l’économie, n’est-ce pas ? Et donc, inflation, non ?
Eh bien, pas exactement. L’investisseur en charge de notre bureau familial, Rob Marstrand, souligne que « l’argent » mis dans le système ne passe pas vraiment dans l’économie de consommation — du moins pas directement. Il est plutôt entré dans les « réserves » bancaires… restant à la Fed sans rien faire.
Généralement, plus il y a d’argent dans les « réserves », plus l’économie devient paresseuse (dans la mesure où cet argent stagne en coulisses, au lieu d’être mis au travail pour construire, embaucher ou dépenser).
Les banques achètent des bons du Trésor US aux autorités. La Fed « imprime » de l’argent ; elle rachète de la dette du Trésor US aux banques. Les banques utilisent ces liquidités pour construire leurs réserves. Le gouvernement, quant à lui, l’utilise pour couvrir ses dépenses déficitaires.
Ce n’est donc pas le cash de la Fed qui fait directement grimper les prix. Les spéculateurs supposent plutôt que toutes ces nouvelles liquidités finiront par faire grimper les prix à la consommation et les actifs d’investissement. Ils anticipent… et échangent du liquide contre une chose dont ils pensent qu’elle leur apportera un meilleur rendement.
Il ne faut pas confondre avec une authentique reprise. C’est quelque chose de très différent.
Les autorités essaient de mettre fin à une correction en ajoutant beaucoup plus d’argent qu’elles n’ont pas… et beaucoup plus de crédit dont l’économie n’a pas besoin. Selon elles, le chômage baisse (une chose qu’elles arrangent en grande partie en ne comptant pas les gens qui ont simplement abandonné toute recherche d’emploi).
Quant à ceux qui travaillent, le Wall Street Journal rapporte qu’ils ne s’enrichissent pas exactement :
« Les salaires ne suivent pas l’inflation », titre un article.
Et bien entendu, les prix de l’immobilier baissent encore.
La confusion continue, en d’autres termes… les autorités essayant désespérément de faire grimper les prix, tandis que la Grande Correction les fait baisser.
Où est-ce que tout ça nous mènera ? A nouveau, si l’on regarde l’ensemble du tableau, les autorités continueront à injecter de l’argent et du crédit faciles… et puis l’inflation finira par arriver. Les autorités gagneront cette bataille…
… et espéreront l’avoir perdue.
▪ Le gouvernement va devoir fermer le 16 mai, selon le Secrétaire au Trésor US, Tim Geithner. Selon lui, c’est à ce moment-là qu’on atteindra le plafond d’endettement pour l’Etat américain. Et dans la mesure où le gouvernement fonctionne avec de l’argent emprunté, s’il ne peut plus emprunter, il devra éteindre les lumières et fermer la porte derrière lui.
Nous avons vu passer un rapport selon lequel, durant le mois de mars, les autorités américaines ont dépensé huit fois plus qu’elles n’ont récolté en taxes. Un mois atypique, certes… mais peut-être de mauvais augure.
La rumeur veut que pas mal de gens aimeraient voir le gouvernement en cessation d’activité — au moins temporairement. Les adeptes du Tea Party pensent que ça enverra un message à la nation… et facilitera les coupes budgétaires. Les démocrates veulent que le gouvernement ferme parce qu’ils pensent que les électeurs seront consternés, ce qui saperait le soutien aux républicains.
En ce qui nous concerne, nous voulons juste voir ce qu’il se passerait.
Rien, probablement. Mais pour ceux qui meurent d’envie de mettre le feu à une forêt nationale… de dévaliser une réserve fédérale… ou de faire exploser un bureau de poste…
… C’est un jour à marquer d’une croix rouge sur le calendrier !
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Grand concours de laideur 2011 : l’auteur de la pire grimace est donc…
▪ Nous assistons depuis deux ans et demi à un concours de laideur impliquant les pays les plus endettés. Il faut tenir compte de la photo instantanée mais aussi des tendances sous-jacentes. La dynamique américaine fait froid dans le dos.
A lui seul, le déficit du budget US de février dépasse déjà celui de toute l’année 2007. Il s’élève à plus de 222 milliards de dollars.
Le niveau de déficit en pourcentage par rapport aux dépenses US s’élève déjà à 43% par rapport à des dépenses totales de 3,820 milliards de dollars.
C’est le même pourcentage que celui du Brésil en 1993. Juste avant qu’il explose en hyperinflation. C’est plus que la Bolivie en 1985, qui elle aussi, est partie en hyperinflation. Il y a donc urgence à faire quelque chose. Alors Barack Obama nous a fait un bon « coup de com ».
Il vient d’annoncer ce week-end la création de la National Commission on Fiscal Responsibility and Reform. Elle doit faire des propositions pour équilibrer le budget. Mais sans tenir compte des intérêts d’emprunt d’ici 2015. Vous avez bien lu. Cette commission est chargée d’équilibrer le budget hors charge de la dette !
Ces intérêts représentent déjà 10% des rentrées fiscales 2010. Vers 2015, ils absorberont 30 à 40% des recettes fiscales. En imaginant, bien sûr, que les taux d’intérêt pratiqués par la Fed ne seront pas supérieurs à 3%.
Vu que le taux d’inflation réel est déjà plus près de 5% aujourd’hui et qu’il continue d’accélérer, personne ne peut affirmer que ce fameux 3% est un palier insurpassable.
Pour équilibrer les comptes, les républicains ultraconservateurs et les ultralibéraux du Tea Party estiment qu’il suffit juste de réduire de 35% les dépenses de l’Etat et d’accroître simultanément de 35% les recettes fiscales. Mais sans augmenter les impôts sur les plus riches naturellement.
Un peu plus de TVA par ici, un peu plus de taxes sur les produits chinois par là, quelques années de croissance à +5% par an et le tour est joué !
Mais l’une comme l’autre de ces solutions n’a pas la moindre chance de voir le jour. Vous comprenez aisément que beaucoup d’opérateurs soient fermement convaincus que la Fed ne va pas arrêter le quantitative easing de si tôt !
Les minutes de la Fed publiées hier soir sont consternantes. Quand on lit le texte, on comprend qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’il faut faire pour assainir la situation économique des Etats-Unis.
Par contre, ses membres continuent de nier l’inflation tandis que Ben Bernanke évite par tous les moyens d’aborder le sujet.
Lundi, pressé d’expliquer sa stratégie monétaire face à l’incendie qui fait rage, il s’est lancé dans une explication technique sur la solidité des casques ignifugés et la vitesse de déploiement de la grande échelle. C’était surréaliste !
Pour illustrer cette inflation qui n’existe pas, il suffit de passer à la pompe avant de partir visiter la Floride ou la Californie. Le gallon (environ 4 litres) de sans plomb vaut maintenant 3,75 $ — soit 0,25 $ de plus qu’il y a un mois et 1 $ de plus qu’il y a un an. Cela semble bien parti pour atteindre les 4 $ d’ici la driving season (congés d’été aux Etats-Unis).
Les cambistes semblent manifestement penser que le plein d’essence en dit plus long sur le phénomène de l’inflation que les explications emberlificotées de Ben Bernanke.
▪ Les cambistes tablent aussi sur le fait que la BCE agira comme elle l’a laissé entendre. C’est-à-dire en relevant d’un quart de point son taux directeur ce jeudi (à 1,25%). Le seul suspens concerne l’emballage de cette mesure. J.-C Trichet peut prétendre qu’il s’agit d’une hausse ponctuelle, d’un coup pour voir… mais c’est perdu d’avance.
En effet, le resserrement du loyer de l’argent tel qu’il est anticipé ne traite pas la cause du problème mais provoquera, au mieux, une forte hausse de l’euro préjudiciable à la croissance. Et cela sans contrebalancer la hausse du baril de Brent qui s’avère depuis des mois beaucoup plus volatil que le dollar.
Si la BCE laisse entrevoir l’émergence d’un cycle de hausse de taux (par souci de cohérence), cela signifie que la croissance sera sacrifiée sur l’autel de la stabilité monétaire.
▪ Mais ce sont les PIGS qui risquent de recevoir le coup de grâce en matière de refinancement de leur dette. Ils ne peuvent plus emprunter qu’à des taux prohibitifs et sur des maturités extrêmement courte, à l’image du Portugal ce mercredi.
L’agence nationale de gestion de la dette a annoncé que Lisbonne a réussi à placer une émission obligataire à 12 mois de 455 millions d’euros, à un taux moyen de 5,902%.
Le gouvernement portugais a aussi procédé à l’adjudication de Bons à six mois, avec un rendement moyen de 5,117%. Ouf ! Six mois de gagnés. Mais les prix imposés par les marchés à l’Etat portugais (4,331% et 2,984% respectivement) explosent par rapport aux émissions comparables du début de l’année.
Cela sent le plan de sauvetage et la restructuration à plein nez estiment les spécialistes !
Ah… si seulement la BCE imprimait 50 milliards d’euros par mois (comme la Fed). Nous pourrions cesser de vous parler du problème des pays périphériques jusqu’en 2013.
La hausse de l’euro pourrait également signifier — mais nous ne misons pas cher sur cette hypothèse — que les investisseurs estiment que le risque d’éclatement de la Zone euro est négligeable à un horizon de 18 mois.
▪ Les Etats-Unis sont confrontés à ce problème de compromis sur le financement du déficit fédéral. Ce dernier conditionne le paiement des fonctionnaires. Leur mise au chômage technique pour une durée à définir reste une éventualité. Et ce ne serait pas une première, puisque Bill Clinton y avait eu recours par deux fois en 1995 et 1996.
Sauf que l’Amérique des années Clinton n’était pas en faillite. C’était le résultat d’un bras de fer purement politique. Un coup de bluff orchestré par la minorité républicaine au Congrès. Et la Maison Blanche avait fini par l’emporter.
Aucun des deux partis ne peut en fait prendre le risque politique d’acculer les Etats-Unis au défaut de paiement d’ici fin avril.
Ce petit jeu de dupes fleure bon la testostérone et la défense d’intérêts très particuliers. Mais c’est peu compatible avec l’intérêt général et il va devoir s’arrêter très vite.
Wall Street ne s’en émeut guère, comme en témoignent des indices US qui flirtent depuis une semaine avec leurs records annuels. Mais ces derniers semblaient en panne à la mi-séance. Le Nasdaq et le S&P s’effritaient de 0,03% (tout comme la veille).
D’importants seuils de résistance avaient été testés mardi en milieu de séance — les indices US avaient tout reperdu dans l’après-midi. Les investisseurs avaient envie d’y revenir ce mercredi mais ça coince une nouvelle fois. Faux signaux haussiers aussitôt suivi de faux signaux baissiers. Les créateurs d’algorithmes se régalent, les spéculateurs dégustent. Ce sont donc ces derniers qui font les pires grimaces !
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Le risque italien
Sébastien Duhamel
▪ La situation économique de plusieurs pays européens reste préoccupante. Comme un éternel recommencement, après l’Islande, la Grèce ou l’Irlande, le Portugal est revenu à la une de l’actualité, nous rappelant que les problèmes de dettes souveraines ne sont toujours pas réglés. Les banques espagnoles ont également été dégradées par les agences de notation car elles ont de nombreux intérêts au Portugal et présentent un risque préoccupant.
La semaine dernière, ce sont les banques italiennes qui ont inquiété. Résultat, l’indice italien qui sous-performe assez nettement depuis deux ans, pourrait continuer à le faire. Mon analyse est que les banques italiennes vont largement sous-performer le secteur et leurs homologues européens.
