Par Sylvain Mathon (*)
La Chine est de loin numéro un du secteur
La Chine est le premier producteur et le premier exportateur aquacole de la planète, pour des volumes supérieurs à ses prises de pêche. En conséquence, la zone Asie-Pacifique représente près de 90% de l’aquaculture mondiale. Après la Chine viennent l’Inde, le Vietnam (plus fort taux de croissance), puis d’autres pays, tous asiatiques… Jusqu’à la huitième place, en fait, où le Chili fait une timide apparition.
Le gros de la production est dévolu aux carpes, essentiellement chinoises : ce poisson représente à lui seul 40% des volumes aquacoles mondiaux. Selon les chiffres du ministère chinois de l’Agriculture, le pays a exporté pour près de quatre milliards de dollars de produits marins au premier semestre 2008. Vers 2010, la production aquacole avoisinera les 60 millions de tonnes, avec un taux de croissance annuel de 3,3%.
Des leaders ambitieux ont émergé et dominent le marché
En la matière, les coopératives et les entreprises d’Etat tiennent le haut du pavé ; mais l’ouverture du marché a aussi favorisé l’émergence de leaders ambitieux, dans des produits dont vous pourriez négliger l’importance. Par exemple, Dalian Zhangzidao : ce groupe de près de quatre milliards de dollars de capitalisation, à l’origine une compagnie d’Etat, se spécialise dans l’oursin, la coquille Saint-Jacques, l’abalone ou le concombre de mer. Dalian a privilégié la concentration verticale et contrôle toute la chaîne de distribution, depuis l’élevage jusqu’à la restauration. Il a été distingué en 2008 dans le palmarès Forbes des cents entreprises chinoises les plus prometteuses.
Un autre géant du secteur est le groupe Homey. Cette entreprise se consacre presque exclusivement à l’élevage et au conditionnement de concombres de mer et de méduses… Des mets de choix, très prisés par la population locale, mais aussi par les Chinois vivant à l’étranger. Le groupe emploie près de 12 000 personnes : entre 2004 et 2006, son titre s’est multiplié par neuf… avant de se diviser par trois depuis lors.
En Asie du Sud-Est, nombre de pays se sont lancés dans l’industrie de la crevette. Derrière la Chine et l’Inde, l’Indonésie et le Vietnam figurent dans le peloton de tête. L’un des leaders coté du secteur est, par exemple, la société Minh Phu. En pleine ascension, le groupe a ouvert cette année une filiale aux Etats-Unis.
Est-il temps de jouer le rebond ?
Ces valeurs sont difficilement jouables, j’en conviens. Mais elles sont prometteuses et témoignent de la vitalité du secteur, à l’échelle mondiale et à long terme. Comptez sur moi pour garder un oeil sur leur actualité.
En attendant, quel est l’état du marché ? Qu’il s’agisse de la crevette ou des produits de la mer en général, le secteur a durement ressenti le ralentissement mondial et essuyé une baisse de la demande. La crevette, pour le moment, semble avoir moins souffert que les autres. Mais ce n’est sans doute que provisoire : ainsi le Vietnam vient-il d’annoncer son intention, pour la première fois depuis des années, de réduire ses surfaces d’élevage de crevettes.
En Europe ou en Asie, la quasi-totalité des valeurs aquacoles que j’ai pu étudier présentent un profil graphique semblable, avec une dégringolade marquée tout au long de l’automne 2008, et rebond timide sur les plus bas, à partir de novembre. Il faut dire qu’à la récession mondiale s’est ajouté une série d’accidents sanitaires qui n’ont pas amélioré la réputation de l’aquaculture.
En Chine, le scandale de la mélamine, dont on a beaucoup parlé pour le lait, n’a pas épargné l’industrie du poisson : Hong Kong a signalé en novembre avoir découvert des lots contaminés d’aliments pour poissons en provenance du Fujian. Sans doute la méfiance des importateurs a-t-elle contribué à accélérer la dégringolade du secteur, inaugurée avec la crise mondiale.
Néanmoins, la demande est là — je pense à la Chine continentale, notamment. Et pour les raisons que j’ai soulignées plus haut, cette demande apparaît incompressible et ne peut qu’augmenter à long terme. Au plan graphique, ces valeurs positionnées sur des produits alimentaires de base, ou encore des produits de haute qualité (luxe), semblent avoir trouvé un bottom sur des niveaux clés, qui ne correspondent peut-être pas à leur valorisation réelle, et sûrement pas à leur potentiel. Est-il temps de jouer le rebond ? Je le pense, mais il faudra se montrer sélectif…
[NDLR : Et pour vous y aider, rendez-vous dans Matières à Profits — vous y découvrirez les conseils de Sylvain qui vous permettront de profiter de tout le potentiel de la pisciculture… et de bien d’autres secteurs matières premières !]
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora
(*) Globe-trotter invétéré et analyste averti, Sylvain Mathon est un peu "notre" Jim Rogers… Après avoir travaillé durant dix ans au service de grandes salles de marché, il met depuis février 2007 toute son expertise en matière de finances et de matières premières au service des investisseurs individuels dans le cadre de Matières à Profits, une lettre consacrée exclusivement aux ressources naturelles… et à tous les moyens d’en profiter. Il intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises.