** Lundi, Le Monde annonçait qu’il faudrait 1 300 milliards d’euros pour sauver les banques européennes. Selon Libération, le prix grimpe à 1 700 milliards. Quant au Financial Times, il l’annonce comme "le plan de sauvetage européen à 1 873 milliards".
* Comment se fait-il qu’il coûte plus cher de sauver les banques européennes que les banques américaines ? Les chiffres ne trichent pas, mais les calculs sont tout de même un peu bancals. La France avance 360 milliards d’euros. L’Allemagne a mis un demi-millier de milliards dans le pot de sauvetage. Mais de toute façon, qui tient le compte ? On est en guerre…
* En guerre… comme en amour… on ne compte jamais les coûts avant que les tirs ne se terminent. Ensuite, bien entendu, vient le temps des regrets…
* Mais pour l’instant, les marchés sont en pleine euphorie. Alors amusons-nous aussi ; allons faire un petit tour à la fête pour tirer la langue aux fêtards.
* Nous commençons par souligner l’évidence. Un rebond des marchés actions ne donne pas de raisons de se réjouir. Il donne des raisons de vendre. Vendez les rebonds, achetez les creux. Achetez au plus bas, vendez au plus haut, en d’autres termes. Nous vendons nos actions, d’une manière générale. Et ce rebond est une bonne manière de le faire… parce que nous pensons que ce marché pourrait aller bien plus bas. Le Dow à 5 000, telle est notre cible. Lorsque le Dow passera sous les 5 000, nous serons peut-être tenté d’acheter. Avant ça, ce sera vendre… vendre… vendre.
* Après tout, M. le Marché est un bon gars. Il vous donne toujours des occasions de sortir… ou au contraire de vous enfoncer. Après que le marché s’est effondré en 1929, par exemple, les prix ont repris 18,8% au cours des deux journées qui suivirent. Bon nombre d’investisseurs pensaient que le plancher avait été atteint ; ils ont profité de l’occasion d’acheter des actions à des prix "cassés" — pour les voir ensuite divisés par deux… puis à nouveau par deux. Et ils ont dû vivre très longtemps avec leurs erreurs. Les cours ne sont pas revenus à leurs sommets de 20 avant les années 50.
* Il y a aussi eu un rebond après le Lundi noir de 1987. Les actions ont grimpé de 16,6% durant les deux jours qui suivirent. Cette fois-ci, les achats se révélèrent n’être qu’une erreur de court terme : les actions grimpèrent durant les 12 années qui suivirent.
** Le problème avec la situation actuelle, c’est que les pyromanes qui ont causé l’incendie… puis attisé les flammes… sont chargés de l’éteindre. Nous rappelons, par pure provocation, que Goldman Sachs était à la pointe en matière de titres adossés aux créances hypothécaires et de swaps — le petit bois qui a déclenché la flambée actuelle.
* Nous rappelons aussi que non seulement Henry Paulson était à la tête de Goldman durant cette période, mais en plus, il poussait la société dans cette direction.
* Nous rappelons enfin que la banque centrale américaine, la Fed, a maintenu son taux directeur sous le niveau de l’inflation des prix à la consommation durant la majeure partie des six dernières années.
* Quant au reste des dirigeants de la planète — ils ne sont guère plus que des badauds imprudents… des gens qui se sont rendus dans la forêt pour voir le feu… puis qui se sont retrouvés piégés par un nouveau front de flammes. A présent, ils sont perdus dans la fumée, et ils sentent la chaleur.
* Pourtant, on voudrait nous convaincre qu’ils créent un nouvel ordre financier mondial… et qu’il sera stable et prospère. Pour la première partie, nous n’avons aucun doute. Les gouvernements utilisent cet effondrement comme ils ont utilisé l’effondrement des tours jumelles en 2001 — pour s’accaparer un peu plus de pouvoir. Le poing de la politique écarte la petite main "invisible" de M. le Marché. Les escroqueries subtiles laissent la place au vol grossier.
* La seconde partie, par contre, est probablement archifausse. Le contrôle gouvernemental de l’économie n’a jamais mené à la stabilité ou à la prospérité. En fait, l’historique est assez clair : plus l’Etat s’en mêle, plus les résultats économiques empirent.
* Dans les cas extrêmes, durant les 70 années d’expérience soviétique sur l’économie commandée, par exemple, les résultats ont été si spectaculairement mauvais que — à la fin — l’industrie soviétique "soustrayait de la valeur". En d’autres termes, elle mobilisait toute une économie pour extraire des ressources précieuses… les expédier… les raffiner et les traiter… et les transformer en produits finis. En fin de compte, lesdits produits finis étaient si mal faits et correspondaient si peu aux attentes du marché qu’ils valaient moins que les ressources qui avaient servi à les fabriquer !
* Personne ne prévoit de recréer le système soviétique. Au lieu de cela, ils pensent que peut-être, un peu de supervision politique serait une bonne chose. Qui sait ; ils ont peut-être raison. Simplement, nous ne connaissons aucune théorie ou expérience permettant de le penser.
* Mais les rouages sont enclenchés, et qui sommes-nous pour nous y opposer ? Paulson est occupé à distribuer 700 milliards de dollars (fournis par les contribuables) à ses amis de Wall Street. Les Britanniques essaient de sauver la City. Et les Français ? Rien de ce qui fait le capitalisme de copinage ne leur est étranger.
* Pour revenir à une question clé : d’où viendra l’argent ? Il n’y a que trois sources. On peut augmenter les impôts ; c’est à oublier tout de suite. Personne ne va augmenter les impôts — sinon symboliquement, pour punir les riches — alors qu’une dépression arrive.
* On peut aussi emprunter l’argent. Mais d’où viendront les 360 milliards d’euros ? C’est Libération qui répète notre question.
* Le gouvernement va emprunter sur les marchés des capitaux pour financer les banques, répond-on.
* Mais à qui ? Et à quel taux ? Emprunter de l’argent n’ajoute rien aux ressources financières de la planète ; cela ne fait que prendre l’argent dans une poche pour le mettre dans une autre. En d’autres termes, cela prive les emprunteurs sensés (nous le supposons) pour remplir les poches des initiés et de leurs réseaux. Dans l’ensemble, il n’y a aucune augmentation du pouvoir d’achat ou du crédit disponible. De plus, à mesure que les autorités empruntent de plus en plus d’argent, cela devrait — logiquement — faire grimper les taux d’intérêt. Cela devrait ralentir plus encore l’activité économique, aggravant la situation.
* Cela laisse une troisième possibilité : imprimer plus d’argent.
* Vendez, cher lecteur. Vendez.