▪ Des banques italiennes moins solides que celles d’autres pays européens
Mardi dernier, la banque Ubi Banca annonçait des résultats décevants au dernier trimestre 2010. Elle en profitait pour annoncer une augmentation de capital d’un milliard d’euros pour renforcer ses fonds propres. Le cours du titre perdait dans la foulée près de 10% à la Bourse de Milan, entraînant l’ensemble du secteur bancaire italien — et dans une moindre mesure européen — à la baisse.
Le plus inquiétant dans cette histoire, c’est que cela pourrait être le début d’une série d’augmentation de capital en vue de l’entrée en vigueur prochaine des normes de Bâle III. Mario Draghi, le gouverneur de la banque d’Italie, a d’ailleurs encouragé les établissements à renforcer leurs fonds propres ces derniers mois, qui sont en effet plus bas que dans la plupart des autres banques européennes.
Même si la situation des banques italiennes semble pour l’instant moins préoccupante que leurs homologues espagnols, le risque n’est pas à négliger. Je vais donc faire le point sur l’indice italien, le FTSE MIB, pour vous donner les niveaux à surveiller dans les prochains mois.
▪ Que faire sur le FTSE MIB, l’indice italien ?
Tout d’abord, prenons un peu de recul avec ce graphique en données hebdomadaires de la place milanaise :
Pour agrandir le graphique, cliquez dessus
Ce qui est frappant, comme vous le remarquez, c’est la faiblesse de l’indice. Je vous ai illustré le niveau où l’indice a marqué un plus haut en 2010 : c’est remarquable de précision, puisqu’il correspond précisément au retracement de 38,2% de la précédente vague de baisse (à 10 points près !) sur un indice qui en valait plus de 24 500.
Cela montre encore une fois la pertinence des retracements de Fibonacci lorsqu’ils sont utilisés en complément des autres éléments de l’analyse graphique, des chandeliers japonais ou des indicateurs. Cela illustre également la faiblesse du MIB là où les autres indices européens ont retracé une partie beaucoup plus importante voire la quasi-totalité de leur chute depuis 2007. Je pense au DAX allemand par exemple.
Examinons maintenant la configuration à plus court terme de l’indice en zoomant sur un graphique journalier.
Pour agrandir le graphique, cliquez dessus
▪ Quels niveaux surveiller ?
L’indice italien s’inscrit dans une correction à moyen terme sous les 24 560 points. Après une première vague de baisse jusqu’en mai 2010, il a rebondi dans le sillage des autres indices européens, mais sans avoir la force de tester ses plus hauts d’octobre 2009 en février dernier.
A plus court terme, il semble donc avoir débuté une troisième vague de baisse au sein de sa correction à moyen terme sous les 23 300 points. Les indicateurs mathématiques confirment cette idée, notamment le RSI à 14 jours qui a buté proche de la zone de neutralité des 50, sous la résistance horizontale des 54.
Vous pourrez profiter des rebonds dans les prochaines semaines pour vendre le MIB et viser une poursuite de la correction en direction des 19 000 points, zone de support majeur correspondant (plus bas de novembre 2010).
Juste au-dessous, les plus bas de l’année dernière et de juillet 2009 (à 18 000 points) devraient faire office de dernier rempart solide à moyen terme, et la zone des 18 000/19 000 points pourrait ensuite relancer les intérêts acheteurs. Cette zone sera donc intéressante à suivre en concordance avec les autres indices européens.
[Sébastien Duhamel a travaillé pour des courtiers et des sociétés de gestion. Au cours de ces dernières années, il a exercé son métier auprès des plus grandes institutions financières. Il collabore désormais avec les Publications Agora, où il a été responsable du service Agora Swing Trading, qui a permis à ses lecteurs d’engranger des plus-values régulièrement et rapidement. Il est désormais aux commandes du service de trading Levier 7].
Première parution dans le Billet du Trader le 05/04/2011
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(©) Les Publications Agora France, 2002-2011